Prologue

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22 août 2013


Je descends les escaliers en traînant les pieds pour la centième fois depuis mon retour en Angleterre. Je me dirige machinalement vers la cuisine, pour me faire un café espérant naïvement que ça cacherait les effluves d'alcool de mon haleine. Mes parents ne devaient rien savoir. Je savais que ce n'était pas une bonne idée de boire aussi régulièrement, juste assez pour être dans cette bulle anesthésique. Ce n'était ni bon pour mon corps, ni bon pour mon mental et pourtant ô combien ça me faisait du bien. Ne plus ressentir ce puit sans fond de vide en moi que je n'arrivais pas à combler.

Je verse le liquide chaud dans ma tasse, songeant une fois de plus à mes amis français que je ne reverrais sans doute jamais, où très tardivement. Je repose brutalement le récipient sur le plan de travail, me sentant assaillie par les larmes et par une boule de douleur au fond de la gorge menaçant de me faire exploser en sanglot. Je lève les yeux au plafond, étendant mon cou et tâchant de chasser mes larmes.

Il fallait que ça cesse, ces crises de larmes, cette douleur permanente du manque. J'aurais préféré être en manque d'alcool qu'en manque affectif. Pourtant, malgré mes prises répétées de rhum, ce n'était que la recherche d'anesthésie psychique que je cherchais. C'était lorsque les souvenirs d'Amoris et plus particulièrement de ses habitants me revenaient que j'attrapais la bouteille dans ma table de chevet, cherchant par-dessus tout à stopper le mal qui m'empoisonnait.


— Sweety, m'appelle doucement ma mère me faisant sursauter violemment. 


Je lâche la cuve de café — qui heureusement était déjà sur le plan de travail — et me retourne d'un geste vif. Je découvre ce visage inquiet qu'elle arbore depuis quelques temps en me regardant. Elle était tellement plus attentive à mon état depuis qu'elle savait le traumatisme que j'avais subit et qu'elle n'avait pas vu. Et là, elle voit bien que ça ne va pas, je ne suis que l'ombre de moi-même depuis que je suis rentrée en Angleterre, même si mes amis viennent me rendre visite souvent pour me tirer vers le haut. Je n'ai même pas la force de lui mentir sur mon état.


— Tu veux bien t'asseoir, j'aimerais qu'on discute toutes les deux. 


Je prends une grande inspiration en la regardant vaguement, puis range la cuve avant de prendre ma tasse. Je me déplace lourdement jusqu'à la table de la cuisine et m'assois en face d'elle. Je savais déjà ce qu'elle me dirait : « Sweety, je vois bien que ça ne va pas, parle-moi » ou « Ça va bien se passer, tu verras, une fois que tu auras repris les cours, tu n'y penseras plus ». Sauf qu'elle ne comprenait pas. La vie s'était de nouveau écoulée en moi depuis que j'avais rencontré Rosalya, Alexy, Nathaniel, Castiel, Lysandre, et les autres. Leur soutien, leur bonne humeur et leur manière d'être, m'avaient fait tellement de bien.


— Je sais que tu ne vas pas bien, commence-t-elle et je me retiens de lever les yeux au ciel. Tu n'as pas envie d'être ici, malgré ce que je pensais et je vois bien que ça ne s'arrange pas. 


Elle marque une pause et je fronce les sourcils, me demandant où elle veut en venir. Ce qu'elle sous-entend pour l'instant n'est pas vraiment ce à quoi je m'attendais. Je touille le liquide auquel j'ai ajouté du sucre, avant de croiser les bras contre ma poitrine. Elle avait toute mon attention.


— Après en avoir longuement discuté avec ton père, j'ai appelé ta tante, reprend-elle. Elle est d'accord pour que tu viennes vivre chez elle pendant l'année de terminale si c'est toujours ce que tu souhaites. 


Je n'aurais su dire ce que je ressentis à cet instant, tant c'était intense. Les connexions synaptiques de mon cerveau se mettent en pause et aucune information ne circule, comme si on cerveau avait planté. Cet espoir que j'avais complètement laissé tomber illumina de nouveau mon regard. Une joie intense nait au fond de mon abdomen et enveloppe mon corps tout entier, j'en ressens presque mes muscles trembler.

Je me redresse, laissant mes bras tomber le long de mon corps, n'osant y croire.


— C'est vrai ? Genre vraiment, je peux aller vivre chez tante Lucy pendant l'année de terminale et repartir en France ? Lui demandé-je avec l'enthousiasme qui m'avait quitté depuis que j'étais revenue ici. 

— Oui, vraiment, lâche-t-elle avec un rictus bienveillant sûrement heureuse de voir à nouveau un sourire sur mon visage. Si ça peut t'aider à aller mieux, c'est tout ce que je souhaite. Bien sûr tu rentrerais pendant les vacances scolaires. 


J'aurais aimé dire que c'était le plus beau jour de ma vie, pourtant je savais que ce n'était pas le cas. Je mets un temps avant de réaliser complètement ce que ça représente, pourtant mon corps lui l'a déjà bien intégré et il se lève pour aller prendre ma mère dans ses bras. Elle-même m'imite et me serre contre elle.


— Merci, maman, soufflé-je sentant mes yeux me picoter. Merci infiniment. 


Je la serre plus fort et elle embrasse ma chevelure. Je peux sentir son bonheur de m'avoir dans ses bras à nouveau à travers chacune des cellules de mon corps, tout comme le mien de retrouver la France, ce pays qui m'avait sauvée. 

Awake - Attrape-Moi (Tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant