Chapitre 23

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- Après ça, continua Asae. J'ai passé des mois à marcher avec pour seul compagnon ce... (elle fixa le capitaine avec une sorte de dégoût) ce phénomène. Puis on est arrivés sur cette île où on s'est finalement arrêtés pour attendre les retardataires.

Elle jeta un coup d'œil vers moi et je compris qu'elle parlait de moi.

- Hé ! m'exclamai-je. C'est pas de ma faute, ok ?
- Ah bon ? demanda-t-elle en levant les yeux au ciel.
- Non, Aijiro a raison. Ce n'est pas de sa faute mais de la mienne.
- Mais... qu'est-ce que tu racontes Ameesh ? me révoltai-je.

Il tourna ses yeux aveugles vers moi.

- Aijiro, c'est parce que j'étais dans le coma que je t'ai retardé...
- Tu ne vas pas me dire que c'est de ta faute si tu es tombé dans le coma ?! Ameesh, c'est de ma faute si cet abruti de moraq s'est écrasé ! C'est de ma faute si tu es devenu aveu...
- Ameesh, Aijiro, nous coupa Helena. Arrêtez de toujours tout vouloir prendre sur vous, d'accord ? Il n'y a pas un fautif dans chaque drame, il y a des fois où c'est juste le destin qui s'acharne sur nous...

Asae réagit au mot destin et reprit aussitôt le débat.

- Le destin ? dit-elle. Les malheurs ?  Qu'est-ce que vous connaissez de tout ça, vous ? Vous n'avez pas connu l'horreur.
- L'horreur ? l'interrompis-je. De quoi tu parles, Asae ?

Elle leva de nouveau les yeux au ciel mais daigna quand même de me répondre.

- Tu croyais vraiment que j'étais en fauteuil roulant parce que je m'étais cassé la cheville ? Et ben non, dans notre monde, j'étais paraplégique.

Alors ça, je ne m'y attendais vraiment pas. Si bien que je restai sans voix, je ressentais un mélange de pitié et de tristesse qui me mettait mal à l'aise.

Le silence s'installait et personne n'osait le rompre.
À part le capitaine.

- Bon ! s'exclama-t-il. C'était super joyeux tout ça ! Maintenant, on va parler d'un truc encore plus drôle : on va tous mourir !

Il regarda nos mines ébahies avec satisfaction avant de reprendre.

- En bref, vous savez que c'est la guerre entre Isekai et Taeski et on est à Taeski ! Donc logiquement, on devrait se battre contre Isekai mais vous comme moi n'en avons pas du tout envie...

Il clotura sa phrase par un éclat de rire et aurait sûrement rit bien longtemps si Asae ne lui avait pas adressé un regard noir.

- Haha ! s'exclaffa-t-il, t'es vraiment drôle quand tu t'y mets !

- Excusez-moi, Capitaine...
- Non non, Aijiro ! dit-il d'un ton guilleret. Pas de vouvoiement entre nous !
- D'accord... Donc euh... On aurait quand même quelques questions à te poser, une bonne centaine en fait.

Le Capitaine acquiesça, son large sourire gravé sur le visage.

- Allez-y ! dit-il. Je suis toute ouïe !

J'allais lui poser la question qui me tracassait depuis bien longtemps lorsque un matelot arriva dans la pièce.

- Capitaine ! dit-il. Isekai a commencé à recruter des soldats dans ses rangs !
- Oho ! Voilà qui va un peu nous presser. Désolé, Aijiro mais les questions seront pour une autre fois, il y a plus important !
Pour l'instant, la seule chose que vous devez savoir est que nous partons en guerre contre Taeski et son allié : Naldyrr !
- Deux secondes, dit Asae. T'es en train de nous dire qu'on va faire la guerre sans savoir pourquoi contre le royaume où on se trouve actuellement ? Et tu crois qu'on va accepter comme ça ?
- Pour une fois, dis-je à mon tour. Je suis bien d'accord avec Asae.

Celle-ci se tourna vers moi et pour la première fois, son regard n'était pas meurtrier mais étonné. Je lui souris mais elle détourna aussitôt la tête.

Le Capitaine nous regarda les yeux plissés bien que son éternel sourire persistât. Puis il reprit avec un air sérieux qui ne lui allait pas.

- En réalité, ce monde est bien plus compliqué que ce que vous croyez. Il se trouve que nous ne connaissons pas nos origines, nous ne savons pas d'où nous venons, si nous avons toujours eu cette forme ou si nous avons évolué. En fait, les livres d'histoire commencent seulement il y a 70 ans.

Je le regardai, stupéfait de cette révélation.

- Co... bégayai-je. Comment est-ce possible ?

Le Capitaine haussa les épaules et reprit.

- À cause de ça, le monde entier est divisé en deux camps : ceux qui ne veulent rien connaître de nos origines car ils ont peur des répercussions et ceux qui souhaitent comprendre d'où l'on vient au risque de tout perdre.

Asae plissa les yeux.

- Et donc, si j'ai bien compris, Isekai est pour la connaissance tandis que Taeski et Naldyrr sont contre, c'est ça ?
- Exactement ! J'ai toujours su que t'étais maligne.
- Et nous on va donc partir en guerre alors qu'on est des lycéens à l'origine, dis-je à mon tour.
- Mais c'est que t'es malin, toi aussi !

J'hésitais, je ne savais pas vraiment si je devais aider ce monde à connaître la vérité quitte à y laisser la vie.
Si, je dois le faire. Pour Tamiko et Reiji !

- Capitaine, fis-je, décidé. Je vais le faire.
- Moi aussi, acquiesça Asae.
- Bah alors, dis-je, railleur. Tu me suis maintenant ?
- Bien sûr que non, abruti !

Je rigolai et je vis Asae esquisser l'ombre d'un micro sourire. C'était sans doute le mieux qu'elle puisse faire.

- Bien ! dit le Capitaine. Très bien, même. Parfait ? Oui c'est le mot, parfait !

Je me tournai vers Helena et Ameesh qui étaient silencieux depuis quelques minutes déjà.

- Et vous ? leur demandai-je.
- Je vois mal en quoi un aveugle pourrait être utile sur un champ de bataille, murmura Ameesh.
- Mais si, Ameesh, le rabroua Helena. Il y a d'autres moyens de mener une bataille que de prendre les armes !
- Helena a raison, acquiesça le Capitaine. C'est décidé, alors ! Je vous ai déjà préparé un entraînement d'enfer pour que vous soyez au niveau...

Le Capitaine qui avait en général l'air sympathique d'un gars en qui on pouvait avoir confiance avait en ce moment plutôt l'air d'un démon.

- Euh... marmonnai-je. Quel genre d'entraînement d'enfer ?

Isekai (Ui)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant