Chapitre 12

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« Sun-Hi ? Que fais-tu ici de si bonne heure ? »

Mes yeux se posèrent sur le sportif et j'eus la grande surprise de voir Namjoon le visage couvert de sueur mais pourtant radieux. Le jeune homme s'assit à côté de moi avant même que je n'eus le temps de répondre.

- J'avais besoin de me poser et de réfléchir.

- Réfléchir par rapport à hier ? dit-il en m'interrogeant du regard.

- Tu es au courant ? lui dis-je surprise.

- Yoongi n'a pas voulu me dire ce qu'il s'était passé dans les toilettes, mais vu le sourire niais qu'il abordait, il y a bien eut quelque chose.

Mes joues s'enflammèrent immédiatement lorsque les souvenirs de la veille refirent surface dans mon esprit. La chaleur du corps de Yoongi contre le mien, ses lèvres qu'il avait essuyées sensuellement, son visage s'approchant du mien. Et puis soudain la deuxième réalité me frappa. Chung-Ho, sa déclaration, notre amitié brisée. Il était bien difficile de faire de tri dans tous les éléments qui avaient constitués cette folle journée. Namjoon me regardait en attendant une réponse de ma part. Je pris une inspiration et me mis à lui raconter ce qu'il s'était passé dans les toilettes. Je fis de mon mieux pour lui raconter chaque détail et chacun de mes sentiments. Cela me fit un bien fou de parler de ces choses-là, je savais qu'il pourrait me guider dans mes incertitudes.

Après avoir réfléchit quelques instants à tout ce que je venais de lui raconter, Namjoon me dit :

- Je comprends mieux pourquoi Yoongi souriait bêtement et était dans la lune ! Vous cachiez bien votre jeu ! Jamais je n'aurai cru que les choses évolueraient si rapidement. Mais cette situation t'a permit de mieux comprendre tes sentiments non ?

- Oui, j'y réfléchissais depuis quelques temps déjà, mais la situation d'hier confirme bien mes suppositions. Je suis persuadée qu'il y a un lien spécial qui s'est crée entre Yoongi et moi. Au début je pensais que ce n'était que de l'amitié mais visiblement ce que je ressens dépasse bien le cadre de la sympathie.

- J'avais donc raison lorsque je te disais que tu avais peut être un coup de foudre ! Décidément je suis bien trop fort pour deviner ces choses-là, dit-il d'un air fier qui me fit rire.

- Tu avais raison, mais j'ai mis du temps à m'en rendre compte. Pourtant, j'ai beau y voir plus clair dans mes sentiments, je ne connais pas ceux de Yoongi.

- Je ne peux pas parler pour lui, mais si ça peut te rassurer je ne l'ai jamais vu aussi heureux et pourtant nous nous connaissons depuis un bon moment ! Donc tu es très importante pour lui, et ça j'en suis persuadé.

Namjoon essaya de me rassurer du mieux qu'il pouvait. C'était très gentil de sa part, je savais que je pouvais compter sur lui et cela me fit chaud au cœur.

Après un long moment à avoir discuté tout les deux, le jeune homme se leva et m'indiqua qu'il était temps pour lui de partir. Il sautilla un peu et se remit à courir. Mes yeux le suivirent jusqu'à ce qu'il disparaisse de mon champ de vision. Il était temps pour moi de retourner dans mon appartement. Puisque j'y voyais plus clair dans mes sentiments, je pouvais m'occuper d'autres choses sans pour être distraite.

De retour dans la chaleur de mon domicile je me décidai à faire du tri et à ranger mes affaires. Entre les cours et mon travail au café je n'avais pas toujours le temps de ranger comme je le souhaitais, mais comme j'avais du temps devant moi autant en profiter ! J'ouvris ma penderie et commençai à trier mes vêtements. En essayant d'attraper la dernière pile de vêtements de l'étagère, quelque chose tomba dans un bruit sourd qui me fit sursauter. Mon regard se dirigea vers ladite chose et je m'abaissai pour la récupérer. Il s'agit d'un vieil album photos que j'avais emmené lors de mon déménagement à Séoul. À l'intérieur se trouvaient tous les souvenirs de ma tendre enfance. Je n'observais que la couverture pourtant une vague de nostalgie m'avait déjà envahit. Ce sentiment me rappelait autant les bons souvenirs que les mauvais. J'ouvris l'album et me mis à feuilleter les pages. Cela faisait bien longtemps que je n'avais pas contemplé ces images. À vrai dire, je l'avais pris pour ne pas me sentir seule à Séoul mais je ne crois pas avoir eu le courage de l'ouvrir depuis que je vivais dans cette grande ville.

La plupart des photos étaient vieilles, elles avaient toutes été prises lorsque je n'étais encore qu'une enfant. On pouvait apercevoir le vieux piano de ma grand-mère sur de nombreux clichés. Revoir cet instrument me fit chaud au cœur car c'était sur ce dernier que ma grand-mère m'avait appris à jouer. Elle m'avait transmis sa passion pour la musique et m'avait toujours encouragé à poursuivre mes rêves. Sa façon de penser avait causé beaucoup de discordes au sein de ma famille. Mon père, son beau-fils, était complètement contre son raisonnement et souhaitait qu'elle reste éloignée de mon éducation. Il avait toujours trouvé la musique inutile et frivole. Pour lui, ce n'était qu'un moyen de se détourner du travail, un simple passe-temps que je ne devais pas exercer. En réalité je crois que mon père était bien trop grossier et brute pour pouvoir jouer d'un quelconque instrument de musique. Il était bien plus à l'aise dans le monde de l'automobile et c'est probablement ce qui le poussa à devenir vendeur de voitures pour une marque intermédiaire.

Ma grand-mère n'appréciait pas mon père. Elle avait toujours dit à ma mère que cet homme m'empêcherait de m'épanouir tout comme il l'avait empêché de poursuivre ses rêves. Il est fort probable que ma mère ait pris conscience qu'il était important que je m'épanouisse et elle s'opposa à mon père lorsqu'il refusa de me payer des leçons de piano. Je me rappelle encore de leur dispute ce soir-là. Ma mère avait levé la voix sur mon père pour la première fois et ce dernier fût tellement surpris qu'il ne put rien ajouter de plus. La semaine d'après je fis mes premiers pas au côté d'un professeur.

Les années passèrent et ma passion pour la musique s'amplifia. Je voulais vivre de ma passion mais j'avais peur de parler de ma décision à mes parents. Je savais que mon père allait être contre, il voulait que je suive le même chemin qu'il avait emprunté et puisqu'il n'avait pas eu de fils, il n'y avait que moi pour reprendre la relève. Seule ma grand-mère était au courant de mon désir et elle m'encouragea de plus belle. « Vivre de sa passion est une chose merveilleuse ! » m'avait-elle dit. Ce jour-là, je lui fis une promesse, celle d'écrire notre musique.

Malheureusement je n'ai jamais pu achever ce projet à temps. Ma grand-mère tomba malade dans les mois qui suivirent ma promesse et elle décéda quelque temps après. Ce fut un moment très difficile pour moi car je perdis à ce moment-là un être qui m'était cher ainsi que ma plus grande alliée contre mon père. Vers la fin du lycée, je dus choisir mon orientation. Mon père avait tout planifié de A à Z, mais j'étais contre son avis. Lorsqu'il m'expliqua ce qu'il avait prévu pour mon avenir je lui fis part de mon opinion. Pour la première fois, j'exprimai mon désir de vivre de la musique, de devenir compositrice. C'était un moment très sérieux pour moi, mais mon père me ria au visage. « Cesse tes enfantillages » m'avait-il dit. Je m'attendais à un refus mais pas à ce qu'il ne me prenne pas au sérieux. Ma plus grande surprise fut lorsque ma mère se rangea de son côté. Elle m'expliqua qu'il fallait que je trouve un plan bien plus sérieux que le monde de la musique qui n'était pas si sûr qu'il en avait l'air. Mon cœur se brisa lorsqu'elle décida de s'opposer à mon rêve. Les larmes coulèrent sur mes joues et je tentai tant bien que mal de leur expliquer que je ne voulais pas vivre selon leurs plans mais selon les miens. À ce moment-là, mon père me gifla et me fit comprendre que je n'avais pas le choix. Cette soirée avait marqué un point de rupture avec mes parents. Nos relations devinrent de plus en plus conflictuelles.

Bien que mes parents étaient contre mon choix, j'étais décidée à suivre le chemin qui me semblait le mieux pour mon moi. Je postulai secrètement pour une grande école de musique de Séoul (celle où j'étudie actuellement) et fus acceptée après que mes efforts aient payés. Je savais que ça serait dur mais cela m'importait peu, je pouvais enfin quitter la maison familiale et vivre de mon rêve. Le soir au dîner j'annonçai la nouvelle à mes parents. Mon père devint rouge de colère et après une longue dispute me dit ces glaçantes paroles : « Si tu pars vivre à Séoul pour suivre ton stupide rêve, tu pourras nous oublier ta mère et moi. Tu n'es qu'une honte pour la famille. ». Ma mère n'avait pas dit un mot à ce moment-là. Elle était restée effacée de la conversation comme si elle ne parvenait pas à réaliser ce qu'il venait de se passer. Depuis ce moment-là je n'avais eu aucune nouvelle de mon père. Ma mère m'appelait de temps en temps lorsqu'elle était seule mais ne me demandait jamais comme se passait mes études. C'est peut-être mieux comme ça.

Je fermai l'album photos après l'avoir longuement feuilleté. Des larmes coulaient sur mes joues. Au final j'ai beau avoir l'air forte, ma blessure et ma peine envers mes parents ne se sont pas cicatrisées.

Un Joueur de Cœur (Suga ff)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant