Ministres

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Assis à son bureau, d'une façon qu'il espérait digne et cérémonielle, le Premier Ministre britannique fixait la cheminée sans parvenir à dissimuler sa nervosité. Quelques minutes plus tôt, l'affreux portrait suspendu au mur en face de lui l'avait prévenu que l'autre arrivait. Un nouvel autre, pour être tout à fait exact. L'autre ministre : le Ministre de la Magie.

Depuis lors, le Premier Ministre britannique avait rajouté une petite dose de cognac dans sa tisane du soir, et il s'efforçait à présent de faire comme si le portrait n'existait pas, ce qui était de toute évidence impossible.

Enfin, alors que le Premier Ministre tentait pour la troisième fois de lire les nouvelles du soir, une bourrasque de flammes vertes jaillit de la cheminée, et un homme en sortit.

Il était grand – ce fut la première chose que le Premier Ministre fut capable de noter. Très jeune, également. Le gris dans ses cheveux noirs n'était dû qu'à la cendre qui parsemait encore ses vêtements. Il portait un élégant complet sombre, assez semblable à celui que portait le Ministre lui-même, et cette tenue pour le moins familière eut pour effet de calmer un peu l'appréhension qu'il ressentait :

- Bonsoir, dit-il en se levant, la main tendue, comme s'il avait fait ça toute sa vie.

- Bonsoir, répondit l'autre Ministre avec un sourire.

Il avait une voix basse et douce, et sa poigne était ferme.

- Mon Dieu ce que vous êtes jeune ! ne put s'empêcher de s'exclamer le Premier Ministre.

L'autre eut un léger rire :

- Oui, c'est vrai. J'ai vingt-huit ans. Je suis le plus jeune Ministre de la Magie jamais élu, il me semble.

Puis il ajouta avec un petit signe de tête :

- Scorpius Malefoy. Je suis ravi de vous rencontrer.

Le Premier Ministre se rassit derrière son bureau :

- Malefoy... Votre nom me dit quelque chose.

L'ombre d'une grimace passa fugitivement sur le visage du jeune Ministre :

- Cela ne m'étonne pas... Rassurez-vous, j'espère faire parler de mon nom en bien à présent.

Le Premier Ministre ne savait guère comment interpréter cette réponse, aussi se garda-t-il bien de le faire. Le jeune Ministre balaya alors la pièce du regard, ouvert et intéressé, prenant le temps de s'attarder sur chaque détail qui piquait son intérêt.

Alors, malgré son étonnement, sa méfiance et l'appréhension naturelle qu'il ressentait toujours à l'égard des sorciers qui surgissaient de sa cheminée, le Premier Ministre britannique se surprit à éprouver pour lui une affection instinctive. Ce nouveau Ministre de la Magie respirait la jeunesse – ce dont un pays avait de toute évidence besoin – mais aussi l'intelligence et la maturité. Il dégageait un grand calme, une force tranquille qui prenait le temps d'analyser les choses, en profondeur. Et surtout, dans ses yeux, on voyait qu'il souhaitait bien faire.

- Vous avez dû vous rendre compte qu'il y avait des troubles récemment, surtout à la capitale, déclara soudain le jeune Ministre en le regardant bien en face.

- Oui en effet, les foules ont semblé un peu animées...

- Je tenais à m'en excuser. C'était entièrement notre faute.

- Votre faute ? Comment est-ce que...

- Nous avons traversé une crise politique majeure. J'ignore si vous le savez, mais jusqu'à présent, le système politique magique ne fonctionnait pas selon un modèle très démocratique. Un Premier Ministre était désigné par le Magenmagot – l'équivalent de votre Parlement – et il gouvernait à vie, sans séparation des pouvoirs.

Pandemonium (Scorpius x Albus)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant