Un an après l'accident qui a failli lui coûter la vie, Avigaël peut enfin retourner au lycée. Hélas, elle a perdu toute confiance en elle et semble incapable de retrouver sa joie de vivre. Car tout, dans la petite ville de Paradise, lui rappelle les...
Hier, Avigaël n'est pas venue en cours, et je ne l'ai pas vue de la matinée. Aujourd'hui, je suis passé deux fois devant son casier, mais elle est aussi invisible qu'un fantôme.
C'est le troisième cours de la journée, et j'ai du mal à me concentrer. Je demande à aller aux toilettes et je quitte la classe. Mais je ne vais pas aux toilettes. Je me dirige vers le hall, où se trouvent les casiers. On dirait que je la harcèle.
— Tu cherches quelqu'un, Louis ? Avigaël Styles, peut-être ?
C'est Danielle.
— Arrête ton petit jeu, tu veux ?
— Franchement, je ne vois pas ce que tu lui trouves, dit-elle avec un sourire espiègle.
— Rien. Je ne lui trouve rien de spécial. Elle n'est qu'une distraction qui m'évite de penser que je ne peux pas t'avoir, toi.
Si cette foutaise me vient avec une telle facilite, l'est pour protéger Avigaël et Lottie.
Quelqu'un est derrière moi. Entendant du bruit, je me retourne. C'est Avigaël. Elle a tout entendu. Danielle se rapproche furtivement d'elle.
— Lui as-tu dit la vérité au sujet de l'accident ? me demande-t-elle.
— Danielle, ne fais pas ça, dis-je d'une voix menaçante. Ou j'informerai Josh de tout ce qui s'est passé entre toi et moi. Ton père est en course pour les élections qui auront lieu la semaine prochaine, me semble-t-il ?
Si Danielle avait eu des griffes, elle m'aurait lacéré.
Avigaël s'avance vers moi en chancelant.
— Que s'est-il passé entre vous, Louis ?
Danielle pose les mains sur les hanches, prête à se lancer dans la bataille.
— Ouais, Louis. Dis-lui combien de fois nous nous sommes retrouvés depuis ton retour.
Que puis-je dire ? J'ai envie de raconter la vérité à Avigaël. Je vais lui dire la vérité. Sur tout. Mais pas ici, pas devant Danielle. Elle n'a rien à voir avec l'histoire qui m'unit à Avigaël.
— Réponds, ordonne Avigaël, les yeux enflammés.
Comme je garde le silence, elle me gifle et s'éloigne en boitant.
Je déteste les rassemblements qui précèdent les matchs, mais je ne peux pas y échapper. Précisément aujourd'hui. Malgré ma volonté, j'ai rejoint le groupe des sportifs tandis que les pom-pom girls motivent les autres lycéens. Meyer prend place sur l'estrade tel un président des États-Unis.
— Installez-vous. Le moment est venu d'acclamer les étudiants qui vont représenter les Paradise Panthers pendant les tournois.
L'enthousiasme fait vibrer le gymnase.
— Asseyez-vous. Calmez-vous. Cet après-midi, nous allons honorer les sportifs. Les entraîneurs vont monter tour à tour sur le podium pour dévoiler les noms des membres de leurs équipes. Commençons par la plus grande équipe... celle des footballeurs américains !
À cette annonce, les filles envahissent le gymnase. Elles dansent, bondissent et font la roue dans toute la salle.
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— Levez la main quand vous entendez votre nom, demande l'entraîneur de football. Adam Albers, Nate Atkins, Max Ballinski, Ty Edmonds...
La liste se poursuit pendant une éternité.
Je me tiens à côté de Josh.
— Quelle torture !
— Pas qu'un peu, répond-il.
Quand vient le tour de Wenner, les gars de l'équipe de lutte restent debout et crient à tue-tête.
— Wen-ner ! Wen-ner ! Wen-ner !
À mon avis, celui-ci est déjà en train de calculer le nombre de pompes qu'il leur fera faire pour payer leur vacarme.
— Allez, on arrête de rigoler. Andy Abrams, Louis Tomlinson, Adrian Cho, David Grant... reprend Wenner.
Bien que le lycée ne soit pas énorme, il faut un certain temps pour citer tout le monde.
Finalement, au bout d'une heure dans ce gymnase surchauffé, on nous renvoie en cours et nous devons jouer des coudes pour quitter le gradin. N'ayant pas envie de forcer, je m'attarde un peu.
Ma sœur, restée assise à sa place, a les yeux rivés sur les marches. Plus bas, coincée dans la foule compacte, Avigaël tente de rejoindre la sortie. Elle a l'air fragile, comme un oiseau perdu dans un troupeau d'éléphants.
Tout le monde se pousse et se marche sur les pieds.
Soudain, une bagarre éclate entre deux élèves de seconde. Là où se trouve Avigaël.
— Avigaël, attention !
Je hurle, mais elle ne peut m'entendre. Elle n'a pas remarqué le tumulte derrière elle. Je suis trop loin, il y a trop de bruit. L'un des garçons lui tombe dessus ; elle dévale deux marches avant de retomber sur son genou.
Je me précipite en écartant ceux qui se trouvent sur mon chemin.
— Ça va, Avi' ? dis-je en m'agenouillant devant elle.
Elle cligne des yeux et s'assied, livide.
— Avigaël, Avigaël, Avigaël ! entonnent les élèves autour de nous.
Je leur crie :
— Fermez-la !
Je prends Avigaël par le coude. Elle tente de se dégager mais je resserre mon emprise.
— Est-ce que ça va ? je lui demande quand elle se relève.
La plupart des élèves ont cessé de chanter son prénom, hormis quelques idiots qui n'ont rien de mieux à faire. Drew me tire en arrière.
— Laisse tomber, Louis. Cette garce t'a envoyé en prison.
Serrant le poing, je le frappe au visage. Il me fonce dessus, et nous nous sautons à la gorge. Les coups de poing pleuvent, jusqu'à ce que Wenner et un collègue nous séparent.
— Où est Avigaël ? dis-je.
Wenner me dévisage comme si j'avais perdu la raison.
— À l'infirmerie.
— Il faut que je la voie.
— Tu vas surtout aller voir le proviseur, Tomlinson. Qu'est-ce qui t'a pris ?
Il me conduit au bureau de Meyer en me tenant les mains derrière le dos.
— Attends là qu'il arrive, m'ordonne-t-il.
Dès qu'il me quitte, je retourne dans le couloir pour ouvrir la porte de l'infirmerie. Avigaël a relevé son pantalon au-dessus du genou. Mon regard tombe immédiatement sur ses cicatrices. Les marques laissées par les points de suture sont rose vif. On dirait que sa jambe a été attaquée par un animal féroce. Autour du genou, là où se rejoignent les plus grosses traces, je distingue ce qui doit être une greffe de peau. La couleur est plus foncée, différente du reste de son épiderme si doux, blanc comme l'ivoire.
Détachant difficilement mon regard de sa jambe, je lève les yeux vers elle.
— Je suis vraiment désolé, Avigaël.
Elle a l'air sévère, fermé.
— Va-t'en, Louis. À moins que tu ne veuilles prendre des photos pour les montrer à Danielle ?