Chapitre 4

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Le poisson pourri et sa truite s'approchent de moi, tous les deux souriant. On dirait des cyborgs envoyés pour me pourrir la vie. Le poisson il est pourri et il me pourrit la vie, vous saisissez la blague ?

Je crois encore à ce rêve de devenir une grande humoriste malgré vos rires.

Les deux poissons sont à mes côtés et je continue de lire le catalogue comme si je ne les ai pas vus.

— Spencer ! Ça va ? me demande-t-il d'un air stupidement joyeux.

Je m'obstine à lire ce catalogue. D'ailleurs, leurs gâteaux sont assez étranges. Bizarres.

— Euh... Spencer... Ton catalogue est à l'envers, me fait-il remarquer.

Ah mais c'est qu'il a raison ce con en plus ! Je repose le catalogue, l'air fier tout en essayant de le regarder de haut alors que je suis plus petite que lui.

— Je sais lire à l'envers, je prétends d'un air hautain.

Il reste neutre et Emily affiche une sorte de sourire gêné.

— Alors ça avance pour ton mariage ? me demande-t-il.

Pourrait-il arrêter de me poser des questions ? Ce n'est pas sa vie tout de même !

— Oui.

— Du coup... Tu vas porter une robe ou un costume ?

— Oui.

Je m'en fous de ses questions. Il me regarde bizarrement. Je m'en fous de sa réaction. En fait, je m'en fous totalement de lui et m'approche d'une vendeuse.

— Est-ce que vous avez des gâteaux avec des... licornes ? je m'enquiers en plissant mon regard.

— Nous n'avons que des gâteaux avec des bonshommes représentant des mariés, me répond-elle l'air de rien.

— On peut pas les remplacer par deux licornes ? proposé-je.

— Non, c'est un mariage, pas un zoo.

— Je vous trouve très licornophobe.

— Ce mot n'existe pas madame, me reproche-t-elle d'un air un peu trop sérieux.

— Maintenant il existe.

Elle me regarde d'un air neutre. Elle aussi on dirait un robot. Les gens n'ont-ils pas de sentiments ici ? J'en ai bien l'impression.

— Sinon... J'ai pas vu les moindres bonshommes étant de mêmes sexes, vous savez faire ça ?

— Bien sûr, répond-elle avec une mine presque dégoûtée.

— Alors pourquoi y en a pas en vitrine ?

— Parce que ce n'est qu'une petite part de notre clientèle, lance-t-elle d'un ton bien trop professionnel.

Je plisse mon regard davantage et... je ne vois plus rien. Oups. Je rouvre mes yeux.

— Alors pourquoi ne pas en mettre au moins un ?

— Ce n'est pas ce que notre clientèle recherche habituellement, réplique-t-elle en se tendant comme un manche à balai.

— Alors je vais aller ailleurs ! m'écrié-je.

Je quitte la boutique en exagérant chacun mes pas sous les yeux ahuris des poissons. Il faut toujours autant soigner sa sortie que son entrée.

Me manquant encore beaucoup d'éléments, je continue mon tour des boutiques du centre commercial. Je pensais finir assez rapidement, dans l'après-midi, mais je n'ai fait qu'enchaîner les déceptions. Dès que les vendeurs comprennent qu'il s'agit d'un mariage homosexuel, leur attitude changeait et il y avait comme une forme de mépris à chaque fois.

Quand je serai de retour chez moi, je devrais tout raconter à Myriam et elle prendrait ça comme un véritable échec. Je ne suis vraiment pas fichu de préparer un mariage convenablement. Elle avait raison de douter de moi. Je ne vais jamais y arriver...

Je m'assois sur un banc quelconque du centre commercial. Un gamin est assis à côté de moi et me regarde bizarrement.

— Quoi ? Qu'est-ce que t'as ? vociféré-je à son égard.

Il me regarde, les yeux et la bouche grands ouverts.

— T'es trop moche ! s'exclame-t-il.

— NON MAIS C'EST TOI LE MOCHE !

Il part en courant. Et voilà, j'ai encore gagné contre un sale mioche. C'est ce qu'on appelle la puissance dans mon milieu.

Alors que j'étais en train de monter un podium dans mes pensées, je suis interrompue par mon portable qui se met à vibrer dans ma poche. Pendant un instant j'ai pensé que c'était mon vibromasseur, mais non, ce n'est que Jack qui m'appelle. Tiens, ça fait longtemps qu'on s'est pas parlé !

Je décroche et déclare aussitôt :

— Salut ! C'est Spencer la meilleure !

— Hum... Oui, c'est bien toi que j'ai sélectionné dans les contacts de mon portable et depuis quand tu t'es renommée en "Spencer la meilleure" dans mes contacts ?

— Les magiciens ne donnent jamais leurs secrets, éludé-je avec génie.

— D'ailleurs, toi aussi tu fais du shopping !

Je regarde alors aux alentours et je le vois de loin qui me fait un signe de main. Je raccroche et le rejoins en courant à toute vitesse.

— Alors, tu as trouvé plein de trucs ? me demande-t-il.

— Non. Les vendeurs sont tous cons, ils veulent pas vraiment m'aider à organiser mon mariage...

— Mais pourquoi tu vas dans le centre de commercial de bourge pour ça ?

— Bah... Pour un beau mariage ? je réponds sans trop comprendre où il veut en venir.

— On sait tous que c'est rempli d'homophobes par ici. Comment tu peux ne pas être au courant de ça ?

— Parce qu'il y a une liste des lieux où il ne faut pas aller ? Mais elle est où cette bible gay qui parle de tout ça ? m'étonné-je.

— Il faut vraiment tout t'apprendre à toi...

*

Me voilà maintenant dans la voiture de Jack, une petite berline rouge. Il a prévu de m'emmener dans un coin où je n'aurais pas le moindre problème pour trouver des gens qui accepteraient de s'occuper de quelques préparatifs pour mon mariage. Je dois donc supporter pendant tout le trajet l'insupportable voix d'Ed Sheeran. Eh oui, je ne l'aime pas et dès que je l'entends, tous mes poils se hérissent.

Il arrête la musique. Ah ça fait du bien... Et je me rends compte qu'on est arrivé au Castro, le quartier gay de San Francisco. Mais pourquoi n'y ai-je pas pensé plus tôt ?

Mariage pluvieux, mariage arc-en-ciel [TOME 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant