Plénitude

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Samedi. Habituellement, j'aurais râlé de ne pas pouvoir faire une grâce matinée. Aujourd'hui, c'est différent. Je m'étire, mes coudes craquent. Je grimace, question discrétion, on a connu mieux. Je jette un oeil à la silhouette étendue à ma droite. Aucune réaction, le corps se soulève au rythme régulier de la respiration calme. Je me mets debout, sans bruit. Le proprio, à quand tu investis pour la chauffage au sol? Malgré le froid saisissant qui me traverse par les extrémités, je m'abstiens d'insulter celui qui a fait construire ce 3 pièces. J'imite un signe zen. Vraiment, Alea, tu espères, peut être, que ça te réchauffe? Je me retourne vers Mina, elle paraît apaisée. Je la couvre de la couette. Un sourire mange mon visage, je suis heureuse qu'elle soit près de moi. Je quitte la pièce, ferme, doucement, la porte, je ne veux pas la réveiller. Deux heures de cours, et ensuite, la libération. J'attrape mon téléphone et mes écouteurs. Je me prépare en musique, je gesticule sur la mélodie entraînante des Fall out Boy. De bonne humeur le matin, si tôt, je suis en progrès. Je fais une pirouette, une poire à la main. Je me stoppe, une pair d'yeux bruns m'observent. Un sourire mutin étire ses lèvres. Oui, tu vas te moquer, je sais. Je prépare une réplique cinglante tout en posant mon fruit aux côtés de ma tasse fumante.
- "Joli fessier Princesse." Quoi? Non, mais, c'est quoi ce genre de... je n'ai pas le mot!
Je suis outrée. J'ouvre la bouche, mais aucun son n'en sort. Elle rit, elle se paye ma tête. Aléa réagis! Machinalement, je baisse mon regard sur ma tenue, une culotte et un t-shirt. C'est ça que tu appelles réagir, et bien bravo. Je souffle. Les mains sur les hanches, je la remballe, un peu violemment. Il n'est pas 8h00, que déjà, je subis. Cette fille m'exaspère au plus haut point.

Elle s'approche de moi, toujours, hilare. Tu ferais un bon Angel féminin ma chère. Elle m'entoure de ses bras, ce qui a le don de me faire taire. Je me blottis contre elle. Aléa, t'es pire qu'un chat. Elle joue avec mes boucles. Une vague chaleur s'empare de moi, je me sens bien. Mes paupières se ferment, comme pour capturer le moment. D'un geste doux, elle dépose un baiser sur mon front. Je la regarde amoureusement, je crois. Une petite voix me souffle de m'écarter et d'enfouir mes sentiments, mais rien ni fait, je reste là, à sa merci. Je me maudis d'être si fragile. Je plante mes orbes dans les siennes, j'y lis de l'amour, et, pour une fois, je suis sûre. Mon coeur rate un battement. Je déteste ce foutu ressenti. Je secoue la tête. Je tente de me retirer de son étreinte, mais, elle me retient, avec force. Elle caresse ma joue, réprimant un gloussement. Oui, je suis écarlate, c'est pas nouveau. Elle se penche vers moi, lentement. Elle le fait exprès, juste pour me laisser le temps de paniquer. Salope. Mina tu es horrible. J'ai envie de te tarter, sache le. Ses doigts remontent le long de mon cou et se perdent dans mes cheveux. J'arrête de respirer, son visage n'est qu'à quelques centimètres du mien. Dépêche toi, je veux pas mourir d'asphyxie. Ses lèvres rencontrent les miennes, enfin. Elle resserre son emprise sur moi, et, je m'abandonne, complètement, enivrée par cette fille. Elle m'embrasse avec douceur. Je la sens sourire.
- "Je préfère ça à tes vilains mots." me glisse-t-elle amusée.
Elle sait l'effet qu'elle me fait, et, elle en joue. Je m'extirpe de ses bras et affiche une mine boudeuse.
- "C'est pas du jeu." Je me plains comme une môme.
J'en connais un qui m'aurait pas loupé. J'imagine Adrien se moquant, ponctuant sa phrase d'un "gamine". Je roule des yeux, et me concentre sur ma poire. Mina passe derrière moi, laissant ses doigts se balader dans mon dos. Je frissonne, j'aime sentir sa peau contre la mienne.
Mon voyage au Canada me revient en mémoire, toutes nos étreintes, nos fou rires, nos bêtises. Je me trouve, soudain, chanceuse de pouvoir retrouver cette plénitude.


J'arrive dans l'amphithéâtre, en retard. Le cours bat son plein, enfin, si on peut apipeler ça un cours. Le mot dortoir est plus approprié. Les étudiants finissent leur nuit, pour la plupart. Vous êtes exaspérants, comment comptez-vous avoir votre année si vous ne faites rien? Une bande de demeurés, voilà ce que vous êtes.
Près d'une fenêtre, j'aperçois Jule, il me fait m'invite à le rejoindre. J'hésite une seconde, puis, je me dirige vers lui. Je m'installe sans lui porter grande attention. Il a l'air passionné par ce que raconte le prof, il a raison, ça l'est. Je profite, qu'il soit absorbé par sa prise de note pour le détailler. Roux, yeux verts, comme sa jumelle, grand et fin. Il a du charme avec ses lunettes rétro et sa chemise. Son téléphone vibre, le nom du nazi s'affiche sur un fanart de Natsu. Tiens, je ne savais pas qu'ils étaient proches. Sans trop réfléchir, je l'interroge.
- "Dis, tu penses que le couple, Awen et Jeanne, est possible?" questionne-je curieuse. Il me regarde les yeux écarquillés. J'ai dit un truc qu'il ne faut pas? Je triture l'une des mèches qui me tombent devant le visage. Une sale habitude. Derrière ses taches de rousseur, ses joues se colorent de rouge. Il fuit mon regard. Je mange pas, tu sais... Je mords seulement.
- "Je sais pas." Son ton est glacial, déjà, il se détourne de moi. Wouah, c'est pas l'amabilité qui t'étouffe toi. Je me renfrogne sur mon siège, mal à l'aise. Pour quelqu'un qui aime la salamandre, tu es bien peu sociable.

Petits aléasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant