13. LUCIE

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Assise sur mon lit, j'enfouis mon nez dans la chaleur que renferme son cou, son corps tout entier, et je le respire entièrement. Smith fait de même, en déposant un léger baiser sur mes cheveux blonds en désordre. Il me serre un peu plus dans ses bras, tout en me berçant. Ses mouvements de bascule sont lents, et je me sens enfin apaisée. Les souvenirs affreux du sang dans le mouchoir de ma mère et l'inquiétude peint sur les visages des infirmières, s'évanouissent. Je respire, sans m'arrêter. J'inspire mon échappatoire et j'expire ma tristesse. Si Smith n'était pas là, s'il n'était pas un soutien de taille malgré nos disputes récentes depuis quelques jours, je pourrai facilement sombrer dans une dépression, comme ma mère lors de la mort de mon petit frère.

— Merci, je glisse.

Smith relève la tête, pour déposer un léger baiser sur mon nez, puis sur mes deux joues, mon front et mon menton. Alors qu'il va enfin poser ses lèvres sucrées et douces sur les miennes pour rayer toute trace de cette souffrance amère, on frappe à ma porte. Smith s'écarte doucement de moi, avant que mon père n'entre. Il nous sourit à tout les deux, comme un idiot.

— Le dîner est prêt, il nous indique.

Smith se lève aussitôt tout en me jetant un petit coup d'œil en biais avant de hocher la tête vers mon père. Je sens d'ailleurs celui-ci souffler de soulagement.

— Smith, tu veux bien nous laisser quelques minutes. Le match n'est pas encore fini à la télévision, et je crois que ça pourrait t'intéresser de savoir le score, non ?

— Bien sûr, répond poliment Smith.

Il me fait un clin d'œil, puis il disparaît. J'entends ses pas dans l'escalier, tandis que mon père vient s'asseoir à mes côtés et me prendre la main dans la sienne. Il ne me regarde pas, mais je sais très bien qu'il la ressent au plus profond. Elle le dévore, tout comme moi. La vague de souffrance, de colère. Elle nous envahit comme une brute en veillant à laisser des sillages aussi gros que des gouffres.

— Qu'est-ce qui s'est passé ? Christine va bien ?

Sa voix bercée d'inquiétude me fait l'effet d'un poignard reçut en plein coeur. Je ferme les yeux pendant quelques secondes avant de lui faire face. Mon père arrive à voir dans mes yeux que les nouvelles sont pas bonnes et que mon attitude est justifiée.

— Raconte-moi, Lucie, je suis assez fort pour l'entendre.

Il n'est pas fort, c'est faux. Il ne sera jamais fort face à ça, tout comme moi. Personne ne l'est.

— J'étais avec elle dans sa chambre, on riait, on riait ensemble papa, je souris à ce souvenir. Puis, tout à coup, son visage est devenu blême et elle s'est mise à cracher du sang. Elle en avait plein sur les mains et moi aussi, quand j'ai voulu essuyer sa bouche. Plein de sang et de toux. J'ai paniqué, j'ai cliqué sur l'appel des aides soignants, et les infirmières ont déboulé, en panique, si rapidement. Elle m'ont prié de partir, mais je voulais rester. On a dû me faire rapatrier dehors. Je criais, du sang sur les mains. Je me suis dépêchée à les laver dans des toilettes que j'ai trouvé en entrant dans les urgences.

Les images défilent devant moi comme dans un mauvais film. Mon père, à côté de moi, s'empêche de pleurer. Il baisse la tête vers ses mains qui commencent à trembler. Soudain, je le prends dans mes bras pour le serrer tout contre mon corps. Je le serre le plus fort, je l'enveloppe, je l'immunise contre ces tristesses. Je sens ses épaules se secouer et j'entends enfin les larmes silencieuses qui voulaient sortir. C'est comme une avalanche.

— Tu peux me le dire maintenant, papa.

Il pleure encore plus en hochant la tête.

— Tout ne sera plus jamais comme avant, et maman ne sera plus jamais ma mère.

FIGHT FOR US 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant