Chapitre 4

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Le lendemain fut une journée un peu spéciale au travail. Les fêtes approchant à grands pas, le patron avait dû s'absenter pour la fermeture du café et c'était à moi que revenait cette tâche. Habituellement, il le faisait toujours lui-même, et cela l'avait mis mal à l'aise de confier cette mission à un employé. Pour tout vous avouer, j'aurai bien aimé avoir une soirée pour moi, pour pouvoir étudier. Je devais m'entraîner à composer, c'était ce que je préférai faire, mais c'était l'une des choses les plus compliquées, car une simple erreur peut complètement modifier une musique. Mais mon patron ne passait pas beaucoup de temps avec sa famille, et je voulais lui offrir cette possibilité en lui rendant service. Et puis, le café possédait un piano, il était surtout là en guise de décoration mais, rien ne m'empêchait de m'entraîner n'est-ce pas ? Personne ne saurait que je l'avais utilisé avant de fermer la boutique. Je pourrais retravailler quelques points essentiels de ma partition.

Le service se terminait à 20 heures, mais la plupart du temps, nous partions aux alentours de 21 heures après avoir nettoyé les lieux. Chung-Ho était en train d'essuyer le comptoir quand sa montre se mit à biper les 21 heures. Il s'étira et dit :

« J'ai cru que cette journée ne finirait jamais ! C'était épuisant, je veux retrouver mon lit.

- Tu as de la chance. Je vais devoir faire la fermeture, ça va me prendre du temps encore. Mon lit me semble inaccessible.

- Tu es sûre de vouloir fermer ? Je veux dire, c'est dangereux pour toi de rentrer toute seule à une heure si tardive. Tu ne veux pas que je le fasse à ta place ?

- Non ne t'inquiètes pas, j'ai dit au patron que je le ferai, et je le ferai. Et puis tu sais ce n'est pas la première fois que je sors dans la nuit, il n'y a pas de raison de s'inquiéter.

- Je suis inquiet quand même. Une jeune fille de ton âge devrait faire plus attention à elle. Vraiment Sun-Hi. »

Chung-ho semblait réellement préoccupé par cela. Son attention était bienveillante, mais j'étais déjà sorti la nuit et je restais prudente à chaque fois. J'avais toujours un spray au poivre sur moi, en prévention d'une éventuelle agression. Cependant, j'avais l'impression qu'il voulait me protéger de quelque chose, mais de quoi ? Je remarquai que son regard ne quittait pas la baie vitré. Qu'y avait-il dehors pour qu'il agisse de la sorte ? Son comportement commençait à m'inquiéter également.

« Chung-Ho, quelque chose ne va pas ? Pourquoi es-tu si inquiet ?

- Eh bien, dit-il d'un ton hésitant, je ne veux pas qu'il t'arrive quelque chose, je m'en voudrai beaucoup trop de ne pas t'avoir protégé.

- Chung-Ho... Si jamais il venait à m'arriver quelque chose, je t'appellerais d'accord ? Maintenant profite du reste de ta soirée et rentre vite ! Tu as passé une journée éreintante, tu as besoin de repos. »

Il me regarda et fit une moue boudeuse, mais prit finalement ses affaires et partit. J'étais enfin seule. Sans vouloir être méchante, j'ai cru qu'il ne partirait jamais, et que je n'aurai jamais pu m'entraîner. Je me hâtai de finir mes dernières tâches de la soirée, et m'assis devant ce beau piano décoratif. La première chose que j'avais besoin de savoir, était si le piano fonctionnait. Ensuite, s'il était accordé. Après cela, je pourrai enfin me mettre au travail. Par chance, tout était en ordre. Le patron devait lui aussi l'utiliser. Mes doigts se mirent à pianoter les touches, et la mélodie commença. Je laissai mon esprit vagabonder au rythme de la musique. Il s'agissait de la partition la plus importante que j'avais écrite. Cela faisait des années que je la modifiai sans cesse sans vraiment trouver un accord parfait. Il m'arrivait de modifier plusieurs fois la même partie sans jamais vraiment être satisfaite. Mais j'aimais jouer ce que j'avais composé. J'avais l'impression de rentrer dans un univers dont j'étais la seule à avoir la clé. C'était un peu comme mon jardin secret.

Je n'avais pas entendu la porte du café s'ouvrir. En y repensant, j'étais tellement subjuguée par ce que j'étais en train de jouer que rien ne m'aurait fait perdre le fil. La musique prit fin, et c'est à ce moment-là que j'entendis quelqu'un applaudir. Cela me fit sursauter et je fis volte-face pour confronter l'intrus. Telle ne fût pas ma surprise lorsque je vis Yoongi assit sur une chaise à quelques tables de moi. Aucun mot ne sortit de ma bouche, pour tout vous dire je pensais être en train de faire un mauvais rêve. Si seulement, ce n'était qu'un mauvais rêve. Je parvins à prendre la parole.

« Que fais-tu ici, nous sommes fermés ?

- C'est très beau ce que tu as joué, tu l'as composé seule ?

- Pourquoi évites-tu ma question ?

- Tu évites aussi la mienne, dit-il d'un ton rieur. »

Cet homme m'exaspérait. Je poussai un soupir et me mis à ranger mes feuilles de partitions. Yoongi ne me quittait pas des yeux. Il était resté là, assis en silence à m'observer, ce qui me mit mal à l'aise.

« Bon alors, quelle est la raison de ta venue ? »

Aucune réponse.

« Ça t'écorcherait la langue de me répondre ?

- Je suis venu tenter ma dernière chance. Je sais que c'est inapproprié d'insister comme cela mais j'ai vraiment besoin d'essayer, je ne veux pas regretter par la suite de n'avoir rien fait. Si tu refuses, alors je partirai pour de bon et tu ne me verras plus jamais, je te le promets.

- Ecoute, je ne veux pas te blesser mais je ne veux pas dîner avec toi. Imagine un peu la scène, notre conversation sera inconfortable car nous ne connaissons pas, et que nous n'avons tout simplement rien à nous dire. Nous aurons tous deux hâte que ce dîner prenne fin au plus vite. En refusant ton invitation, je nous évite de vivre quelque chose de déplaisant.

- Je ne suis pas sûr que nous n'aurons rien à nous dire, dit-il pensif.

- Comment ça ?

- Eh bien, nous pourrons parler de musique. Tu joues du piano et il se trouve que j'en joue aussi. C'est déjà un bon début, qu'en penses-tu ?

- Je ne sais pas trop... »

J'étais confuse. Je n'avais pas envie d'accepter sa proposition à cause de ce qu'il s'était passé. Une partie de moi était sûre de ne pas vouloir. L'autre partie s'était laissée allécher par ce que Yoongi avait dit. Le dilemme était assez compliqué. Devais-je accepter car il jouait du piano ? L'argument n'était pas très convainquant, mais me tentait tout de même. Je ne pris pas le temps de lui répondre et me dirigeai vers les vestiaires pour changer de tenue. Yoongi resta dans la salle à attendre. Je ne savais toujours pas si c'était une bonne idée, mais que pouvais-je faire d'autre ? Réfléchir à la question ne mènerait à rien. Lorsque je revins dans la salle, le jeune homme me regardait intensément, il voulait savoir si sa dernière chance avait été vaine. Je lui dis :

« J'espère que tu vas m'inviter. »

Ses yeux s'écarquillèrent et devinrent pétillants. Il s'empressa de me dire oui de façon enjouée et nous partîmes tous deux en direction d'un restaurant. Le restaurant en question était petit mais convivial, tout le monde riait, buvait et avait l'air de passer un bon moment.Le gérant du lieu nous accueilli et nous montra notre table. Yoongi avait l'air familier avec les lieux, il devait venir ici souvent. Le serveur arriva et prit notre commande. Je pris un Bibimbap et Yoongi prit un Buldak. Nous attendîmes nos plats en silence sans savoir quoi dire. Je l'avais bien dit que ça arriverait.

Un Joueur de Cœur (Suga ff)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant