le puits magique

CHAPITRE 5: Manoir, dis moi qui est le plus beau

Rohan, perplexe, suivit son frère à travers les buissons épineux, tantôt rampant, tantôt sautant. Il venait LITTERALEMENT d'insulter Kira. Il aurait du lui être reconnaissant, c'est elle qui les avait mené ici... Quoique, pourquoi lui être reconnaissant? Elle n'avait fait que sceller leur destin, les mener vers le destructeur qui les avait forcé à venir ici. Pourquoi aller le tuer? Pour sauver des gens qu'ils ne connaissaient pas? En ce sens, son frère avait raison.  Leur quête n'avait aucun sens. Du jour au lendemain, ils s'étaient retrouvés projetés dans un monde inconnu avec pour but de le sauver! Mais il avait brusquement changé d'avis, et s'était rangé de son côté! Mais pourquoi? Il s'était rendu à l'évidence: de toute façon, on ne pouvait pas revenir en arrière. Et puis, ces personnes n'étaient pas ordinaires... elles gardaient un lourd secret, et elles méritaient leur aide. Alors autant donner son maximum pour accomplir ce qu'on leur avait ordonné. Infligé serait plus exact. Quoique, son frère avait ENCORE raison, c'était de sa faute. Ils auraient pu partir depuis bien longtemps. Ils auraient du partir... Non, leur place était ICI! Il fallait aller de l'avant, ne pas se morfondre, ne pas se morfondre... Mais la même question trottait dans son esprit. Qu'avait-il pris à son frère? Comment... Zut, on ne change pas comme ça. On n'est pas malade un jour, et le lendemain en pleine forme, prêt à combattre un personnage sadique, alors que l'on s'était juré de ne pas le faire! D'habitude, son frère défendait ses convictions corps et âme... même s'il avait tendance à se plier à celles des autres... C'était de la faute de Rohan!? Par sa faute, il... Non, impossible! Il n'aurait pas pu se transcender pour... lui! Pour lui...  Rowan avait toujours était sympa avec tout le monde. Il faisait toujours tout ce qu'on lui demandait... parce qu'il pensait que cela faisait plaisir. Pfffffff... Quel naivité! Il n'y a que les faibles qui pensent comme ça. Que les soumis, les serviteurs, les esclaves. Les imbéciles sans idées. Sans ambitions. Rowan avait toujours été comme ça. Jusqu'à aujourd'hui. Ou il avait changé. Car... non. Rohan ne voulait pas le croire. A cause de lui, son frère était devenu... un monstre! N'exagérons rien. Disons qu'il ne vivait plus au royaume des Bisounours. Dans sa bulle. Il s'était rendu compte-grâce à lui- que le monde n'était pas rempli de gens aimables, qui s'aiment et s'admirent. Grâce à lui, il avait pris conscience de certaines choses. Mais quand même.  A cause de lui, il paraissait étrange, distant, et ce n'est pas en prenant conscience de certaines choses, qu'on se... transforme. Si, en un sens, mais pas à ce point. 

-Eh, Rohan! Je pense qu'on va camper ici. Il commence à faire nuit, et le château est loin.
Par "je pense" il entendait évidemment " c'est sûr". Il avait la même voix que d'habitude, et n'importe qui ne le connaissant pas s'y méprendrait. Il n'était pas parano! Non,  Rohan avait affaire à badRowan. Cela lui rappelait les dessins-animés qu'il regardait jadis, où les supers-héros devenaient méchants. Flash devait ramener Bad-superman à la raison, et Batman s'alliait au Joker. N'importe quoi! Il faillit lâcher le fagot de bois qu'il tenait fermement, et réprima un petit rire.

Ils avaient beau avoir quelques... différents, il faut dire que les deux frères s'entendaient bien (hormis quelques disputes par ci, par là). Ils se comprenaient, en tous cas, ou pensaient se comprendre. Leur camp s'était donc monté tout seul, ou presque, chacun faisant ce qu'il savait le mieux faire. Ils s'étaient réparti les tâches sans un mot, dans un accord tacite. A vrai dire, ce n'était pas la première fois qu'ils dormaient dans la forêt. En plus de leurs séjours chez les Scouts, ils restaient parfois dans la nature, avec pour seuls alliés une tente et un briquet. Certains disaient qu'ils étaient trop jeunes, mais leurs parents étaient heureux qu'ils trouvent de quoi s'occuper, de quoi exercer leur passion. Et puis, comme disait leur mère, il n'y a pas de loups ou d'ours dans les forêts de Tourraine. Pour convaincre leur père, elle avait ajouté: de toute façon, ils savent se servir d'un briquet, les Scouts les ont même récompensés! Même si elle n'avait pas tout compris à l'art d'être Scout, ni pour quelles raisons on les avait récompensé, elle faisait de son mieux. Rohan n'aurait su dire si il la reverrais un jour.

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Rowan se leva, les muscles engourdis, contemplant le château qui semblait l'observer depuis qu'ils étaient arrivés. Il... il sentait quelque chose... quelque chose qui émanait de ce même château, quelque chose de... puissant. C'est bête d'utiliser un mot pareil, mais c'était à peu près ça. Ou quelque chose d'autre. Quelque chose d'indescriptible. Non, vraiment, quelque chose de puissant l'attirait là-bas. Quelque chose d'inhumain. Un être inhumain qui souffrait. Mais il ne voyait pas, il sentait. Il le portait en lui. Depuis combien de temps? Il ne savait pas. Il ne savait plus. Porté par son désir d'aider, répugné par ce qu'était en train de subir cette chose, qu'importe ce que c'était, il se dirigea  vers l'imposant bâtiment, comme un bout de ferraille vers un aimant.

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La silhouette sombre de son frère marchait d'un pas décidé vers le manoir. Rohan reprit vite ses esprits, et lui cria (bien qu'il cru ferme que Rowan était encore dans l'une de ses faces de folie pure et simple):

"Tu as trouvé une issue?"

Rowan ne répondit pas, Rohan se demanda même si il l'avait entendu.

"Rowan! Tu m'entends? Je te parle, là!"

Peine perdue. Son jumeau s'en fichait éperdument. Inutile de continuer à s'intéresser à des gens comme ça. Des gens perdus, sans importance. Qui s'effaçaient, disparaissaient. Qui ne s'exprimaient jamais, ne pensaient jamais. Avant, Rowan était différent. Il était perdu, mais avait une importance. Il s'effaçait, mais ne disparaissait pas. Il ne s'exprimait presque pas,  mais pensait. Il était toujours dans sa bulle, finalement. Une bulle différente, mais une bulle tout de même. Rohan soupira.

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Rowan qui continuait à marcher, perçu quelques cris, lui étant probablement adressés. Il ne distingua même pas ce qu'ils disaient. Ils étaient perdus dans l'immensité de la terre, aussi insignifiant qu'une fleur dans un jardin. Pourquoi les écouter? Ils lui faisaient mal à la tête, le hantaient. Il les supplia d'arrêter, de cesser ce vacarme. Ils étaient inutiles et pénibles.

Rowan n'en pouvaient plus. Un rien l'agaçait. Une chaussure trop noire à son goût? Il s'énervait. Un arbre trop grand? Il s'énervait. Heureusement, cette étrange force qui l'avait pénétrer ce jour là, l'aidait à se calmer, à canaliser son attention. Que devait-il faire? Rentrer dans ce château. Le sauver. Et partir. Tout oublier. Une goutte de sueur perla à son front. Tout oublier? Il avait déjà tout oublié. Concentre toi, concentre toi. Comment cela s'est produit? Qui est cette personne insupportable, là bas, à des mètres derrière toi, qui hurle? et quelle est cette chose sans pitié qu'il devait sauver? Pourquoi devait-il la sauver? Il ne savait même pas qui c'était. Personne, concentre toi, concentre toi. Où suis-je? Je ne sais pas. Je ne veux pas, je, je veux juste rentrer chez moi, s'il vous plaît, dîtes moi comment... comment, je vous en prie, laissez-moi! Non, tu ne peux pas. Tu DOIS venir. Il en a décidé ainsi, tu ne peux pas lutter. Alors, petit, détends-toi. Voilà. Maintenant ferme les yeux. Que sens-tu?  Que vois-tu?  Où suis-je?