Isekai (Ui)

Chapitre 10 - Fuites

Je marchai en compagnie d'Ameesh sur une route sableuse, le soleil de plomb faisait naître des gouttes de sueur qui perlaient sur mon front et coulaient le long de mon dos.
À quelques pas devant nous se dressait une caverne sombre, une voix y retentit :

- Aijiro, disait-elle. Bientôt... Nous nous retrouverons enfin.

Ce soprano familier...

- Asae ?

***

Je me réveillai. Une main secouait mon épaule.

- Hum... grognai-je. Une minute... fatigué...

Mes phrases incompréhensibles et à la syntaxe douteuse semblèrent amuser celui qui m'avait réveillé.

- Aijiro, fit-il d'une voix douce. C'est l'heure, nous devons partir.
- Ah, fis-je. C'est toi, Ameesh.

J'ouvris péniblement les yeux, le visage rayonnant d'amabilité de celui qui serait mon guide était penché sur moi. Je me levai de mon lit, qui était en fait le sol lui-même, et je poussai un long bâillement tout en m'étirant. Nous nous dirigeâmes vers la minuscule cuisine et Ameesh me tendit un étrange aliment rond et bleu, tirant vers le violet par endroit que je regardai avec curiosité.
Ameesh du s'en apercevoir car il expliqua :

- C'est un fruit, ça s'appelle le moren. Tu n'en avais jamais vu ?
- Euh, fis-je, un peu paniqué. Si je te dis que je t'expliquerai peut-être, un jour, ça te va ?

Il pencha la tête sur le côté, sûrement un peu étonné de ma réponse.
Enfin, il sourit et me dit :

- J'imagine que je peux accepter ça.

Nous rîmes de bon cœur et je commençai à manger le moren. Bien que le goût soit très différent de ce que j'avais l'habitude de manger, cela me plut et je n'en fis qu'une bouchée.
Juste après, nous nous approchâmes du reste de la famille Krishna qui, malgré le fait que le soleil ne se soit même pas encore levé, étaient déjà debout et s'apprêtaient à partir, eux aussi.
Ameesh les prit dans ses bras et leur chuchota un "À bientôt" avant de revenir vers moi. Il ouvrit la porte grinçante et nous sortîmes.
Nous n'avions pas de vivres ce qui m'inquiétais un peu. Pourrions-nous trouver de quoi manger en chemin ?

- Étant donné que ta tête doit être mise à prix, me dit Ameesh. Nous ferions mieux de contourner le lac dans lequel tu es tombé. Ça va nous ralentir un peu mais ces routes sont peu empruntées ce qui diminue le risque d'être surpris.

J'acquiesçai et nous nous mîmes en route.
Nous commençâmes vite à parler de ce qui nous attendait en chemin :

- Le trajet nous prendra quelques semaines, demandai-je. C'est ça ?
- Oui, répondit Ameesh. Peut-être plus si il commence à neiger.
- Je vois...

Nous nous tûmes quelques minutes avant qu'il ne reprenne la parole :

- Ai-je le droit de te demander pourquoi veux-tu rejoindre Taesksi ? Si ce n'est pas trop indiscret, bien sûr.
- Pas besoin de parler si poliment, fis-je en riant. 

Ameesh me regarda en clignant des yeux, sans doute ne remarquait-il pas que son dialecte était assez soutenu.
Je soupirai puis je lui répondis :

- Et bien, j'imagine qu'il n'y a pas de raisons que je te le cache... En fait, je viens de...

Un cri retentit, bientôt rejoint par une dizaine d'autres. Nous tournâmes la tête en direction du bruit et nous aperçûmes un groupe de gardes qui avançaient dans notre direction.

- Halte ! cria l'un d'eux. Aijiro Katsuki, vous êtes en état d'arrestation. Arrêtez-vous immédiatement. Si vous n'obtempérez pas, nous n'hésiterons pas à recourir à la violence !

L'épée qui brandissait ne laissait planer aucun doute quant à la véracité de la fin de sa phrase. Je regardai Ameesh, qu'allions-nous faire ?
Il me regarda à son tour.

- On court ? proposa-t-il
- On court.

Et nous partîmes en trombe sans prendre garde aux soldats qui vociféraient derrière nous.
Après quelques mètres, je regardai en arrière et j'eus la mauvaise surprise de voir que les gardes nous avaient suivi et qu'ils n'étaient à présent qu'à une dizaine de mètres.

- Ils vont nous rattraper ! hurlai-je à mon compagnon de fuite.

Ameesh ne répondit pas, ce qui m'inquiéta d'autant plus. Il se contentait de regarder droit devant lui la bouche légèrement pincée. Je l'imitai tout en continuant de jeter des coups d'œil aux soldats. Près de cinq mètres nous séparaient désormais. Ils gagnaient du terrain...

- Ameesh ! hurlai-je une fois de plus.

Cette fois, il tourna la tête vers moi et je vis dans ces yeux la terreur qu'il ressentait. Le voir ainsi me déchira le cœur.

- Aijiro... qu'est-ce qu'on va faire ?
- Désolé, Ameesh. C'est à cause de moi que t'es là...

Ameesh secoua la tête et je jetai un regard derrière. Les gardes n'étaient plus qu'à trois mètres... deux... un et zé...
Les soldats s'arrêtèrent net, se regardèrent puis rebroussèrent chemin en courant. Je les regardai, étonné.

- Que...?
- Aijiro... Regarde par ici...

Je me retournai suite à la demande d'Ameesh. Là, je vis la chose la plus effrayante de ma vie.
On aurait dit un loup, mis à part qu'il avait des bois de cerf... et qu'il mesurait sans doute plus de 3 mètres de haut. De la bave coulaient entre ses dents pointues et ses yeux rouges nous fixaient avec intensité.
C'est alors qu'il fit la chose à laquelle je m'attendais le moins. Il rebroussa lui aussi chemin et disparut en quelques secondes.
Je me tournai vers Ameesh.

- Qu'est-ce qu'il vient de se passer, au juste ? Lui demandai-je
- Je crois ne pas avoir tout saisi, moi non plus.

Nous continuâmes notre chemin comme si de rien n'était.