Chapitre 3 :
L'aube frappe d'un rouge pur, le gel est particulièrement léger en cette saison. Les pas lourds et primitifs sonnent dans la ruelle. Des cordes noires traînent au sol, accompagnant cailloux et mégots dans leur élan. Les bruissements de jean usé frétillent aux oreilles. Le clappement de fermeture éclair frappe contre le sac à dos bleu marine, tagué d'une multitude d'inscriptions. Un sac de cuir s'appuie sur une épaule douce et forte à la fois. La symphonie du vent ce matin-là est accompagnée d'un souffle irrégulier et d'un second plus chaud. L'un sur un trottoir, l'autre dans le hall du café. Klan reprend sa respiration. Il vient de faire un sprint pour arriver à l'heure à son rendez-vous. Il est un habituel du retard, et si on y ajoute un réveil matinal, nous obtenons un challenge d'envergure pour le jeune homme. Charline lui fait signe de le rejoindre à la table du fond. Habillé d'un jean bleu brut et d'un chemisier écru qui fait tristement ressortir ses petits yeux pralins inquiets.
- Salut Klan. Tu es pile à l'heure bravo, le boulot a du bon. Bien dormi ?
- Pas de ça avec moi.
- Mais tu... tu m'as... bafouille Charline.
- Si j'étais gentil ces derniers jours c'est seulement pour que tu acceptes ce tête à tête. Je pensais que tu avais pour de bon disparu.
Charline souffrait d'un manque cruel d'assurance devant lui. Ce n'était pas dû à l'irrésistible attirance que n'importe quelle fille de son âge pourrait ressentir en voyant ses yeux émeraudes envoutants. Sa tête fusait de pensées bien plus complexes que des pulsions d'adolescentes.
- Pourquoi as-tu choisi ce lycée ? Dis moi que tu n'avais pas le choix s'il te plait !
- Mes parents sont en déplacement, j'ai voulu... Je ne sais pas... J'ai essayé de me chercher un endroit douillé. Dit-elle
- Douillé ? Tu te payes ma tête ? crache-t-il
- Non, non je te promets je ne veux pas t'offenser. Ne t'énerve pas Klan. J'étais loin de m'imaginer que tu t'étais mis à la boxe, que tu enseignais maintenant là et encore moins que Davon y serait.
- Drôles de coïncidences ! Tu vas me dire que c'est dû au hasard que tu fasses copain copine avec lui et Amyl ?
- Quand je les ai vus tous les deux, en train de rire, de chahuter. Je n'ai pas pu m'empêcher de penser à nous.
- A nous CHARLINE ? le volume sonore de la pièce s'écrasa sous les mots pesant de haine du beau brun.
Charline baissa les yeux. Il était au bord de la crise de nerfs. Son visage se contrastait de lignes épaisses, pulsant à une vitesse incroyable. Elle ne savait pas quoi dire. Il n'y avait rien d'autres en réalité à rajouter. Rien ne pouvait apaiser la folie de ses douleurs. Les yeux des serveurs s'attardaient sur eux. Elle était enfermée sous le poid des mots de Klan. Il avait entièrement raison.
- Avant qu'on m'expulse pour agression, reprend-t-il. Je te conseille de bien retenir que c'est ta dernière année, ici. Tu feras tes études ailleurs et disparaitra de ma vie définitivement. Tu ne t'approches plus d'eux. Tu ne leurs parles plus, tu ne les regardes plus, pas à un sourire, rien. Et aucune tentative, tôt ou tard je l'apprendrai, je suis au lycée ne l'oublie pas.
Il plaqua sa main violemment sur le bois de la table. Reposa fermement la chaise contre le carrelage lustré. Et sans un regard il sortit du bistrot. Des flots de souvenirs revenaient le hanter, elles s'accrochaient de toutes leurs énergies. Comme des vagues effrénées fouettant les rochers. Il s'arrêta face à l'horizon que lui offrait la mer. Il voulait arracher les vestiges d'images qui défilaient à toute allure. De l'amertume, de l'angoisse, de la rancune, de la tendresse se mêlaient dans sa gorge. L'air ne passait plus. Ses émotions prenaient le contrôle de son corps. Il frappa le sol de sa hauteur, tomba brutalement et chassa une masse de sable. Son visage se cacha dans ses mains griffées et meurtries. Le soleil jouait avec les nuages, et puis pendant quelques secondes éclaira la douleur du jeune homme. Il se releva dans la foulée brûlante que déposait cette lumière chaleureuse sur sa peau de velours. Et un son vibra dans ses cordes vocales se transformant en un cri étranglé de peine.
"Je suis pris à nouveau aux pièges... "chuchota-t-il
Surplombant la dune, elle se tenait là. Comme un fantôme du passé qui regardait avec mélancolie une scène familière. Une buée épaisse d'eau remplit les yeux de Charline. Son cœur se serrait à chaque sanglot du garçon. Elle était la seule responsable de son état, de son malheur. Elle accourra à toute jambe. Dévala les escaliers et déféra aussi vite que les grains humides lui permettaient. Elle s'arrêta une fraction de seconde se rappelant qu'elle n'était plus en position de pouvoir le consoler. Mais la peine l'emporta sur la raison et serra de toutes ses forces Klan dans ses bras. Des spasmes frénétiques gagnèrent le corps du garçon, comme si ses muscles reconnaissaient les membres de Charline. Elle essayait de se convaincre que ces instants ne lui seraient pas les seuls qu'il lui accorderait mais il la repoussa violement.
- ARRÊTE ! Je ne peux pas ! Je ne peux plus... Mais POURQUOI ? Laisse-moi vivre, laisse-moi me reconstruire, je t'en supplie...
- Klan je ne... Je n'arriverais pas à tourner la page tant que la tienne est toujours au même endroit.
- Ma vie sera toujours comme ça. Je ne mérite pas plus. Et toi aussi.
- C'est terriblement faux tu le sais ! On a tous notre part de responsabilité mais on a aussi le droit de vivre, de vivre pour lui.
- Tu m'écœures ! VA-T'EN ! Tes cours vont bientôt commencer si je ne m'abuse ?
- Oui... Marmonne-t-elle
- Une dernière chose, tu restes miss violette et moi le garçon qui n'est pas fréquentable. Aucune personne ne doit être au courant de ce que nous avons été.
La conversation se finit sur la dernière exigence du boxeur. Il remonta dans sa voiture, doubla Charline sur le passage piéton et fonça à son travail. Le gymnase du lycée. Elle marchait, avec un grand sourire qui désignait l'arrivée imminente du week-end. C'est dingue, pensa-t-il. Une fille aussi pure de beauté et d'intelligence moquée par des imbéciles de pré-pubères. Des yeux reconnaissables entre milles et un sourire. Un sourire précieux. Si elle était touchée par les critiques de ses camarades, elle le cachait extrêmement bien. Il klaxonna.
- Amyl ! Monte je te dépose devant l'entrée.
- Pourquoi tu te montres gentil ? Tu as eu ton salaire pour que tu sois d'humeur charitable ? Chantonne la jeune fille.
- Ce n'est pas de la charité, ne pose pas de question, monte.
Quelques jours auparavant elle aurait incendié Klan, mais pas cette fois-ci. Elle ouvrit la portière, s'asseya sur la siège avant et lui offra un sourire chaleureux.
- Merci. Répondit faiblement Amyl.
- Allez tu vas finir par être en retard.
Klan essaya de sourire, mais rien à y faire. Les faux airs était pas tellement son genre. Le moteur du 4x4 gronda devant le bâtiment, et s'arrêta deux minutes plus tard devant le portail de l'école.
- Évite de t'approcher de Charline, et protège ton ami. Tu veux bien ?
- Pourquoi ? s'interroge-t-elle
- Tu me connais, je ne suis pas fréquentable. Fais-moi confiance elle fait partie de ma catégorie. Maintenant va à tes cours. A bientôt.
Elle n'eut pas le temps de renchérir que le temps la rappela à l'ordre. Amyl se tourna une dernière fois portant sur la voiture de Klan qui n'avait pas bouger. Il l'observait. Elle sentait ses joues prendre une température bien supérieure à la normale. Elle rougissait. Mince alors, elle n'avait pas prévu cette réaction, elle brandit ses bras sur ses joues comme pour éternuer et se faufila à travers les mailles de son pull pour en cacher la couleur de ses pommettes.
- Je rêve ou je viens de te voir descendre de son véhicule ? demanda Davon.
- Oui, il était sur mon chemin. Il m'a proposé de m'avancer.
- Ça ne me plaît pas Am' ce gars n'est pas fréquentable, je n'ai pas confiance. Tu ne montes plus dans sa voiture ?
- Oui Davon...
Il prit sa meilleure amie par le bras et l'entraîna jusqu'à la porte de sa salle de classe.
- Tu m'envoies un message à la fin de ta journée ?
- Oui pas de soucis ! Mais de toute façon tu viens pour les gâteaux ce soir ?
- Je n'y manquerai pas Am'
Davon déposa un baiser sur le front de sa blonde préférée. Et partit lui aussi rejoindre son cours.

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At the crossroads
Genç KurguDernière ligne droite avant le diplôme. Amyl et son meilleur ami sont les deux petits intrus du lycée. Chacun d'eux mènent une vie bien différente. Cette dernière année sera des plus particulière. Nouvelles rencontres, nouvelles relations, nouveaux...