Ne pas pleurer. Sourire, mais pas trop. Ne pas être suspect. Je n'avais aucune raison d'être triste. C'est vrai, ce jour là s'était très bien déroulé. Je plaçais mon casque auditif sur mes oreilles tout en réfléchissant à la chanson qui allait retenir mes larmes de couler. Une fois mon choix fait, un grand classique d'Aerosmith, je mis un pied dans le bus.
Une place assise libre se trouvait à ma droite, mais je préférais attraper la barre métallique. Les moteurs ronronnèrent et les roues du véhicule effleuraient la route tout en subissant des secousses qui me prenaient par surprise.
Je ne pensais qu'au fait de penser. Je n'arrivais pas à penser normalement. C'était trop fatigant. Quand le mot fatigue traversa mon cerveau, je passai une main sur mes cernes creusés par de nombreuses insomnies. Je n'avais aucune notion du temps. Combien d'arrêts étaient passés? Combien de chansons avaient été susurrées à mes oreilles ?
Je le sentais venir. Ce n'était pas vraiment le moment d'en avoir une crise. Lutter. Se battre contre soi-même. Accepter de... la réalité. Accepter les évènements. Trop tard. Je ne pouvais presque plus bouger. Je tournais lentement la tête, afin de déchiffrer le nom de l'arrêt, quand j'entendis des gloussements. Deux filles me regardaient. Elles prenaient des photos de moi.
A pas lents, je me dirigeais vers la sortie. J'étais habitué aux adolescentes qui ne s'intéressaient qu'à la beauté extérieure. Je ne me trouvais pas particulièrement beau, pourtant.
Au moins, ça m'avait changé les idées, puisque ma crise de ralentissement psycho-moteur s'était évanouie. Je descendis du bus, et passais devant le centre psychiatrique quand une jeune fille me rentra dedans. Elle tomba au sol. J'étais à peine déstabilisé, elle ne devait pas avoir beaucoup de résistance. Je l'aidais à se relever, et je regardais son visage. Elle avait les cheveux bleus, c'était très fascinant. Elle portait une blouse d'hôpital. Elle s'était enfuie?
Elle me remercia vivement, avant de repartir en courant. Cette situation comique me mit un sourire sur mon visage. Je repris ma route et m'arrêtai quelques mètres plus loin, devant ma maison.
Je cherchais mes clefs à tâtons dans ma poche, ouvris le portail de la petite maison voisine du centre.
Je laissai tomber mon sac à terre, épuisé. Je retirais mon casque et mes larmes ruisselèrent le long de mes joues presque instantanément.
Je reniflai bruyamment tout en marchant vivement vers la cuisine.
Je n'avais pas faim. Juste envie de manger. Je pris en sandwich et me couchai sur le dos, sur le sofa du salon. Je restais ainsi, à fixer le vide.
Pourquoi étais-je triste?
Je n'étais pas triste. J'étais vide. J'étais peut-être déjà mort?
Comment savoir ?
Comment se sentir en vie quand la seule pensée qui daigne nous hanter est la mort ?
Je m'entendis émettre un petit rire sec et nerveux. Non. Je m'étais promis que plus jamais.
Je marchais d'un pas distrait vers la cuisine, tout en massant d'une main mes joues annihilées par la contraction nerveuse de mes mâchoires à cause des pleurs.
Machinalement, comme un robot, comme un zombie, je vidai le lave-vaisselle. Je ne pleurais plus. Je n'avais aucune émotion.
Je saisis le couteau en céramique, le contemplais en faisant courir mes doigts sur le revers de la lame, avant de le reposer.
Je devais un peu ranger la maison. On ne s'y retrouvait plus, dans ce foutoir. La corde de jardin, le sécateur, les gants de jardinage, l'échelle, que faisaient tous ces objets sur le sol ? Je les mis un à un en place, sans penser.
Je montai l'échelle, je passai la corde autour de mon cou et fit ce pas en avant.
Je suis mort, ce jour-là. Un beau jour d'été. Le jour de mes 15 ans. Personne ne l'avait vu venir.
Y compris moi.
Parce que je n'étais pas accompagné. Parce que j'étais seul. Parce que tout le monde s'en foutait.
Y compris moi.
On est jamais tout seul, on peut toujours se faire aider. Ce chapitre m'a été inspiré par une vraie histoire, celle du frère d'une de mes connaissances qui a mit fin à ses jours à seulement 19 ans. Si tu te sens concerné(e) par la dépression ou le suicide, voilà quelques liens et numéros de téléphone pour t'aider. Que tu le veuilles ou non, des gens tiennent à toi.
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Thinspiration
Short StoryCe monde est rempli de questions. A quel point puis-je me rendre toute petite ? A quel point puis-je me restreindre ? A quel point puis-je... maigrir ? Capucine, c'était son nom. Et elle le portait bien. Si fragile... Cover par: @i-thriller19