29.Louis

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Ce ne sont pas de mauvais rêves de prison qui m'ont empêché de dormir, la nuit dernière, ni des images de la nuit de l'accident, ni des regrets violents. Allongé dans mon lit, j'ai revécu dix fois ce qui s'était passé quelques heures plus tôt. Embrasser Avigaël est probablement la chose la plus stupide que j'aie jamais faite. Mais sa profonde tristesse et son air vulnérable la rendaient plus désirable que tout. Jamais je n'ai eu envie de quelque chose aussi fort.

Hier soir, nos émotions étaient réelles. Et honnêtes. Nous étions tous deux à l'état brut.

Tout en me préparant à aller en cours, je repense à la conversation qui a suivi notre baiser. Et à notre baiser. Ses lèvres tremblaient contre les miennes tant elle était nerveuse. Dès que nos lèvres se sont touchées, elle a fermé les yeux et s'est agrippée à moi. Quand je me suis reculé, j'ai eu l'impression qu'elle craignait de recevoir une mauvaise note pour son manque d'expérience.

Je n'arrive pas à le croire, a-t-elle déclaré.

Je ne sais plus si je lui ai répondu. Tout ce dont je me souvienne, c'est de ce sentiment d'être un imbécile. Pourquoi avoir embrassé la fille que je dois éviter à tout prix ? Pour être honnête, à côté d'elle, je me sentais à ma place et je n'ai pas pu lui résister. Nous avons traversé tant de moments difficiles que nos vies sont en accord. Nous sommes dans le même bateau.

Le plus bizarre, c'est que je n'ai aucune envie d'en descendre.

Avigaël est démoralisante, déboussolée, en colère... Et elle fredonne des airs ridicules quand elle travaille chez Mme Reynolds. Pourtant, j'aime la voir souffler sur les mèches qui lui retombent devant les yeux, je craque pour ce regard fixe qu'elle pose sur notre patronne quand celle-ci lui reproche d'avoir mal planté ses bulbes. Quand elle se tait, je dois me pincer pour ne pas lui demander de se remettre à chantonner.

Lâche l'affaire, Louis, me dit une petite voix dans un coin de ma tête.

Bon, d'accord, après que je l'ai embrassée, elle m'a abandonné au pied de l'arbre et je me suis demandé comment j'avais pu me mettre dans un tel pétrin. Je peux la désirer de toutes mes forces, jamais je ne l'aurai vraiment. Et si je lui écrivais une lettre que je glisserai dans son casier, pour m'excuser de ce qui s'est passé ?

M'asseyant à mon bureau, je pose une feuille de papier devant moi.

Avigaël,

Je suis désolé pour hier soir,

Louis

Je me relis ; ma lettre est stupide. Je la froisse, et je recommence.

Avigaël,

Si je t'ai effrayée hier soir, je m'en excuse. C'était un baiser innocent qui ne voulait rien dire de particulier.

Louis

À peine l'ai-je signée que j'en fais une boule. Parce que ce baiser avait un sens. Les baisers de Danielle sonnent creux. Et puis zut à la fin, je ne regrette pas d'avoir cafouillé, ni de m'être rapproché de Avigaël. J'avais envie de l'embrasser et j'en ai toujours envie. Bon, j'aimerais autant qu'elle en redemande, mais si déjà elle ne s'enfuyait pas la prochaine fois, ça me suffirait. Tout en me faisant une raison, je pars en avance au lycée en essayant de chasser Avigaël de ma tête.

La journée passe lentement, jusqu'au cours d'informatique. Avigaël est assise devant, les yeux rivés sur l'écran. Elle ne me remarque même pas quand j'entre dans la classe. J'espérais qu'elle m'adresserait un signe pour me faire comprendre que tout était clair entre nous, mais rien.

Paradise with TomlinsonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant