Chapitre 10. [C]

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PDV Zoé

Tout au long du trajet, ni Hugo ni moi, n'avons prononcé un seul mot. Je lui lançais des regards au coin, regardant de temps à autre nos mains liés. Arrivés chez moi, Hugo s'est directement dirigé vers mon canapé, je me suis rendue à la cuisine pour lui servir un café. Mes mains tremblent légèrement, je sens ma tension grimper à vitesse grand V. Je fixe le liquide chaud descendant dans la tasse. Je m'imagine la scène qui va suivre cent fois dans ma tête, planifiant ce que je vais dire à l'avance, créant plusieurs scénarios possible. 

Je prends les deux tasses et rejoins Hugo. Comme à son habitude, il est assis de manière nonchalante, un regard perdu vers le paysage qui s'étend à travers ma fenêtre. Je pose les tasses et soupire.

- Tu comptes commencer ou je dois te tirer les vers du nez ?

Je sursaute sous la surprise.

- Oui. Je vais te le dire laisse moi cinq minutes.

- C'est si important que ça ?

J'ignore sa question et ferme les yeux, j'inspire et expire. Et je me lance, j'explique à Hugo le message de ce matin et ma réaction.

- C'est qui ce mec ?

Hugo a l'air énervé.

- Ce « mec » c'est mon ancien entraîneur et ... si on peut l'appeler comme ça : « copain ».

Je déglutis sous la surprise de Hugo et rassemble mon courage.

- Après le décès de Jason, je n'ai pas arrêté tout de suite les entraînement. Yoan qui était mon entraîneur en a profité pour se rapprocher de moi pendant cette période sombre de ma vie. Cet-cet homme est fourbe, puissant, riche et très intelligent. Il s'est servi de moi pour son intérêt personnel. Mais avant que j'apprenne qu'il avait une part sombre en lui, j'ai fait la plus grosse erreur de ma vie.

Une boule se forme dans ma gorge, je tourne mon regard dans le vide. J'ai beaucoup trop honte pour regarder Hugo dans les yeux.

- J'ai couché avec Yoan. Je ne sais même pas pourquoi j'ai fait ça, peut-être pour oublier que l'amour de ma vie était mort, que j'étais seule et fragile. J'ai alors dit à Yoan que je voulais arrêter la boxe. Après ça, tout est parti en vrille dans ma vie. Yoan a commencé à devenir violent, il me harcelait moralement et physiquement pour que je réintègre la boxe. Un soir, il est venu chez moi. Il hurlait à la porte pour que je le fasse rentrer, mais j'ai refusé et malgré le fait que je sais me battre, j'avais beaucoup trop peur pour lui ouvrir. Je l'ai menacé d'appeler la police, il a forcé la porte d'entrée et il est entré. Il m'a battu pendant des heures, il m'a torturé avec un regard de pervers, comme s'il aimait ce qu'il voyait. J'ai réussi à m'enfuir. J'ai quitté la ville et je suis partie le plus loin possible, je savais très bien qu'il allait me retrouver, mais je me voilais la face. Ce soir-là, j'ai réalisé que j'ai été entraînée toutes ces années par un psychopathe, un malade mental. Tu dois sûrement te demander pourquoi je ne me suis pas rendue directement au poste de police après cette soirée, mais comme je te l'ai dit, c'est un homme puissant qui a énormément de contact. Ce milieu est corrompu.

Un long silence envahit la pièce, aucun son ne se fait entendre, même pas nos respirations. Je tourne mon visage vers Hugo qui fixe le sol les poings serrés, la mâchoire contractée. Je pose mon regard vers la fenêtre entrouverte et sens une légère brise caresser mon visage, me faisant prendre conscience que j'ai pleuré. Je renifle et souffle. 

Soudain, Hugo tourne son visage sans expression vers le mien. Sa voix grave et dure remplit la pièce qui était si calme.

- Qui est Jason ?

Je suis surprise par sa question. Il n'a pas écouté tout mon discours ? Il ne voit pas mes larmes ? Ça ne lui fait rien du tout ?!

- Pardon ?

- Ne t'énerve pas, j'ai très bien entendu tout ce que tu m'as dit. J'ai plusieurs questions mais la première c'est : qui est Jason ?

Je déteste parler de lui. Il ne pourra donc jamais reposer en paix ? Il ne pourra jamais me regarder de là haut et se dire « Elle est heureuse. Enfin. » un sourire aux lèvres et les yeux pétillants... J'étouffe un sanglot et essuie mes larmes. Je commence à expliquer tout ce que j'ai déjà dit à Lya, en grande partie l'accident.

- Bien. Et qui te dit que la mort de Jason était prémédité ?

- Je n'étais pas la conductrice donc je ne voyais pas bien la route, mais je suis sûre et certaine qu'il n'y avait pas de graviers ce soir-là sur la route, ou peut-être que si mais seulement deux ou trois ! Pas de quoi provoquer un accident. Je ne sais pas comment il a fait mais je suis sûre que Yoan a tué Jason.

Hugo hoche la tête, songeur.

- Bien, je vais m'installer ici.

Mes yeux s'écarquillent, j'ouvre plusieurs fois la bouche mais la referme aussitôt quand aucun son ne sort de ma bouche. Non. Non, non, non ! Déjà quand on fait un devoir, ça part loin mais si il dort à deux mètres de moi et qu'on vit « pratiquement » ensemble... Je commence à hocher négativement la tête et constate que cela agace fortement Hugo.

- Je m'en contrefous de ce que tu veux Zoé !

Il bondit du canapé, haussant la voix et me regardant sévèrement.

- Comment tu peux encore décider de ce qui est bon pour toi ?! Tu m'attends devant le lycée et tu commences à me raconter tes secrets et tes histoires, et quand je te propose une surveillance rapprochée tout de suite tu dis non !

Hugo prend son sac et commence à se diriger vers la porte. Je bondis du canapé et sans réfléchir je me jette sur lui et enroule mes bras autour de sa taille, mes larmes coulent à flot tout le long de mes joues.

- Ne pars pas ! Ne me laisse pas ! Je t'en prie, je t'en supplie !

Je hurle ces mots dans un cri de désespoir, dans une supplice qui m'arrache le cœur. Je m'abandonne complètement, laissant mes larmes couler sans retenue sur le t-shirt de Hugo. Je hume son odeur, me calmant peu à peu. Hugo n'a pas bougé, il est resté silencieux, jusqu'à ce qu'il pose une main sur une des miennes qui sont sur son ventre. 

- Reste... reste.

Ces deux mots sortent de ma bouche dans un murmure, dans un son de désespoir profond. Hugo se retourne et me prend dans ses bras.

- Je suis là, ne pleure plus.

J'enfouis mon visage dans son torse et serre son t-shirt contre moi. Je me calme peu à peu sous les caresses incessantes de Hugo tout contre mon dos. Son souffle parcourt ma nuque, me réchauffant et me rassurant.

- Dis-moi que tu restes.

- Je reste. Je te le promets.

Et à ce moment là, je réalise une chose. Je suis devenue faible depuis que je l'ai rencontré, je me suis abandonnée. J'ai pas tellement lutté contre mon attirance pour Hugo, et je n'en ai aucune envie, tout ce que je veux c'est le sentir près de moi. Je veux qu'il ne me laisse jamais tomber, je veux qu'il reste, qu'il me soutienne, qu'il me donne du courage, je veux tellement de choses. Je veux qu'il me protège. Qu'il soit ce sauveur, ce prince charmant dont tous les contes de fées pour enfants parlent. Je veux juste ne plus jamais être seule, je ne veux plus vivre dans la crainte et la solitude.

Zoé [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant