• Chapitre 6 •

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Je jette un coup d'oeil à ma montre Mickey Mouse, que j'ai depuis que j'ai 6 ans.

5:57

Tellement anxieuse de rater l'heure du rendez-vous, j'avais mis mon réveil à 4 heure du matin, histoire d'avoir du temps devant moi.
J'avais laissé un mot sur la table de la cuisine expliquant à mes "parents" que si je ne rentrais pas ce soir il n'y avait aucune raison qu'ils s'inquiètent -bien que je doute qu'ils l'eussent fait- que je dormais chez une amie pour quelques jours...

Trouver des vêtements noirs n'avait pas vraiment été un problème : je ne portais quasiment que ça...
Faire ma valise non plus. Le strict nécessaire comme l'avais ordonné Jace. Ce qui voulait dire pour moi 3 tee shirts, un jean de rechange, un sweat -le tout noir bien entendu- ainsi que quelques sous-vêtements et une brosse à dents.

La seule chose personnelle que j'ai emportée -après une longue hésitation- est l'unique photo de mon ancienne famille ayant survécu à l'incendie qui a ravagé notre maison quand j'avais 4 ans.
On peut voir ma mère, grande, brune et souriante tenant une petite fille avec un ruban dans les cheveux dans les bras.
Moi.
À côté, un bras passé autour de ses épaules se tient mon père, tout aussi souriant.

Cette photo est vieille, jaunie par le temps et cramée sur les bords, mais elle représente la seule chose matérielle qui compte à mes yeux.

Je la tire de la poche de ma veste noire et la contemple quelques instants.
J'ai tellement répeté ce geste ces 12 dernières années que je pourrais en citer chaque minuscule détail, comme la couleur du pot de fleur en arrière plan, ou encore la forme du collier que portait ma mère.
Elle avait l'air si heureuse...

Je ferme les yeux, chassant les larmes qui commence à perler et prend une grande inspiration...

-Je savais que tu viendrais.

Je sursaute en me retournant. Je n'ai aucun doute à propos du propriétaire de cette voix : qui pourrait traîner à la gare de ce bled paumé à 6 heure un vendredi matin ?

Jace porte les même vêtements que la veille, ou du moins des similaires, et se tient adossé au mur décrépi de la gare avec son habituel sourire moqueur aux lèvres.
Je sens une boule se former dans mon ventre à sa vue; je ne sais pas si elle est causée par l'angoisse ou par le fait qu'il soit indéniablement d'une beauté aberrante.
Sans doute un peu des deux.
Je baisse les yeux en rangeant la photo dans ma poche.

Au loin, je peux voir la silhouette du train se profiler, les deux feux avant brillant comme des yeux de chat à travers le brouillard du matin.

-Tu compte rester plantée là longtemps ? New York n'attend pas ma belle.

Je secoue la tête, attrape ma petite valise et vient me tenir aux côtés de Jace, me mordillant nerveusement la lèvre inférieure.
Nous restons silencieux jusqu'à ce que le train s'arrête en grinçant devant nous. La porte s'ouvre et immédiatement mon étrange compagnon saute à l'intérieur, se souciant peu de la galanterie.

Je soupire avant de monter à sa suite, laissant les portes se refermer derrière moi, scellant mon destin.

-

Ça fait désormais presque une heure que je suis assise dans ce train filant à toute vitesse vers l'autre bout des États Unis, la tête appuyée sur la vitre regardant le paysage défiler, monotone et étranger.
Ni Jace ni moi n'avons ouvert la bouche depuis le début du trajet, et le silence commence à me peser.
Le grand blond est assis à l'autre bout du compartiment, trop occupé à griffonner frénétiquement dans un petit carnet noir pour se soucier de moi.

Quelques minutes après, n'y tenant plus, je décide de briser le silence :

-On arrive dans combien de temps ?

Je regrette cette question presque immédiatement en voyant l'air effaré de Jace quand il relève les yeux vers moi.

-Dans combien de temps ? répète-t-il, Kyra, ça ne fait même pas une heure qu'on est partis...

Je hoche la tête, sûre d'être aussi rouge qu'une tomate trop mûre.
Ma gêne apparente arrache un sourire à mon "ravisseur".

-Désolé de te l'annoncer princesse, mais tu va devoir me supporter pour les six prochaines heures.

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