Philosophie

116 5 2
                                    

     La pause de midi. J'observe. Mangeant goulûment ma pomme, je me moque des gens qui m'entourent. Qu'ils sont idiots. Ils courent partout, s'entassent dans une cafétéria déjà bondée. Pas un pour se dire que les tables d'extérieurs sont libres.  

- Plus tard, je me vois bien avec deux enfants, une fille et un gars. Mon mari sera grand blond musclé et gagnera bien sa vie. On aura une grande maison avec piscine dans un centre ville. Je retiens mon haut le coeur tant bien que mal, à l'écoute de cette courge. Je peste intérieurement contre mon ouïe que je trouve tout à coup trop fine.

Le stéréotype parfait. Répugnant. Je ne sais pas ce qui me rebute le plus, ce qu'elle dit ou bien le fait qu'elle soit sérieuse ? C'est incompréhensible de vouloir une vie pareille. Une vie parfaite. Je crois que j'en grimace.

 Vous n'avez rien compris à la vie, à son véritable sens. Vraiment rien. 

Si on naissait pour être identique, pour avoir les mêmes attentes, les mêmes ambitions, nous n'aurions pas tous une personnalité différente. Pourquoi ne le voyez-vous pas ? 

Les gens me désespèrent.

Une vie orchestrée par les attentes d'une société pourrie, c'est rien. Ce n'est pas vivre. 

Quel intérêt y-a-t-il à tout planifier ? Aucun. Aléa, tu t'emballes. Tu dis ça, mais, si ça se trouve ça les rassure de tout organiser, ranger. Je m'énerve à nouveau, je sens une chaleur grandir dans mes joues. Vias-je finir dans une case et ne jamais pouvoir s'en échapper ? Je lève les yeux au ciel. Il est clair, soudain traversé par une nuée d'oiseaux.

Jamais. Une vie, c'est une expérience continue les loulous. C'est découvrir le monde avec son propre regard, l'analyser à sa façon. Se l'approprier quoi. Vivre, c'est tomber et se relever. Tenter de nouveaux défis. Partir à l'étranger sur un coup de tête. C'est être heureux, se donner les moyens de l'être en tout cas. Ne pas oublier ses rêves, ne pas renier ses désirs. Pour qu'à la fin, sur notre lit de mort on se dise putain, ma vie est extraordinaire. Comme dirait Nietzsch, c'est vouloir revivre sa vie à l'identique. Wouah, la philo me hante encore. Je souris et me mords la lèvre à cette pensée.


- Heyy ! Je sursaute. Une grande blonde à la démarche gracieuse et une autre fille plus petite me tirent de ma rêverie. Violette et Jeanne.

- Jolie ta tenue Aléa. Clin d'oeil de l'étudiante aux yeux bleu. Je baisse la tête sur mes vêtements : doc basses, jeans slim noir, débardeur ample gris un peu trop court. Foutue machine à laver. Le tout agrémenté d'un ras de cou et d'un collier ainsi qu'un certain nombre de bracelets. Je lui souris et hausse les épaules un peu gênée. Elle est gentille.

- Une virée au bar ce soir, ça t'intéresse ? m'interroge Violette en découvrant ses dents. Un rire m'échappe. Son regard suppliant finit de me convaincre.

- Ça marche. repondé-je enjouée. Refuser d'aller faire la fête ne m'arrivera probablement jamais. J'ouvre la bouche dans un élan d'envie de papotage. Un bruit strident, aigu, désagréable retentit me coupant net. Je grimace et me bouche les oreilles. Une véritable môme Aléa.
Mais, faites taire cette cloche. Même à la fac, on continu de nous bousiller les tympans. Les filles s'en vont telles des pantins bien attachés à leurs fils. Sûrement ont-elles cours. Allez, bouge toi Aléa, toi aussi tu dois retourner en classe.


     20h30. Je suis à la bourre. Le couple attend, dans mon mini salon, que je sorte de la douche. Allez, allez du nerf. J'entends la bohème se moquer de la rousseur de son homme. Une vraie victime ce mec. Je sors du jet d'eau chaude à regret. Je prends des fringues au hasard. De toute manière, personne n'y fera attention. Boire est bien plus jouissif. Je suis prête.

- Et bien, faut pas être pressé avec toi, t'es bien une fille. Mes lèvres s'étirent en un sourire en coin.

- Dixit celui recoiffe sa touffe rousse dans le reflet de la télé. J'ironise connaissant déjà sa réaction. Il me lance un regard noir lourd de reproche. Et oui Nathan, réfléchis avant d'agir. Il souffle et croise ses bras tachetés sur son t-shirt gris aux dessins colorés. Que tu es suceptible, c'est fou.

On rejoint les autres. Je suis contente de les retrouver. Angel nous accueille d'un mot doux, dont lui seul à le secret.

- Vu le retard, j'espère qu'au moins tu t'es fait plaisir Nathan. Il reçoit une tape sur le crâne. Merci Jeanne. Toute fière, elle fait voler sa jupe noire et me décroche un clin d'oeil. C'est une pro de ce geste la petite.

- C'est pas avec Aléa qui a du se passer grand chose ! Se moque une voix taquine. Awen. Je me vangerai. Deuxième tape de la mignonette. Je tire la langue. Des gamins. Malgré ma gêne je me surprend à adorer ces moments. Ils sont simples mais rempli de complicité. C'est ce qu'on appelle le bonheur, non ?

     L'alcool doux, mais qui appelle son bar de la sorte ? Je suis sceptique. On entre. C'est blindé. En même temps, c'est jeudi soir, banane. L'ambiance est tamisée et la chaleur extrême. Ils veulent que les gens copulent ici ma parole. Je roule des yeux mi amusée mi blasée. Tout est fait pour correspondre à ce qu'attendent la populace, soit ce qu'on leur vend dans leurs séries, musiques, tout.

     Un verre. Deux verres. Trois. Ça tangue. C'est drôle. Je me lève. Je danse. Qu'est ce que la musique est nulle. Ho, deux nazis. Ha non, un seul, c'est Awen. Il est vraiment très, très, beau. Je l'embrasserais bien. N'importe quoi Aléa. Tu es bourrée. Il bouge avec moi : on ne peut pas dire qu'il sache danser. Dommage, on aurait fait un super duo sinon. Je perds l'équilibre. Il me rattrape. Un véritable prince charmant pour un nazi. Il me dépose délicatement sur un tabouret du bar. Et il retourne se mouver sur la piste. Wouah. Ça tourne. Je pose ma tête sur mes bras, sur le contoire. Je sens des yeux peser sur moi.

- Pathétique. Quoi ? Non mais de quoi j'me mêle. Je lance un regard haineux vers la voix masculine pâteuse. Adrien.

- Va au diable. Dis-je menaçante. Il rit, il se paye ma tête. Connard. Je fronce les sourcils. Vraiment, tu tentes de l'impressionner comme ça, Aléa ? Il a peut-être raison finalement, tu dois être pathétique maintenant.

     Un, deux, trois. Je me met debout. Je me fige une seconde cherchant mon équilibre. Je pousse la porte du bar. Un gars me siffle. Je le claque. Un sourire m'échappe. Oups,ça m'a échappé, je n'ai pas fait exprès. Je m'adosse au mur. Je souffle. C'est rigolo, une fumée blanche sort de ma bouche. Je ris.

- Pour une gamine, tu as un sacré caractère. Encore lui. Il m'a suivi ? J'ai pas envie de lui parler. Je ne veux pas qu'il se moque de moi. Je me cache dans mes mains.

- Surtout, ne me répond pas. Il semble exaspéré, il se détourne de moi de mauvaise grâce, titubant, une bouteille à la main. Je ne le vois plus. Un sentiment de satisfaction m'emplit. 

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

J'espère que ça vous plaît. Laissez moi un commentaire, positif ou négatif, je suis preneuse, tout ce qui peut m'aider à m'améliorer.

Petits aléasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant