A La Recherche De L'Ether : Héritage [Tome 1]

Chapitre VI. Les amis

Annastasya ne s'était jamais considérée comme chanceuse tout au long de sa courte vie. D'emblée, elle était douée d'une magie qu'elle était incapable d'utiliser et vivait avec dans un royaume où elle était interdite. Elle risquait à tout moment de finir sur un bûcher. Par ailleurs, sa génitrice, qui lui avait légué ce don inutile, l'avait abandonné pour le Créateur-seul-savait-quelle-raison. D'un autre côté, son père, qui représentait la seule famille qui lui restait, la détestait et se méfiait d'elle comme si elle complotait dans son dos pour prendre le pouvoir.

À présent, la situation dans laquelle elle se trouvait n'avait rien avoir avec sa malchance habituelle. Derrière elle, Elynor, le capuchon de son vêtement rabattu sur la tête, et Kelia, qui était si bavarde d'habitude, restaient immobiles et silencieux. De même que les six autres personnes devant elle. Annastasya avait l'impression que le temps s'était arrêté. La forêt était silencieuse.

Le calme avant la tempête.

D'un coup d'œil, elle repéra son livre non loin d'elle ; elle n'avait pas eu le temps de le ranger avant de dévaler la pente. Peut-être que si elle le récupérait, elle aurait le temps de s'éclipser ni vu ni connu. Lorsqu'elle fit mine de se baisser pour le prendre, le livre lévita puis fila si vite qu'elle hoquéta de surprise. Il atterrit dans la main - valide - de la jeune fille aux longs cheveux roux. Aussitôt, la fille disparue et réapparue plusieurs mètres plus loin, en équilibre sur une pierre tombale. Annastasya cligna des yeux, ébahie.

Alors c'était ça, la Magie ? Pensa-t-elle. Comme pour lui faire une autre démonstration de la magie, la jeune fille répéta le même procédé avec le livre que tenait la fille à la chevelure bleue. Le livre vint se placer docilement dans sa main.

- C'est ce qu'on appelle faire d'une pierre deux coups, s'exclama-t-elle en avisant les deux bouquins.

L'un des garçons - le blond - s'élança vers la fille. Il fut stoppé lorsqu'une racine s'enroula autour de sa jambe et le fit tomber, face contre terre. Une fille se précipita vers lui pour l'aider. Annastasya se sentait impuissante. Elle ne connaissait pas cette fille pourtant, elle venait de lui voler son livre, sa seule piste pour retrouver l'Ether.

Elle ne pouvait pas s'attaquer à quelqu'un qui faisait bouger les objets - et les gens, peut-être - d'un simple geste. De plus, sa cheville la faisait encore souffrir. Elle s'essuya le front et constata qu'elle saignait. Elle avait du se blesser en tombant.

- Rends-moi ce livre, il est à Anna ! S'écria soudain Kelia en voletant vers la rousse.

- Kelia ! Non !

Trop tard. La fille mima une pichenette et Kelia fut projeté dans les airs comme si elle venait d'être frapper par une main invisible. Annastasya se précipita vers son familier en ignorant sa cheville qui protestait sous l'effort. Elle s'élança pour rattraper Kelia en plein vol puis se cogna la tête contre une des pierres tombales. Le choc lui coupa le souffle mais elle serra Kelia contre elle. Elynor accouru pour la soutenir.

- Stupide chose, cracha la rousse. Vous avez réussi à me mettre en colère. ( Elle leur lança un regard méprisant.) Et vous allez le payer.

Les livres lévitèrent autour d'elle puis elle tendit la main dans leur direction en prononçant des paroles dans une langue inconnue d'Annastasya. Sous ses yeux ébahis, une grande et profonde fosse se creusa exactement à l'endroit où ils étaient. Ils tombèrent dans la tombe froide et sombre. La jeune fille y fit à peine attention. Elle s'inquiétait pour son familier qui était immobile. Elynor s'approcha d'elle puis posa sa petite main sur le pelage gris de Kelia.

- Elle n'a rien, dit-il en levant les yeux vers Annastasya. Elle s'est juste évanouie.

Avec un soupir de soulagement, Annastasya ouvrit son sac à dos et y déposa tout doucement son amie. Elle se redressa tant bien que mal puis leva la tête pour regarder le ciel qui s'étendait plusieurs mètres au-dessus d'elle. Elle tendit l'oreille pour essayer de discerner un quelconque bruit. Une voix étouffée lui parvint.