XIII - 1 an

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SEBASTIAN

Cela fait maintenant un an que j'habite chez Edern. J'ai arrêté les cours, je ne me sentais plus de faire quoi que ce soit à l'extérieur. Pourtant, je continue à perpétrer mes meurtres. C'est mal, je n'en ai plus besoin pour survivre, évidemment que j'en suis conscient. Mais je suis incapable d'arrêter tout ça. Je suis redevenu comme avant. Bien sûr, je n'en dit pas un mot à mon colocataire, à qui je n'ai d'ailleurs pas raconté mon histoire. Je ne la raconterai certainement à personne.

Light me manque énormément, c'est le cas de le dire. Plus les jours passent, plus mon souvenir de lui diminue. Bientôt, j'aurais complètement oublié son visage. C'est triste d'oublier comment était la personne que j'ai aimé et que j'aime toujours. Je refuse encore de tourner la page, parce que pour moi, c'est lui et pas un autre.

-Sebastian ! Je vais bosser, à ce soir ! hurle Edern à travers la maison.

-Putain Edern, gueule pas comme ça de bon matin.

-Au moins tu m'as entendu.

-C'est sûr...

-Dis, blondie, il serait tant que tu arrêtes de déprimer un peu. Ça fait un an maintenant, certes c'est triste pour toi mais moi aussi ça me rend triste de te voir comme ça.

Je me lève finalement de mon lit en n'ignorant qu'à moitié sa remarque. Arrêter de déprimer, c'est trop facile à dire. Je le rejoins dans le salon avant qu'il ne parte. Il s'est trouvé un emploi dans un commerce de la ville, ce qui lui prend plutôt pas mal de temps. Je le scrute de haut en bas. Ses cheveux noirs, sa peau blanche, ses yeux verts. Je n'y ai jamais vraiment prêté attention, mais je comprends très bien pourquoi il a la gente féminine, même parfois masculine, à ses pieds.

-Dis, je sais que je suis beau mais être dévisagé comme ça c'est gênant.

-Désolé.

-Sinon, ce n'est pas que je ne t'aime pas mais tu devrais songer à prendre une douche. Et puis la tenue caleçon-vieux-t-shirt c'est pas très sexy.

-T'inquiète.

Je souris un peu. Il est le seul qui arrive à me faire sourire. En même temps, il est le seul que j'aie à présent. Il se comporte un peu comme un grand-frère avec moi, il prend soin de moi, me taquine de temps en temps, est toujours gentil et attentionné, même si quand il s'y met il peut être plus qu'agaçant avec ses questions. Mais il ne m'a plus jamais rien demandé au sujet de Light depuis que j'ai débarqué chez lui, hormis son prénom et son âge. Il a compris que c'était un sujet sensible qu'il ne fallait surtout pas aborder avec moi sous peine que je fonde en larme en une demi-seconde.

-À ce soir, alors, lâches-je.

-Salut.

Mon meilleur ami me fait un signe de la main avant de sortir de sas demeure et de claquer la porte derrière lui. Le bruit d'une porte qui claque. Ça me rappelle toujours l'infirmière sortant de la pièce pour me laisser seul avec Light.

Je me donne mentalement une gifle majestueuse. Je ne dois pas penser à ça. À propos, je n'ai pas terminé premier et je ne sais pas qui l'était, je ne saurais donc jamais à quoi correspondait cette dite boîte. Je me demande si c'était vraiment important d'en prendre connaissance.

Suite à ça, je vais rapidement prendre une douche et m'habiller. J'attrape ensuite une paire de baskets, mon porte-monnaie, des clés, ma veste et sors de la maison. J'arpente les rues des alentours de long en large pendant de longues minutes, ne sachant pas vraiment où aller, et finis par entrer dans un tabac pour dégoter en paquet de cigarettes. J'ai commencé quelques mois après avoir perdu mon petit-ami. Il m'arrive parfois de me demander pourquoi je n'ai pas tué mon « père » ce jour-là, mais je me remets vite en question. Si j'avais fait ça cette fois, ça se saurait vite su que c'était moi le coupable. Je ne voulais pas finir mes jours en prison alors qu'il y avait encore une personne importante à mes yeux avec qui je voulais passer du temps. Oui, Edern, encore lui. Edern, ma seule famille. Pour le considérer comme tel, c'est que je l'aime bien plus que ce qu'il n'en a l'air. C'est bien sûr différent de Light.

Une fois la cigarette consumée, je la laisse tomber sur le sol et l'écrase avec ma semelle avant de saisir mon téléphone pour appeler mon ami. Il ne décroche pas. Tant mieux, je préférais laisser un message.

-Salut Edern. Tout ce que je te demande, c'est d'écouter ce message jusqu'à la fin. Pour commencer, je veux te remercier pour tout ce que tu as pu faire pour moi. Je n'aurais jamais pu te rendre a comme il se doit. Je suis désolé pour tous les soucis que je t'ai causés et que je te cause toujours. Il faut que je t'avoue une chose. J'espère juste que tu ne me détesteras pas trop après ça. Même si c'est le cas, je ne t'en voudrai pas. Eh bien... J'ai tué. J'ai tué des dizaines de personnes. Tu dois me haïr maintenant. Dénonce-moi à la police si tu veux. Je me sens coupable de t'abandonner comme ça. Je vais faire... Un truc irréparable. Ne m'attends pas ce soir, ni demain d'ailleurs. Enfin, ne m'attends pas. Désolé.

Je raccroche dans un soupir. Le message s'est envoyé. Un quart d'heure plus tard, je reçois un appel du noiraud avec qui je vivais.

-Sebastian ?

-C'est moi.

-Sebastian, putain, qu'est-ce que tu fous ? Qu'est-ce que ça veut dire tout ça ?

-Désolé, Edern. Je suis sincèrement désolé.

-Arrête tes excuses. T'es où ? Je m'inquiète pour toi, vraiment !

-Je sais pas. C'est pas la peine.

-Sebastian !

-Salut.

Je lui ai raccroché au nez. Je suis vraiment un imbécile, un idiot d'égoïste et j'en passe. Il fait froid. Je range mon téléphone et fourre mes mains dans les poches de on jean. Une buée s'échappe d'entre mes lèvres à chaque souffle. J'aime bien l'hiver. Ça a toujours été ma saison préférée. Je ne sais pas pourquoi je souris à ce moment-là. Je me demande si Edern a compris ce que je voulais dire par « truc irréparable ». J'ai vraiment les idées tordues.

Après plus ou moins une heure de marche, j'arrive enfin à la gare. Il n'y a presque personne. Tant mieux. Edern m'a appelé une vingtaine de fois. Je n'ai pas décroché, parce que je n'ai pas le courage de lui parler encore une fois. Je lui ai déjà causé assez de problèmes comme ça. Des dizaines de pensées se bousculent dans ma tête. Est-ce vraiment une bonne idée ? Est-ce qu'Edern va m'en vouloir ? Oui, ça c'est sûr, il m'en voudra.

Un train passe. C'est parfait. J'ai simplement à faire un petit pas en avant. Ma dernière pensée est pour Light. J'ignore ce qu'il y a après la mort. J'ignore si je le retrouverai ou non. Light veut dire lumière. On peut dire qu'il était la mienne. Et puis un jour, tout s'est assombrit. Et maintenant, après ce pas, tout s'éteint sur les rails.

La Boîte [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant