2.Avigaël

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Selon moi, les kinés doivent vraiment aimer leur boulot. Sans ça, comment supporteraient-ils de passer leur temps à faire transpirer des éclopés grimaçant de douleur ?

Fidèle à lui-même, Liam, mon kinésithérapeute, m'attend avec son large sourire aux dents blanches dans la salle d'attente de l'hôpital de jour.

— Salut, Avigaël ! Tu te sens prête à faire travailler cette jambe ?

Pas vraiment.

— Je crois, dis-je en baissant les yeux.

Liam fait tout son possible pour m'aider à retrouver l'usage de ma jambe. Mais à quoi bon s'acharner à faire fonctionner un membre pourri de l'intérieur ? Mon chirurgien orthopédique l'appelle, en blaguant, ma « jambe bionique ». Ma dernière opération, destinée à réparer une fracture du plateau tibial, a duré plus de sept heures.

— C'est maintenant qu'il faut travailler dur, si tu veux que tes efforts paient, m'encourage-t-il. Sans faire de commentaire, je pousse plus fort sur mon pied. Au bout d'un moment, il se recule et repose ma jambe. Ouf, c'est fini !

— Super ! À présent, garde les jambes droites, et plie-les chacune leur tour.

Je préfère commencer par la jambe droite, qui a moins souffert de l'accident. Elle a bien cicatrisé, sans laisser de marques apparentes.

Au moment de passer à la jambe gauche, un poids imaginaire me retient. Cette impression me force à plier le genou au ralenti. Je suis en nage, comme un marathonien. Si je devais résumer en un mot ma vie de jeune fille de dix-sept ans je choisirais : « navrante ».

— Encore un effort, demande Liam au moment où je m'apprête à reposer mon pied. Sur une échelle de un à dix, quelle est l'intensité de la douleur ?

Alors que je suis sur le point de répondre « neuf », son téléphone sonne.

— Vous ne répondez pas ?

— Jamais quand je suis en consultation. Continue à plier les jambes, Avigaël.

— C'est peut-être important, dis-je, pleine d'espoir.

— Dans ce cas, on me laissera un message. Le Dr Gerrard m'a informé que tu devais nous quitter en janvier, dit-il tandis que je repasse à l'autre jambe.

— Eh oui ! J'ai obtenu une bourse pour aller étudier en Espagne pendant six mois.

Liam siffle, admiratif.

— L'Espagne ! Quelle chance tu as !

De la chance ? Tu parles. Quand on a de la chance, on ne se fait pas renverser par une voiture et on n'a pas à subir des séances de rééducation éprouvantes. Les chanceux n'ont pas des parents divorcés, ni un père qu'ils ne voient qu'une fois par an. Les chanceux ont des amis. Tout compte fait, je trouve que je suis la personne la moins chanceuse de l'univers. Mais, j'ai une famille. Ma mère fait tout son possible pour que je me sente bien, mon frère jumeau, Harry, me soutient énormément.

Ma séance de torture se poursuit pendant vingt minutes. L'envie de m'enfuir me démange, mais je sais que ce n'est pas terminé. Liam boucle toujours ses séances de rééducation par un massage. J'enlève mon pantalon de survêtement avant de m'asseoir sur la table métallique, en short.

— Est-ce que la rougeur s'estompe ? demande Liam en appliquant une crème sur ma peau à l'aide de ses mains gantées.

— Je ne sais pas. Je n'aime pas les regarder.

En fait, je fais tout pour éviter de voir les cicatrices de ma jambe gauche. On dirait qu'un enfant de deux ans s'est amusé à dessiner dessus au feutre rouge. En réalité, ce sont les séquelles des nombreuses opérations que j'ai dû subir après mon accident provoqué par Louis Tomlinson. Je fais mon possible pour éviter de penser à Louis, mais ce n'est pas brillant. Il habite mon cerveau comme un cancer. Un bon point dans ce tumulte ? Je ne fais plus de cauchemars liés à l'accident. Ils m'ont poursuivie pendant six mois, mais c'est passé.

Paradise with TomlinsonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant