VII - Jour 9

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SEBASTIAN

Ma respiration est anormalement rapide. Mon cœur bat si fort que je peux l'entendre résonner dans l'ensemble de mon corps. Mes poumons sont douloureux. C'est étrange, j'ai l'impression que mon corps ne m'appartient pas, ou du moins que quelque chose a changé. Je peine énormément à ouvrir les yeux. Mon rythme cardiaque ralentit un peu, mais mon souffle est toujours aussi saccadé. Out est blanc, exactement comme au début. Pourquoi ? Je n'en sais rien, mais j'avoue préférer largement ce décor beaucoup trop clair au précédent, beaucoup trop sombre. Même s'il était plus pratique pour tuer en toute discrétion, je ressentais quelque peu le besoin de revoir la lumière et donc ce qui m'entourait. Voir ce qui m'entoure... D'ailleurs, il n'y a personne. Je ne suis pas angoissé à l'idée d'être seul au final, et ça me soulage même.
Soudain une forte et vive douleur s'empare de mon avant-bras doit. Je porte donc ma main gauche à l'emplacement douloureux de mon corps. Pas de sang, rien. Vraiment, plus rien. Juste un bandage sur mon avant-bras, parce que le reste de ce membre a disparu. Non, c'est impossible ! Sous le choc, je tente néanmoins de me remémorer les faits passés avant de m'être retrouvé ici. L'homme à la hache, son coup... Pourtant, je suis bien vivant. Se pourrait-il que ce soit à cause de cet acte que mon bras soit dans cet état ? C'est tout à fait probable, et si c'est la bonne réponse parce qu'elle est si évidente, alors pourquoi des gouttes d'eau s'écrasent sur le sol entre mes deux jambes ?
Mon estomac pousse une longue plainte bruyante. J'ai horriblement faim.
Je regarde autour de moi et finis par tomber sur quelque chose de surprenant. À ma gauche est posée une hache dont la lame est tachée de sang séché, ainsi qu'un, je suppose, bonbon vu la taille et l'apparence enveloppé dans un papier brillant orange, et un morceau de papier replié en quatre. Forcément, mon ventre me force à me préoccuper prioritairement de la seule chose qui a l'air comestible dans le lot. Je retire donc l'enveloppe aux couleurs chaudes et fait rouler entre mon pouce et mon index la petite bille violette. Affalé, je le dépose rapidement dans ma bouche et le fait rouler avec ma langue. Une envie de vomir me prend soudainement. Le goût est à la fois sucré et amer, le tout a un arrière-goût de myrtille mais le surplus de glucides est écœurant et l'amertume infâme. Pourtant, je me force à le terminer. Quelques secondes plus tard, mon estomac semble s'être rempli. Je laisse volontairement un soupir s'échapper d'entre mes lèvres, tant cette sensation est agréable.
Ensuite, étant droitier, je me débrouille tant bien que mal pour déplier le morceau de papier seulement avec ma main gauche. Il est rempli de mots, tous écrits d'une magnifique et soigneuse calligraphie. Après un moment passé à observer et admirer attentivement chaque caractère probablement tracés à la plume, je finis tout de même par les lire.

Sebastian,

Tu dois certainement te poser beaucoup de questions à ton réveil. Je vais tout t'expliquer, mais tout d'abord, laisse-moi te féliciter. Tu as réussi à te hisser dans le haut du classement. En , tu es notre second meilleur cobaye. C'est-à-dire, ton nombre de victimes plutôt élevé atteint la seconde place. Bravo à toi. Malheureusement, pour ce qui est de te débrouiller pour te nourrir et donc survivre, tu es vraiment mauvais. Certains choisissent de s'alimenter grâce aux corps de leurs compagnons, apparemment, tu as choisis de crever de faim plutôt que d'opter pour cette option. C'est dommage, j'aime beaucoup observer ton cas et je te pensais plus dépourvu de pitié que ça. Mais de toute manière, tu n'as plus à t'en faire pour cela. Si tu parviens à garder ta place au classement, ou même si tu passes à la troisième ou première place, le privilège continuera de t'être accordé. Je parle bien évidement du « candy », que tu as certainement déjà remarqué. Cette sucrerie particulière réservée à l'élite te permet de ne plus ressentir la sensation de faim pendant deux jours. Tu en recevras un après chaque mort que tu causeras. Évidemment, le candy ne te comblera pas réellement et tu pourras toujours mourir de faim. Mais saches que j'ai toujours envie de voir les meilleurs se battre pour vivre. Enfin... Tu as dû t'en rendre compte, Darwin est décédé. Comme c'est toi qui l'as achevé, c'est à toi que revient son arme. Il était premier auparavant, tu as eu une sacrée chance. Prends-en soin. J'ai hâte de pouvoir te voir combattre à nouveau.
M
PS : Nourris-toi un peu quand même, jeune prodige.

D'abord, pourquoi est-ce signé M ? Pendant plusieurs longues minutes, aucune réaction digne de ce nom ne me vient à l'esprit. Puis finalement, je lâche un énorme « bâtard ! » avant d'envoyer un coup de poing pas vraiment puissant dans le sol. L'auteur de cette lettre et certainement auteur de ces faits, je ne le connais pas mais une chose est sûre, je le déteste. Il a l'air de trouver ça si normal, pour lui c'est tout simplement un jeu divertissant et même amusant. Est-ce possible d'être aussi insensible ? Probablement, parce que j'ose parler d'insensibilité alors que moi-même je tue sans problème. Peut-être qu'au final, je ne vaux pas vraiment mieux que lui.
Et puis, que signifie exactement cette lettre ? Je veux dire, quel message M fait-il passer ici ? La façon dont je l'interprète n'est peut-être pas la bonne, mais j'ai l'impression qu'il veut me faire comprendre que je ne suis qu'un talentueux tueur en série. C'est certainement un compliment pour lui, mais pour moi c'est blessant, parce que je deviens la personne que je n'ai jamais voulu et n'aurai jamais imaginé être. Moi, Sebastian, élève modèle et de famille haut-placée, sombre dans le meurtre en quelques jours.
Pourquoi je ne veux pas croire à ça ?

Je me surprends à serrer très fort une jambe de mon pantalon avec ma seule main valide. Peur, haine, tristesse, honte et autres se mélangent dans ma boîte crânienne. J'ai peur de devenir quelqu'un de mauvais mais je suis triste car je le suis certainement déjà, j'ai honte de ce que je fais et de ce que je suis et j'ai la haine de ce M et de moi.
Je me sens faible, abandonné, délaissé... C'est comme si toutes mes forces m'abandonnaient, comme si je ne voulais plus faire de mal à personne, comme si je regrettais tout. Merde, mon sang-froid est parti en même temps que mon bras droit ou quoi ? J'ai l'impression que je serais incapable de tuer la prochaine personne qui se présentera à moi. Et si cette personne est violente et que je n'ai pas le choix, le pourrais-je ? Je pense que moi, tout le monde peut être capable de répliquer en cas de danger. En attendant, j'ai tué. Donc je suis toujours un assassin.
Les minutes passent, probablement les heures aussi et la journée également. Tout ce que je suis capable de faire est réfléchir, encore et encore. Après une durée donc indéfinie, j''attrape la hache qui appartenait au prénommé Darwin et observe mon reflet dans la lame. Des cernes se sont creusés sous mes yeux et mes cheveux trop longs sont emmêlés. Je retire les nœuds à l'aide de mes doigts. Je remarque plus tard une cicatrice au niveau de ma mâchoire. Je ne me souviens pas avoir été blessé à cet endroit. Quand quelque chose se plante dans ma nuque. Ça fait combien de fois déjà que je deviens inconscient de cette manière ? Ma foi, je ne compte plus. Cela ne sert à rien de toute façon.

À mon réveil, une jeune fille aux yeux fous me fixe. J'aurais presque peur d'elle. Durant ce court instant, un bon nombre de choses se mettent en place dans ma tête. Mon élan meurtrier s'empare à nouveau de moi. Je réalise aussi que je veux être premier, et pas second. Peut-être que cette fille est première, et si je la tue j'aurais sa place. Si elle ne l'est pas, mon score augmentera et je pourrai égaler, voire dépasser, le premier. Mais dans tous les cas, ça m'avantage de l'éliminer. Sans hésiter plus longtemps, mes index et majeur gauches se pointent en face de ses yeux. Elle peut fermer les paupières, ce n'est pas ça qui m'empêchera de passer à l'acte. Finalement, en poussant légèrement, je peux sentir quelque chose se trouer sous ma main et quelque chose d'humide la recouvrir. Un énorme cri de douleur résonne dans la pièce. Mes doigts s'enfoncent un peu plus chaque seconde à l'intérieur de ses orbites. Ils sont bientôt recouverts de sang.
Je ne saurais expliquer pourquoi j'ai apprécié ce moment, mais ce toucher et les cris de la fille m'ont motivé à nouveau. Je finis par la tuer après lui avoir tordu le cou. Je vais avoir un candy, c'est plutôt important, non?

La Boîte [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant