Dernière Année

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Scorpius changea beaucoup durant les mois qui suivirent sa condamnation. Une part de lui en était consciente, sans chercher à stopper le phénomène. Sans même s'y attarder, en fait. Scorpius était en roue libre.

Sa condamnation et tout ce qu'elle impliquait – une injustice de plus, la perte de son rêve – avait déclenché quelque chose en lui. Une barrière s'était abattue. Un écran, fracassé. Jusqu'à présent, pendant toutes ces années, Scorpius s'était accroché à l'espoir de finir sa scolarité sans heurts, pour ensuite s'enfuir dans un autre pays, dans l'étude du passé, là où personne ne connaitrait son nom ni même ne s'en soucierait. A présent, cet espoir n'était plus. Scorpius devait faire face à une réalité autre : il allait devoir faire sa vie ici, en Angleterre, et l'avenir qui l'attendait ferait tout pour le rabaisser, l'humilier, et, ultimement, le détruire.

Jusqu'à présent, Scorpius avait pu encaisser les injustices et les humiliations sans protester, en faisant profil bas, uniquement parce qu'il avait l'espoir d'y échapper. Maintenant que ce n'était plus le cas, toutes les précautions qu'il avait l'habitude de prendre depuis des années lui semblaient vaines. A quoi bon chercher à se faire oublier ? A quoi bon garder son calme et ne rien dire, ne pas se défendre ? Il n'avait déjà plus rien. Alors gâcher son avenir, un peu plus ou un peu moins...

Scorpius sentait grandir en lui une colère qu'il n'avait plus envie de refreiner. Sa rancœur longtemps étouffée avait finalement trouvé le chemin de son cœur, pour en prendre possession, l'assombrir, le résigner. Scorpius avait l'attitude de celui qui n'a plus rien à perdre. Tout lui était indifférent, désormais. Il se moquait des conséquences. Il ne baisserait plus jamais les yeux devant une insulte. Il ne laisserait plus jamais personne toucher à son intégrité, puisque c'était tout ce qu'il lui restait. Oui, Scorpius se sentait investi d'une noirceur, quelque chose de sauvage et d'indéfinissable, juste là, à côté de son cœur, effleurant la surface...

Scorpius était plus colérique. Plus cassant, plus impulsif. Son incartade avec Hugo lui avait fait prendre conscience d'une violence en lui qu'il ignorait posséder. A présent qu'il l'avait découverte, tel un animal qui avait goûté au sang, il ne pouvait plus s'en défaire. Désormais, il répondait lorsqu'on le provoquait. Il se moquait des points et des punitions. Il se moquait de se faire exclure. Et les autres élèves avaient peur de lui...

Oui, peu à peu, Scorpius vit dans le regard de ses congénères le reflet de ce qu'il incarnait : un adolescent grand et fort, froid, la marque des ténèbres sur son bras, avec cette folie incontrôlable qui pouvait resurgir n'importe quand, comme avec Hugo...

Scorpius avait conscience de ce déséquilibre en lui. Son esprit était un amoncellement de brisures qui ne demandaient qu'à céder. Il se sentait constamment sur le bord d'un immense précipice, et un rien pouvait le faire sombrer... Quelques fois, cette noirceur en lui l'effrayait. Il haïssait son avenir, il haïssait ce à quoi il était condamné, il haïssait le monde autour de lui, et surtout, il haïssait cette absence de lumière, cette absence d'espoir.

Alors, peu à peu, Scorpius flirta avec le vide. Lui qui avait toujours été si composé, si raisonnable, se découvrit un penchant illimité pour l'autodestruction. Il cherchait les ennuis, défiait ses camarades du regard. Satisfait de leur accorder enfin l'image qu'ils avaient toujours eue de lui. Il se résignait à endurer chaque jour en espérant que quelque part, peut-être, ce serait le dernier. Cette perspective ne l'émouvait pas. L'automutilation n'était pas dans sa nature, pas plus que le suicide – hors de question de leur donner ce genre de satisfaction – aussi se rabattit-il sur d'autres habitudes. Déjà depuis sa deuxième année, il fumait, occasionnellement. Il s'y adonna désormais à cœur joie. Pour le seul plaisir de se détruire à petit feu. De s'infliger un peu de la souffrance qu'il ressentait. Pour tuer toutes ces choses à l'intérieur qui le torturaient... A chaque cigarette, c'était un peu de lui qu'il tuait, qui partait en fumée. Dans cette logique étrange qu'il avait adoptée, Scorpius fumait pour mourir. Pour se sentir en vie. Pour transgresser. Pour reproduire le chaos qui régnait dans son âme.

Pandemonium (Scorpius x Albus)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant