FIGHT FOR US 3

1. LUCIE

J'ouvre lentement les yeux, mes membres sont lourds et ma poitrine ne bouge pas. J'essaie de respirer mais, je n'y arrive pas. J'ai toujours mal, mais un peu moins que cette nuit. Alors que les souvenirs de cette nuit angoissante me reviennent en mémoire, je tourne lentement la tête pour voir que Smith n'est pas là, à côté de moi, cette fois ci. Peut-être que j'ai rêvé sa présence. Peut-être que je ne me suis jamais vraiment réveillée. Peut-être que je rêve encore.

Mon regard observe les murs blancs qui se peignent devant moi. Je n'aime pas du tout ce que je vois. Je n'aime pas me retrouver dans une chambre d'hôpital, toute seule, sans pouvoir respirer librement. Je déteste ce cauchemar. Pourtant tout m'a l'air réel, même la perfusion plantée dans mon bras et la blouse blanche qui me sert d'habit et de protection. Soudain, j'ai l'impression de voir ma mère sur son lit à Phoenix, toute blanche et maigre.

Mon corps se met à trembler tandis que je suffoque. Je me relève d'un seul coup, dégageant quelques unes des électrodes qui sont disposées sur ma poitrine. Je veux sortir d'ici. Je veux partir. Loin. Alors que je fais glisser mes pieds hors des draps qui me donnent le tournis, la porte s'ouvre brutalement sur Smith. Je me fige. Lorsque mes yeux rencontrent les siens, j'arrive à voir les cernes qui soulignent son regard qui d'habitude est légèrement plus foncé. De toute évidence, il a passé une très mauvaise nuit, tout comme moi.

— Lucie, mais qu'est-ce que tu essaies de faire ?

Sa voix est dure mais j'y ressens de la fatigue au fond. Sans lui répondre, je m'assois au bord de mon lit, en laissant mes jambes se balancer dans le vide. Aussitôt je baisse la tête, pour fermer les yeux. Ma cage thoracique se débloque dans l'instant, et mes poumons reprennent leur activité. Je souffle un bon coup, avant de voir du coin de l'œil que Smith s'approche de moi. Il vient s'asseoir à mes côtés à une distance raisonnable. Je l'en remercie silencieusement. Si mes souvenirs sont bons et si je n'ai pas rêvé, la sensation de son touché m'a dégoûté en premier lieu. Et même si je me dégoûte moi-même de lui faire endurer cela, laisser quelqu'un me toucher maintenant, m'est impossible.

Je relève les yeux vers lui, les siens sont tristes mais la joie y est bien présente aussi, enfouie quelque part. De plus près, son visage présage son inquiétude et sa fureur, mais le sourire timide qu'il esquisse subitement fait disparaître ces émotions. C'est à son tour de baisser la tête et de souffler un bon coup.

— Tu te rappelles de ce qui s'est passé ? me demande t-il, difficilement.

Je revois des bribes de mon affrontement avec Alban et de la torture qu'il m'a fait subir. Par automatisme, je serre les poings à ce souvenirs. Smith semble s'en apercevoir, puisqu'il pose doucement sa main sur la mienne. Au premier abord, sa chaleur me pique, mais après avoir serré les dents assez fort pour que la douleur s'en échappe, j'accepte son geste et laisse voguer ses doigts sur ma peau.

— Je suis désolé, je ne voulais pas, tu sais.

Il a l'air gêné et profondément touché parce qui m'est arrivé. Normalement, il devrait m'en vouloir de l'avoir laissé tomber pour une quête qui m'était impossible. Il devrait ne plus vouloir me voir, mais non, il est ici avec moi. Dans son touché, j'arrive à sentir son dévouement pour moi. Je sais qu'il croit que je ne l'ai pas vu et que je ne m'en rappelle peut-être plus, mais il a versé de vraies larmes en soutenant mon corps, ce soir là. Jamais personne n'avait pleuré pour moi de cette manière, jamais personne n'avait cherché à me sauver jusqu'à maintenant, et jamais personne ne m'avait fait de promesses aussi grandes, à part lui. Samuel Smith.

Je ne sais pas comment je fais pour le repousser et pour être aussi aveugle, mais mon corps a mis en place un système d'auto-défense. Et à ce moment précis, Smith a dépassé les limites exigées. Alors pour éviter de lui faire du mal, je retire doucement ma main. Heureusement, il comprend lui aussi que le moment est mal venu et qu'il doit s'éloigner. C'est ce qu'il fait en se levant et en partant vers la porte.