NOÉMIE BUZNYK

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Après un contrôle de math, la seule réflexion intelligente que je suis apte à me faire, c'est que quand je ferme les yeux, eh bien, je ne vois plus rien.

Voilà, c'était ma seconde philosophique.

Non pas que les témoignages précédents ne m'ont fait ni chaud, ni froid. C'est juste ma façon de justifier le pourquoi-du-comment mon cerveau n'est pas en mesure de pondre une histoire censée.
Une histoire ? Oui. Car j'ai du mal à croire ce que je viens de lire. Et j'ai encore plus de mal à croire que ce carnet n'est pas une immense plaisanterie. Vincent ? Mathias ? Sérieusement ?

C'est tellement absurde que je n'arrive même pas à voir ce qu'il y a de drôle là-dedans.

Mais si c'est vrai - et je doute fortement que ça le soit - alors que quelqu'un m'explique comment se fait-il que ce carnet soit tombé dans mon sac alors que Mathias était censé le jeter (ou le garder pour lui) ?

Pourquoi quelqu'un s'amuserait à le faire passer à tout le monde ?

Et pour ceux que ça chiffonne, j'écris dans ce carnet en heure de colle. Moi aussi j'ai séché ce foutu contrôle de math à la con. Sauf que je n'ai pas été collé le même jour que vous... boloss.

Moi, j'ai été obligée de rattraper ce stupide examen parce que mon professeur est un sadique... Et je me fais quand même coller. C'est gentil, je retiens, ce lycée a une très touchante manière de montrer son amour envers ses élèves.

Pour en revenir à toi, Vincent. Si ce que tu dis est vrai - tout le monde sait que tes mensonges se confondent à ta sincérité, si bien qu'au final, la vérité finit toujours par être un mensonge avec toi et vice-versa - alors je pense que tu devrais tenter ta chance avec Laura. On est tous les trois dans la même classe et pour ta gouverne, je ne m'appelle pas Émilie, mais Noémie. Pas Natalie, ni Valérie, ni Marie, mais Noémie... Par ailleurs, je connais l'adresse d'un bon Carrefour Market qui vend des stylos quatre couleurs, je pourrais te la donner, histoire que t'arrête de me voler mes affaires... Tente ta chance avec Laura, prouve que le cliché ambulant que t'es mérite mieux que des insultes écrites sur les murs des toilettes et cesse de jouer les dramaqueens dans un carnet de brouillon.

Hannah. La curiosité, c'est mal. Et puis, je suis d'accord avec les autres, une petite baffe de temps à autres, ça fait du bien. Je vote pour que Sylvie en reçoive une pour toutes les rumeurs qui m'ont fait penser que t'étais une fille bizarre... Si tu veux, je lui tiens les bras pendant que tu la frappes. En toute amitié.

Misha. De un, j'adore ton prénom. De deux, reste gay. De trois, ne deviens pas esclave de l'amour. L'amour, c'est mal. Les mauvaises odeurs deviennent des parfums addictifs et les mauvais goûts deviennent des saveurs incomparables. Je sais de quoi je parle... Et puis, quand t'es amoureux, tu deviens aveugle, sourd et muet. C'est vraiment ce que tu veux ? Pour un gars qui ne t'aimera probablement jamais ? Aime-toi, car au moins, cette relation-là durera toujours.
Crois-moi, les petits copains, ça me connaît. Les garçons sont des mystères en puzzle. Ils sont cons, mais sentent bon. C'est un piège, méfie-toi ! Personne n'a inscrit Cupidon à un club de tir, je le sais bien. Moi, par exemple. Bah, je sors avec mon meilleur ami alors qu'au fond, ni lui, ni moi ne nous aimons vraiment. Pas comme ça. On est ensemble parce que tout le monde nous a fait croire que ce serait explosif. En vérité, oui, ça l'a été. Maintenant que le feu d'artifice est terminé, que la fumée a été remplacée par l'air ambiant et que les étincelles ont disparu de notre mémoire, on fait quoi ? L'amour, Misha, c'est beau sur le papier et dans les films. Enfin, c'est beau dans la vraie vie aussi, ne soyons pas pessimiste. Mais rien n'est immortel. On en arrive à chercher un bon moyen de rompre sur Google.

Émilie. Rien à redire. On ne se connaît pas, mais t'es la meilleure. J'acquiesce. J'approuve. Je cautionne. J'affirme et confirme tout ce que tu as écrit. Par contre... Si j'ai vu juste, tu es amoureuse de Pierre, "l'ombre" de Vincent... Bonne nouvelle, il est assis à deux tables de la mienne et semble faire ses devoirs en littérature... À cette distance, y a moyen que j'arrive à viser juste.

Mathias... Ton visage apparaît flou dans ma mémoire et j'hésite à dire si tu es le garçon au regard maussade et aux cheveux presque gris qui traîne toujours avec Vincent ou si t'es le jeune homme avec un piercing sur la lèvre inférieure et la même paire de Stan Smith abîmées depuis la seconde, qui échange deux bouffés d'herbe à midi avec lui. Peu importe en soit, puisque ni l'un, ni l'autre ne me connaît. Ton frère est revenu de prison, assume-le, va le voir, parle-lui. La peur ne doit pas contrôler tes actes et encore moins t'empêcher d'agir. La peur, c'est du vent. Du vent qui t'empêche de faire un pas devant l'autre, mais avec une bonne paire de cojones, tu arriveras à avancer. C'est comme ça. On a tous peur que la vie s'arrête là, ça s'appelle l'adolescence. Fini de grandir. Fini l'insouciance. Fini l'attention de maman et les encouragements de papa. Fini les batailles à la règle avec ton pote Vincent, tu n'es plus au collège. Fini les flirts avec des Clara et des minettes qui ne t'aiment que pour ta popularité et ton joli cul... Je sais que tu te fiches complètement de ma vie et de celles des autres... Mais un conseil. Assume un peu tes peurs. Grandir, c'est apprendre à vivre avec et à les affronter.

Noémie
(mokiho )

10 VéritésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant