PIERRE NOUN

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Pardonnez les ratures... J'ai beaucoup de mal à écrire ce que je pense et à penser ce que j'écris. Être honnête, c'est le mot-clé de ce carnet, si j'ai bien tout capté. Alors je vais essayer d'être honnête.

Primo, je te connais trop bien, Vincent, pour douter des raisons qui t'ont poussé à écrire dans ce torchon. Vu les pages arrachées et le nombre de ratures, je devine que ça n'a pas été facile pour les autres non plus de tenir leur stylo jusqu'au bout. Vincent, tu me surprendras toujours. Beaucoup disent que je suis ton ombre (on ne pourrait pas me faire plus grand compliment) et certains disent même que je suis ta doublure. Sauf que j'ai plus de muscles que toi.

Enfin bref, c'est parce que je suis toujours derrière toi (sans connotation sexuelle, hein) que je sais précisément ce qu'il se passe dans ta tête un peu tordue. C'est la nostalgie, frère. T'es en train de te rendre compte que c'est le moment d'être un peu sérieux parce que l'année prochaine, hasta la vista les conneries ! Sache que je suis là pour toi. S'il faut devenir sérieux, alors on va devenir sérieux. S'il faut écrire des journaux intimes dans tous les cahiers de brouillons trouvés sur notre passage, alors on va écrire des journaux intimes, pas de soucis. S'il faut arrêter les fêtes, les filles et se mettre à bosser dur, alors compte sur moi pour être ton coach personnel. You can do it, bro. Et s'il faut tout faire pour que Laura soit crazy in love de toi, alors ne te soucie pas des cordes, du ruban adhésif et de la cave, j'ai déjà tout prévu il y a trois ans.

Hannah, je connais bien Sylvie. La petite-amie d'un pote m'a dit que le cousin du meilleur ami d'une ex à moi lui avait avoué que le frère de Sylvie avait découvert qu'elle était lesbienne. Askip, il aurait trouvé une vieille photo d'elle avec sa meilleure amie de primaire collée dans son casier...

Misha : 06 ** ** ** **. C'est le numéro de Mathias. Je le connais depuis qu'on a quatre ans (damn it, on se fait vieux). Entre nous, ses blagues sur les teubs sont très révélatrices concernant son orientation sexuelle. Autrement dit, tout le monde dans la bande sait pertinemment qu'il se sentirait mieux dans sa peau s'il avouait être gay. C'est pour ça que Vincent lui a donné le carnet, pour qu'il sache que personne ne le jugera s'il passe du côté obscur de la force. Tente ta chance, champion.

Émilie : 07 ** ** ** ** Appelle-moi.

Mathias : J'hésite entre te frapper et te prendre dans mes bras. Mais étant donné que tu es gay, je ne voudrais pas qu'on me prenne ni pour un homophobe, ni pour l'un de tes congénères. Je préfère les courbes des femmes à celle de... Sainte-Mère de Dieu. Si j'ai envie de te frapper, c'est parce que tu oses croire qu'on se fiche royalement de ta situation. C'est faux. Mais j'admets qu'on ne fait pas grand-chose non plus pour t'aider. Si tu ne viens pas nous en parler, alors on ne viendra pas t'en parler non plus, de peur de remuer le couteau dans la plaie, tu vois ? On est con, mais pas à ce point. Ce qui est arrivé à ton frère ne va pas t'arriver à toi, parce qu'on est cinq dans la bande... Autrement dit, cinq cerveaux déjà prêts à échafauder un plan pour te faire sortir de prison. Et puis, si t'es un jour dans la merde - mais genre vraiment - bah, souviens-toi qu'il y aura toujours un matelas dans ma chambre, que Vincent à un lit vide depuis que sa frangine est parti à Londres, que les parents de Martin tiennent un hôtel et que Louis a les clefs de sa cave (un coup de peinture et puis, hop). Et tu pourras toujours compter sur Brahim. Il est riche... ce bâtard. C'n'est pas comme moi qui suis obligé de jouer les femmes de ménage chez Verdaderas pendant que mes potes s'enfilent les mojitos du barman - qui au passage, ne fait pas la différence entre le sol et la poubelle.
Passer la serpillière dans les bars ne me fait pas peur, je n'y vois pas la fin du monde, ni mon destin sous prétexte que mon père est au chômage et que c'est ce qui m'attend aussi. On ne vit pas en gardant ses mains dans les poches.
Tu n'es pas obligé d'avancer seul, Mat'. Faut juste que t'acceptes notre aide. Même si, pour être honnête, on se sent impuissant.

Noémie. Merci de m'avoir fait passer le carnet. Tu te demandes qui te l'as fait donné et j'ai ma petite idée. Vincent passe souvent chez Mathias. Il a sûrement vu le carnet, l'a pris, l'a reposé sur une table quelconque. Quelqu'un a dû croire que c'était le tien. CQFD.

Ah, plutôt pas mal ce principe. C'est mieux que Facebook. Bon, un peu vieillot, je l'avoue. Et terriblement chiant, parce que j'ai de l'encre sur tous les doigts et que je commence à avoir mal au poignet. Mais c'était intéressant. On se sent moins seul. Bien, bien, bien.

Mission accomplie.

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10 VéritésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant