Segment 1; Chapitre 9

213 18 31
                                    

Mon visage se déforma devant la scène qui se déroula face à mes yeux. Je ravala difficilement ma salive et serrais plus fort le bras d'Ethan contre moi, ma respiration s'accélérant. Un frisson de terreur parcourue mon corps. Ethan me regarda ses yeux exprimant une réelle peine.

Là, devant moi, se trouvait une grande pièce, celle-ci étant
blanche avec six fours dans le mur de gauche. On pouvait faire rentrer un homme adulte de grande taille, à l'horizontale. Sur la droite, plusieurs hommes portaient des boîtes sur leurs épaules. Celles-ci étaient grandes, et deux personnes devaient s'entraider pour réussir à la porter. Ils devaient porter le contenant sur plusieurs mètres, de ce que je pensais être l'infirmerie jusqu'à ce qui s'appelle le crématoire.

Je ne savais pas ce que contenaient les boîtes et il ne me tardait pas de l'apprendre. C'était une caisse en bois, oblongue sur laquelle était ajusté un couvercle avec de chaque côté des brancards pour le porter. Je vois que les hommes ouvrent la boîte, je me penche un peu suspicieuse, mais Ethan m'attrape le bras et me tourne vers la sortie. J'ai seulement le temps de voir une main humaine, à la couleur cireuse, s'échapper de la boîte que je suis dos à la scène.

Ethan me fixe avec dépit, il semble souffrir de me faire vivre tout cela. Il murmure doucement : << Écoute Pauline... Je ne veux pas que tu vois cela... Mais j'en suis obligé...>>
Il pince sa lèvre inférieure entre ses dents ce que j'associe mentalement à un tic nerveux. Il ajoute faiblement : << J'ai était déporté comme toi, mais moi je suis un homme alors je dois travailler ici... Il a une voix grave qui m'inquiète.

-Ethan... Dit moi ce qu'il se passe... Ma voix est basse quand je parle,

-Mon travail est le pire... Je... Dans le jargon, on m'appelle un croque-mort... Je.. Je m'occupe de dévêtir les gens qui vont à l'infirmerie, je les rassure et... Je les tue...>>

Sa voix est entrecoupée de petits sanglots des larmes essayent de s'échapper de ses yeux.

Moi, ma langue est pâteuse, je le fixe avec dédain. Il tue des gens .. Comment peut-il faire ça ?! Je me crispe et recule doucement ma main de son bras. J'ai envie de fuir de courir loin.

Ethan sent ma gène et attrape ma main, il me dit alors : << Je n'aie pas le choix Pauline, si je ne le fais pas ils me tueront moi... J'ai ma mère qui m'attend... Si elle n'est pas déjà morte...>> Une onde de tristesse passe dans son regard et les larmes se détachent de ses cils pour s'écouler sur ses joues.

Je le serre contre moi et je me sens bête, Ethan ne ferait pas ça s'il avait le choix. Je ne le connais que depuis peu, mais j'ai l'impression d'avoir une présence fraternelle avec lui.
Il soupire lourdement et ajoute d'une petite voix : << Reinhard n'a pas précisé que tu devais faire quelques choses, donc reste là, il y a un tabouret en bois dans un coin... Moi, je dois travailler, car si un SS passe et voit que je ne fais rien, je suis bon pour une remontrance... Voir pire...>>

Je hoche la tête et vais dans le coin de la pièce et trouve le petit tabouret en bois, il est sale, mais je m'assois dessus sans vraiment faire attention à ma robe, elle est pleine de tâches et de petits trous. Je vois Ethan partir vers la petite infirmerie avec un autre homme, il croise mon regard et me fit un petit signe de la main auquel je réponds.

Lorsque je quitte la silhouette d'Ethan, je reporte mon regard sur les deux hommes qui s'activent avec la boîte. Un frisson de terreur passe dans mon dos quand je les vois transporter un corps en dehors de la boîte, et il devait y en avoir deux autres qui restaient dans la caisse.
Les corps étaient maigres, il ne leurs restaient plus que la peau sur les os, les cheveux avait était coupé, et je vis que certaines dents leurs manquaient. L'air avait du mal à passer dans ma gorge tellement elle était serrée.

Une fois qu'ils portaient le corps à deux, il le jetaient dans l'une des cheminées des pieds à la tête. Une odeur de chair qui calcine se faisait alors immédiatement sentir. Je me bouchais le nez et essayais de retenir mes larmes.

Ethan revient une demi-heure plus tard à peu près. Il portait lui aussi une boîte avec l'aide de son collège. Ils posèrent la grosse malle sur le sol.

Ethan l'ouvrit simplement et regarda les corps avec une peine égale pour chacun des corps. Moi mon cœur venait d'exploser dans ma poitrine. Comme s'il avait était brûlé dans un de ces fours.

Le cadavre avait une stature féminine, un ventre arrondi par le poids d'un enfant, et elle était comme tous les autres corps, nue. Elle avait, nouée au gros orteil une étiquette sur laquelle était inscrit un numéro et sur la peau un tampon d'encre violette identique à celui qui marque les quartiers de bêtes abattues.

Des larmes roulaient sur mes joues, je fixais le corps mort de ma mère.



Pour ce chapitre, je me suis inspirée d'un témoignage de Roger MONTY, déporté français, engagé dans le mouvement Défense de la France, arrêté sur dénonciation, emprisonné à Fresnes puis à Romainville. Il est déporté au camp de Natzweiler-Struthof avec le statut NN en janvier 1944.

Les rubans.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant