Besoin d'aide, besoin d'aide... Où trouver de l'aide... Comment aborder le sujet avec l'inconnue qui lui servait de mère ?
Ses pensées faisaient un vacarme assourdissant dans ses tempes. Elle enfila une chemise de nuit grise, un grand t-shirt, plutôt, trop large, flottant autour d'elle comme une onde malveillante.
Elle descendit les marches quatre à quatre et se dirigea vers la cuisine, en pensant à montrer ses fesses à la caméra, au passage. Elle se posta devant le plan de travail sur lequel trônait le combiné téléphonique. Elle l'effleura de ses doigts, en ayant l'impression de toucher un objet de cristal, qui pourrait se briser sous la pression d'une caresse légèrement trop forte.
Elle recula d'un pas, puis pris d'une panique incongrue, elle se précipita vers la porte d'entrée et hurla d'un cri aigu, un cri qui était chargé d'une émotion si forte et si peu commune que n'importe quel individu l'aurait reconnue rien qu'en entendant sa sonorité perçante: le désespoir.
Elle mit ses mains à l'arrière de sa tete et traversa le premier étage de long en large, faisant les cents pas. Cette scène étrange dura quelques minutes, puis elle laissa ses bras retomber d'un coup contre ses cuisses, et se dirigea d'un pas décidé vers la cuisine. Elle dépassa le plan de travail et ouvrit immédiatement la porte du réfrigérateur.
Elle contempla avec les yeux injectés de sang les différentes options: du mais en boite, un reste de viande, du beurre et de la confiture, un smoothie hypercalorique que sa mère lui avait préparé au cas où elle "arrêterait d'être conne", du riz cantonnais dans un tupperware sans couvercle, du jus d'orange...
Elle se précipita d'abord sur le riz. Accroupie- comme un animal, elle en prit une poignée et la fourra au fond de sa gorge, comme une oie qu'on gaverait. Elle ferma les yeux. Elle sentait les grains fondre dans sa bouche, les arômes se mélanger, la texture des aliments disparaitre peu à peu... Des larmes coulèrent de ses yeux alors qu'elle prit une deuxième, une troisième et une quatrième poignée. Ses mains étaient couvertes de riz et de légumes. Elle reposa le tupperware vide sur l'étagère où elle l'avait pris. Elle s'empara du jus d'orange et bu à grandes lampées, à même le goulot. La bouteille vissé à ses lèvres fines, elle se laissa tomber contre le sol.
Elle reposa la bouteille pour reprendre son souffle. Ses yeux étaient fous et son corps pris de spasmes. Elle ouvrit les placards à une vitesse fulgurante, cherchant l'aliment x ou y qui apaiserait sa frénésie. Un paquet de céréales au chocolat lui tomba sous les yeux. Elle se servit à grandes poignées une fois de plus, avant de jeter le paquet à moitié plein par terre. Une tablette de chocolat au lait, une minute. Un paquet de pain de mie et du beurre, cinq minutes. Un reste de viande pour trois personnes, trois minutes.
Une furie s'était emparée d'elle.
La main plongée dans son paquet de céréales, elle réalisa la douleur qui se situait sous sa poitrine plate. Son estomac. Il n'avait plus eu l'habitude de manger depuis des mois à quantité normales, il était normal qu'il ne supporte pas un vide des placards en une heure à peine.
Elle reposa le paquet sur le plan de travail, essuya sa bouche du revers de sa main. Le sol de la cuisine ressemblait à un champ de bataille. Elle marcha nonchalamment parmi les décombres, en direction des toilettes.
Elle se pencha, et machinalement, presque comme une marionnette contrôlée par une force inconnue, plaça une main contre son estomac, et les doigts de l'autre au fond de sa gorge.
Elle resta la quelques heures. A "évacuer", à se tuer d'avantage.
Cette maladie existe pour une raison. Pourtant, elle ne savait pourquoi le sort semblait s'acharner sur elle.
Elle voulait être libérée de tout ça. Libre, tel est le mot. Elle voulait être libre, s'envoler vers de meilleurs horizons.
Des horizons de vie, de mort, de calme, de chaos... Des horizons où la vérité et le mensonge ne font qu'un, où la douleur et le plaisir sont similaires.
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Thinspiration
Short StoryCe monde est rempli de questions. A quel point puis-je me rendre toute petite ? A quel point puis-je me restreindre ? A quel point puis-je... maigrir ? Capucine, c'était son nom. Et elle le portait bien. Si fragile... Cover par: @i-thriller19