Chapitre 16

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La porte de la maison s'ouvrit à la volée et claqua contre le mur.

« Maman ! »

Faisant irruption dans la pièce, Célia laissa tomber sa cape sur le sol, et laissa à son frère le soin de fermer la porte pour se précipiter au chevet de sa mère qui, emmaillotée dans une couverture, gisait de travers sur le canapé, inerte.

« Maman ! Maman ! Maman ! cria Célia d'une voix étranglée, oubliant toute discrétion. »

Elle lui secoua l'épaule. Il fallait qu'elle se réveille !

« Réveille-toi, j'ai les médicaments ! »

Soudain le corps de Lucia se redressa brusquement et elle s'éveilla en crachant ses poumons, tandis que sa fille hoquetait de surprise.

Elle s'empressa de la soutenir et de l'aider à faire passer sa toux mais Lucia continuait de tousser grassement, secouée par de violents spasmes, lorsque soudain, Célia aperçut les tâches sombres qui mouchetaient la main de sa mère : du sang, Lucia crachait du sang !

Horrifiée, elle hurla à son frère :

« De l'eau, vite ! »

Elle sortit les boîtes de médicaments de ses poches avec des mains si tremblantes, nerveuses et fébriles dans leur précipitation, qu'elles tombèrent par terre.

Célia se pencha pour les ramasser, tandis que Lucia se remettait à tousser et cracher de plus belle, arrosant la couette d'un liquide écarlate.

« Maman, dis-moi comment t'aider ! Les médicaments, ils sont là, je les ai ! »

La fillette ouvrit les boîtes et regarda les cachets, perplexe. Qu'est-ce qu'elle était censée en faire ?!

Une main frêle agrippa son poignet.

« Cé-célia..., articula la voix rauque de sa mère. »

Ses yeux étaient injectés de sang, sa bouche barbouillée de rouge. La fillette sentit les larmes lui monter aux yeux.

« Célia, le v-verre d'eau... ! fit la voix terrifiée de son petit frère en lui tendant l'objet. »

Célia l'attrapa et porta le verre aux lèvres de sa mère qui tenta de le repousser pour parler, mais elle la força à boire. C'est alors qu'après une déglutition fort douloureuse, Lucia se remit à tousser.

« Un autre vite ! Rapporte une serviette pour lui essuyer la bouche ! »

Elle lança le verre vide entre les mains de son frère et intima à sa mère de tenir bon.

Elle venait d'apercevoir un petit bout de papier glissé entre les cachets et la paroi de la boîte. Elle le prit et  déchira la boîte en deux dans sa panique. Jurant et pleurant à moitié, elle se mit à lire le plus vite possible.

Les mots s'embrouillaient, ils étaient compliqués, elle n'y comprenait presque rien, Liam s'évertuait à trouver une serviette de table, renversant le contenu des niches creusées dans la pierre, et sa mère s'époumonait à une poignée de centimètres d'elle. Avec un geste rageur elle envoya valser la notice et attrapa les cachets. Peut-être fallait-il les manger ? Au point où elle en était...

Elle en prit sauf qu'il lui échappa. Elle en sortit un autre de son petit étui lorsque sa mère se plia en deux, s'agrippant à son bras.

« Cé... ! Lia ! Arrête ça ! cracha Lucia d'une voix à peine reconnaissable. »

Célia se figea et laissa tomber les médicaments.

Sa mère fit un effort surhumain pour se redresser posément. Ses traits étaient tirés, épuisés, et elle manqua de s'effondrer à nouveau sur le canapé et de sombrer dans l'inconscience.

« Dis-moi comment t'aider ! la supplia Célia en l'aidant à s'allonger de nouveau. »

Ses cheveux dorés mouchetés de sang tombaient en cascade sur ses épaules, ses yeux rouges et épuisés se battaient pour ne pas devenir vitreux.

« Ecoute... moi, chuhcota-elle d'une voix éraillée. »

Visiblement, même murmurer lui causait une douleur terrible.

« Il est... trop t..., commença Lucia.

- Non ! Je vais...

- Tais-toi ! fit-elle en se brisant la voix. Et écoute-moi. »

Célia voulu protester mais le désespoir qu'elle vit dans les yeux de sa mère l'en dissuada.

« Je vous aime... Je vous... aime tous... les deux. Mais je t'en prie... »

Elle baissa son murmure d'intensité et prit une grande inspiration pour avoir la force d'exprimer sa pensée sans être entendue de Liam.

« Ne lui parle pas... de Matthew. Je sais... que papa... vous aime, mais... il y a trop de... de choses nébuleuses autour... d-de lui. Je ne veux... pas... que tu... en parles, tu... comprends ? »

Célia hocha la tête mortifiée, incapable de prononcer un mot. Derrière elle Liam s'était rapproché et regardait la scène, tétanisé, une serviette dans les mains.

« Toi... aussi... a... approche, fit Lucia. »

Lorsqu'ils furent tous les deux à son chevet, Lucia murmura dans son dernier souffle, et ses paroles résonnèrent longtemps dans la grotte, porteurs d'une terrible sentence :

« Prenez bien... soin l'un de... l... l'autre tous... les deux, ... d'acc...d'accord ? Je... vous... aime, pour... toujours. »

Il sembla à Célia que tout ce qui existait autour d'elle explosa. Il n'y avait plus qu'elle. Son frère. Et le corps inerte de sa mère.

Le reste n'était devenu que ténèbres qui s'ouvrirent en un précipice sans fin.

HawkOù les histoires vivent. Découvrez maintenant