Jack

17 Les broussailles

Le lendemain ils décidèrent d'une escapade parce que d'autres clients étaient arrivés et il n'était plus possible de continuer la corrida à ciel ouvert. Ils préparèrent de quoi boire et manger et chargèrent la voiture. Comme les femmes sont plus sensibles et observatrices elle vit bien que je tournais autour de la voiture dans l'espoir qu'ils m'emmènent avec eux.
- toi tu as envie de venir avec nous je vois bien!
Elle ouvrit la portière et je sautais dans la voiture.
- Tu veux emmener ce chien? Quelle drôle d'idée...dit Alfonso.
- tu n'as pas l'air très sur de l'endroit où tu nous emmène et je me dis qu'il nous sera utile. Les chiens ne se perdent jamais.
Bien envoyé. Cette femme était un volcan mais son cerveau conservait manifestement une température normale.
Nous avons fait quelques kilomètres le long de la côte en allant vers l'ouest et Alfonso gara la voiture sur un petit parking. Il regarda longuement son guide de voyage et une carte des sentiers. Je compris qu'il était question de rejoindre la mer en passant au fond des gorges de la rivière. Le début de l'aventure fut aisé et plaisant parce que le chemin passait au milieu des oliviers et des près semés de fleurs jaunes. Ce fut une autre histoire quand ils arrivèrent à l'entrée des gorges. Le chemin était peu emprunté, pas entretenu, et encombré de broussailles.
La tenue choisie par Alfonso et Anna ne laissait que peu de doutes sur l'objectif de cette balade: poursuivre la corrida sur de nouveaux territoires. Alfonso avait d'ailleurs rapidement enlevé son t-shirt et il ne lui restait qu'un short d'athlétisme. Anna portait aussi un short. Autant dire que ce n'était pas l'équipement idéal pour affronter les ronces et les buissons épineux. En réalité le terrain les mettait en grande excitation ce qui était déjà visible pour Alfonso dont l'épée était sortie du fourreau. Les buissons qui masquaient le lit de la rivière déjà presque à sec leur semblaient manifestement un terrain de jeu idéal. Je n'avais pas l'intention de me coucher sur les cailloux brûlants pour assister à la corrida en plein air. Pour moi aussi ces gorges étaient un terrain de jeu: de nombreux lapins devaient demeurer dans le coin et j'allais bien m'amuser à les surprendre et les courser. Je fis cela un bon moment, courant dans tous les sens, me désaltérant à l'eau de la rivière, flairant de nouvelles pistes. J'en ai mangé quelques uns bien entendus, petits et tendres. Puis j'ai regardé la course du soleil et je me suis avisé que pas mal de temps avait coulé. Une corrida peut durer longtemps mais j'étais à peu près certain que le taureau avait maintenant perdu sa queue et ses oreilles. Il était temps de me manifester. A défaut Alfonso et Anna penseraient que j'avais failli à mes devoirs de guide et me le feraient payer en repartant sans moi. Je montai sur la colline pierreuse et je les vis justement sortir de la broussaille car ils n'avaient pas trouvé de solution pour poursuivre vers la mer au milieu des ronces. Ils avaient les cuisses et les avant-bras griffées comme la tête du christ que j'ai déjà vu dans les églises, avec sa couronne d'épines. Alfonso avait remis son t-shirt et l'avait largement déchiré. Ils faisaient peine à voir. Je les menai vers la mer mais ce fut une maigre consolation. Ils pensaient trouver une petite plage déserte pour se baigner, laver leurs plaies et sans doute recommencer les passes de l'éternelle corrida. Mais la plage était une plage de galets passablement crasseuse, encombrée de tous les déchets que rejette la mer: des morceaux de plastiques, des bouteilles...
Que pensaient-ils, que les services municipaux allaient les précéder pour nettoyer la plage?
Aussi ils repartirent dans les collines pour s'installer sur une pierre et déballer leur déjeuner.
Je les ai ensuite ramenés jusqu'à la voiture en passant par les collines puis les champs d'oliviers. Je crois qu'ils étaient un peu épuisés en arrivant. La vie ce n'est pas toujours comme dans les films, même les films olé olé!