Mauvaise journée

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Bip bip bip. 

      J'attrape mon réveil d'un geste bien trop vif pour quelqu'un qui vient de se réveiller. Il fait trop de bruit, c'est désagréable. L'idée de l'exploser contre le sol me parait soudainement être la plus adéquat, bien que finalement je me contente de l'éteindre et de le reposer tranquillement. 

J'ai mal au crâne. 

Je repousse ma couette et reste assise sur mon lit quelques minutes les idées dans le vague. Je m'étire, quelques os craquent et m'arrachent des grimaces. Calme toi Aléa, ça va être une bonne journée. Je pose un pied sur le vieux parquet sombre, je frissonne. Encore mal réveillée je me dirige vers mon séjour qui me semble à des kilomètres de mon lit. À mi-chemin, je m'arrête devant le miroir à côté de la porte de ma chambre. Ce que j'y perçois ne me plait pas. Je retire ce que j'ai dit, ça va être une très mauvaise journée. L'image que me renvoie mon reflet est pitoyable. Mes yeux sont cernés et gonflés, quelques boutons ont fait leur apparition. Je suis vilaine.

 Note pour plus tard : se rappeler que pleurer avant de s'endormir nous condamne à une tête de zombie le lendemain. 

Je passe ma main dans mes cheveux. Je lâche un grognement d'ours . Où sont passées mes boucles ? Je souffle. Je me verse une tasse de café, l'odeur est rassurante. Mes doigts s'enlacent autour du récipient avec douceur. C'est agréable. Ma mauvaise humeur se dissipe, je sens mon visage se détendre à force d'humer le liquide noir. Je secoue la tête un brin amusée de mes habitudes matinales. Machinalement, je jette un coup d'oeil à la grosse horloge du salon et écarquille les yeux. 

Je suis en retard. Bravo.

Je file sous la douche plus énergique, sous le jet d'eau je me bats contre mes cheveux rebelles. Un jour je vous couperais ! Enroulée dans une serviette j'attrape les premières fringues qui me tombent sous la main : un collant perdu entre le gris et le noir, un t-shirt gris ample fourré avec mauvaise grâce dans mon short noir. Pas trop court pour ne pas tomber dans la provocation, faudrait pas choquer non plus. Manquerait plus qu'on me fasse une mauvaise réputation de fausse punk ou autre ânerie de ce genre. 

Dans la rue ou la foule se bat pour se frayer une route j'allume mon téléphone. Trois messages du nazi. Un nouveau grognement m'échappe.

- Va au diable Awen. Mon ton est cassant voire menaçant. Je ne prends même pas la peine de les lire. Il m'énerve. J'arrive devant l'amphi avec 10 minutes de retards et toujours aussi renfrognée. J'entre sans frapper, pour les manières on verra plus tard.

C'est Bagdad. J'ouvre la bouche stupéfaite d'une telle anarchie. Des avions en papier volent. Je reste les bras ballants. Deux garçons sont entrain de faire un bras de fer. Dire que vous êtes à la fac, il vous manque une partie du cerveau, c'est pas croyable. Je lance un regard de pitié au prof, il est désemparé criant pour tenter de couvrir le vacarme environnant. J'hausse les épaules dépitée. Faut apprendre à te faire respecter mon gars. Je ressors lasse. 


     Je choisis les bouquins qu'il me faut pour me faire mon propre cours. J'entends toussoter dans mon dos, je lève les yeux au ciel. Je me retourne, blasée. Franchement, c'est pas le jour, passe ton chemin, conseil d'amie. Enfin non, conseil tout court. Une espèce de grande tige rousse me fait face. Elle pose ses mains manucurées sur ses hanches trop bien dessinées. Elle est jolie mais trop maquillée.

- Quoi ? mon ton est froid et hautain, en réponse à son attitude de pimbêche. Elle roule ses iris claires. À l'observer, on pourrait croire qu'elle est la soeur de Nathan, les mêmes yeux verts, les mêmes lèvres fines. J'espère pour toi que c'est pas le cas. La fille me jauge, je croise les bras sur ma maigre poitrine.

Petits aléasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant