Chapitre 12 - La Source

29 4 0
                                    

Je décide de me reprendre en main. Mes pieds heurtent précipitamment les marches de l'escalier alors que je dévale à toute vitesse la résidence. Chaque étape me rapproche un peu plus de ma sœur, de Grace. Mon cœur se serre à la pensée de ce qu'il pourrait lui être arrivé, et je sens mes jambes trembler sous le poids de l'angoisse. Quand j'arrive enfin au bas de l'escalier, je la trouve, étendue sur un amas de cadavres, son corps meurtri, sans vie, mais son regard fixé sur moi.

Elle agonise, un souffle faible qui peine à sortir de sa poitrine, ses yeux brillants de larmes. Elle me voit, et un faible sourire se dessine sur ses lèvres. Je me précipite à ses côtés, mes mains tremblantes cherchant à la soutenir. Une douleur sourde m'envahit, mais c'est en la voyant pleurer que tout prend un sens. Une vérité ancienne et viscérale que je n'avais jamais comprise pleinement jusqu'à ce moment précis : les liens des jumelles. Nous sommes un seul être, une même âme partagée, une connexion si profonde qu'elle va au-delà des mots.

Je sens mes larmes se mêler aux siennes, tombant comme des gouttes de pluie sur son visage, comme un ultime espoir. Elle tend faiblement sa main vers moi, m'appelant à me pencher, à m'approcher d'elle. Mon cœur s'emballe, la peur me ronge, mais je me baisse pour l'écouter, pour capter ce qu'elle a à me dire. Je ne veux pas la perdre. Je refuse cette idée.

Dans un dernier souffle, elle me murmure les mots que je n'aurais jamais cru entendre : "Tu dois trouver la source... celle qui anime ce monde. Et pratiquer le rituel... de résurrection."

Un rituel de résurrection.

Le doute m'envahit. C'est absurde. Comment cela pourrait-il être possible ? Pourtant, dans ce monde étrange où les lois de la réalité semblent se tordre à chaque instant, peut-être que la magie existe... Je me fais violence pour repousser ce scepticisme. Je veux y croire, parce que je n'ai pas le choix. Parce que si cela ne marche pas, je perdrai Grace à tout jamais.

C'est alors que je sens un pincement au cœur, une douleur aiguë, comme si mes propres veines se serraient. Ma respiration devient erratique. Ce n'est pas normal. C'est comme si quelque chose me dévorait de l'intérieur. Je regarde Grace, son corps inerte, ses yeux tournés vers moi, et le vide qui les envahit me glace. Mon cœur se resserre, une douleur plus profonde que tout ce que j'ai jamais ressenti. Il se durcit, comme s'il se préparait à se battre.

"Tes yeux..." me dit Prosper, la voix grave. "Ils sont devenus gris."

La rage. La vengeance. Ces sentiments ont pris possession de moi, dévorant toute la douceur, tout l'amour que j'avais pour Grace. Je ne veux plus être faible. Je dois la sauver, quoi qu'il en coûte.

Je prends son corps, froid, fragile, et je l'enveloppe de mes bras. Je veux la garder près de moi, aussi longtemps que possible, avant que le rituel ne commence... si ce rituel existe vraiment.

Je remonte les escaliers en hâte, mes pas résonnant dans les couloirs désertés de la résidence. Je me dirige avec Prosper vers la bibliothèque royale, un lieu immense, saturé de savoir, où chaque rayon déborde de livres. Le sol de marbre sous nos pieds brille d'une lueur argentée, et les murs sont ornés de gravures complexes et de dorures étincelantes. Ce lieu regorge de tout ce que le pays connaît : religion, politique, histoire, médecine... Une véritable mine d'or pour ceux qui cherchent à comprendre les mystères du monde.

Je me dirige vers les étagères qui regorgent de volumes sur la géographie et la mythologie, espérant y trouver des indices. Tout ce savoir accumulé doit bien contenir une réponse, quelque part.

Quelques heures passent, et alors que je commence à douter, une découverte me frappe comme un éclair : un vieux livre de mythologie, dont les pages jaunies semblent nous murmurer des secrets anciens. Il parle d'une source enchanteresse, cachée au cœur d'une forêt ensorcelée, protégée par une magie ancienne et réservée à ceux qui possèdent un cœur pur.

Je scrute les atlas à la recherche de cette forêt. Il n'y a rien... à l'exception d'une forêt mystérieuse, appelée la forêt de Mélusine. Une fée de notre monde, à Prosper et moi. Le nom me frappe. Il est comme une clé qui s'enfonce dans une serrure.

Je pointe la forêt du doigt, et Prosper me regarde avec un sourire en coin. Nous avons trouvé ce que beaucoup considéraient comme un mythe, une légende qui semble avoir traversé les frontières des mondes. La forêt de Mélusine... nous y voilà.

"Nous avons la localisation de la source, mais le rituel reste introuvable," dis-je, mes yeux brûlant de détermination. "Cherchons encore."

Nous continuons à fouiller les étagères, explorant des livres sur la magie, l'enchantement. C'est dans une section interdite de la bibliothèque que nous tombons enfin sur un ouvrage rarissime. Un livre de magie ancestrale, relié de feuilles dorées et d'une couverture en argent. Mes doigts frémissent en l'ouvrant, et alors que je feuillette les pages, je découvre ce que je cherchais : un rituel de réanimation. Celui-là même dont Grace m'a parlé.

Je prends une photo du rituel avec mon smartphone. C'est étrange, mais il semble que la technologie d'ici et d'ailleurs puisse se mélanger d'une manière que je n'aurais jamais imaginée.

Avec Prosper à mes côtés et le corps de ma sœur entre mes bras, nous traversons les rues de cette ville étrange. Je me rends compte que je ne connais même pas son nom. "Arvenia", lit Prosper sur un panneau. La capitale du pays des Mensonges. La famille royale Liddell y réside.

Je songe à voix haute : "Pourquoi je ne suis pas dans ce monde parallèle ? Ce n'est pas juste..."

Je regarde autour de moi. Cette ville, ces lieux... tout me semble si étranger, et en même temps, tout est familier. Ces champs, ces plantations de végétaux inconnus, ces arbres portant des fruits ressemblant à des tomates. Des tomates ?! Je cueille l'un d'eux et le sens. La même odeur que dans notre monde. Une sensation de décalage m'envahit.

"Des arbres à tomates, vraiment ?" je lance à Prosper, un sourire amer aux lèvres. "Et pourquoi pas des arbres à concombres tant qu'on y est ?"

Il rigole, une lueur d'amusement dans ses yeux. "Je n'en ai aucune idée, mais pourquoi pas ?"

Nous avançons, l'Atlas en main, vérifiant notre route à intervalles réguliers. Le temps file, mais je sais que nous y sommes presque. La source est proche. Et avec elle, peut-être un miracle, une chance de ramener ma sœur à la vie.

Je sens qu'on approche du but. La tension dans l'air est palpable. Le vent me semble plus frais, comme une promesse d'espoir. Le rituel. La source. La résurrection. C'est notre seule chance.

Alice et le Pays des Mensonges.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant