Amour Illicite

Chapitre 14

Deux mois plus tard

Mon regard encore dirigé vers l'entrée, je fixe le ciel tout en  laissant mes pensées vagabonder. Il ne fait pas particulièrement chaud aujourd'hui. Le climat est assez doux et chez nous au Sénégal, dans ce cas là, on dit qu'il fait beau.

Le mois d'Octobre me rappelle plein de trucs. C'était en fait le moment le plus excitant car c'est la période de l'ouverture des classes. Je me rappelle encore qu'à une semaine avant, nous nous rendions au marché Sandaga, mes copines et moi, pour nous acheter de nouveaux vêtements et chaussures qu'on appelle le plus souvent "yéré ouverture". Les vêtements devenaient plus chers en ces périodes de l'année. Par contre, il y avait toujours des nouveautés. J'aimais les habits rares. Je n'aimais pas mettre ce que j'achetais car au premier jour, je voyais forcément quelqu'un qui avait soit le même haut que moi, soit les mêmes chaussures. Et puis deux jours après les ouvertures, on s'achetait des fournitures scolaires. J'aimais particulièrement l'odeur des nouveaux sac à dos et ceux des cahiers. Le mois d'octobre était la période pendant laquelle j'étais trop organisée car je me couchais tôt, je n'étais jamais en retard et mes fournitures scolaires, toujours au complet. C'était aussi la période la plus pourrie car je n'avais pas encore d'amis. Que de souvenirs... Le temps passe vite.

Eh oui, le temps n'attend persone. J'ai recommencé à travailler au lendemain de la cérémonie funéraire du deuxième jour. Vous allez me dire genre: Oui, elle est forte, elle est courageuse ou d'autres diront elle pouvait au moins attendre que la cérémonie du septième jour passe pour reprendre... A quoi bon? Il est parti, qu'est ce que j'y peux moi? Rester cloîtrer dans ma chambre ne va pas le faire revenir. C'est la vie. Il faut savoir se battre et aller de l'avant, ne jamais se focaliser sur les coups bas de la vie. Pourquoi regarder derrière si on est sûr de ne jamais pouvoir rattraper le passé? Mieux vaut se concentrer sur l'avenir.

Jusqu'aujourd'hui, des gens m'appellent pour me présenter leurs condoléances. Un jour, une de mes tantes m'a appelée pour m'informer d'une réunion de famille qui devait avoir lieu un samedi. Je n'y ai même pas pointé le bout de mon nez. Leur considération? Ils me l'ont montré pendant que papa était malade. Personne n'a mis ses pieds à l'hôpital pour lui accorder ne serait-ce qu'une visite en vue de faire preuve d'humanité. Ils espèrent quoi? Lorsqu'on avait besoin de leur aide, ils avaient dit qu'ils n'avaient pas d'argent, qu'il faisait nuit? Jamais je ne me verrai nouer de bonnes relations avec ces gens.

De vieux amis de papa (paix à son âme) passent chaque jour à la maison pour, soi-disant, voir comment nous gérons la situation et n'oublient jamais de laisser quelques billets à maman (Rires). Ils viennent, habillés de leur plus beaux boubous, mettent leurs parfums les plus chers puis s'installent au salon. Et c'est partie pour la même conversation....Toute la famille sait ce qu'ils veulent: prendre la place de papa. Il y a Ahmad à la maison et vraiment, il y met de l'ambiance. On ne sait jamais comment il fait. Parfois il passe toute une heure à nous rappeler les disputes de mes parents. On en rit aux larmes et aux final, tout le monde prie pour papa mais avec une lueur de tristesse bien visible dans le regard de chacun.

Oh Maman, elle est forte. Oui, elle l'est. Elle a reprit le cours de sa vie; disons plutôt qu'elle essaie. Selon les réalités sénégalaises, elle doit passer les quarante jours à prier pour papa. Elle s'habille tout le temps en abaya large et a toujours un foulard sur la tête. Elle a maigri en deux mois mais je la comprends aussi. Elle ne le montre pas mais cela la ronge, elle vie mal la situation...Elle n'a connu que papa. Seulement lui.

C'est bientôt l'ouverture des classes. Ahmad dit qu'il ira au Maroc dans une semaine et il nous manque déjà. Il dit aussi qu'il n'a pas envi d'y aller, qu'il préfère rester au Sénégal mais ses parents ne veulent rien entendre. Je sais que les adieux seront trop trop trop difficiles. C'est notre frère, c'est l'ami de maman, c'est notre animateur....