J'ouvris les yeux, la tête encore lourde de ma chute. L'air me semblait étrange, plus dense. En me redressant, une sensation familière m'envahit : c'était ma chambre, mais... pas exactement.
Les murs, autrefois d'un bleu pastel apaisant, étaient maintenant recouverts d'un tissu pourpre, orné de motifs luxueux comme dans un palais. Des peluches, soigneusement alignées sur une étagère que je ne reconnaissais pas, paraissaient me fixer de leurs yeux de verre. Je m'approchai d'un bureau en bois massif que je n'avais jamais vu auparavant. Chaque objet, chaque détail, clamait une étrangeté familière : cette pièce m'appartenait et, pourtant, elle ne m'appartenait pas.
Mon cœur battait à tout rompre alors que je poussai la porte. L'extérieur confirma mes soupçons : c'était bien ma maison... avant l'incendie. Les murs intacts, les escaliers en colimaçon, les photos de famille accrochées dans le couloir. Mais sur ces photos, un vide me glaça le sang : je n'y figurais pas.
Mon souffle devint court. Je revins précipitamment dans la chambre pourpre, cherchant une explication, un indice. Et c'est là que je la vis : une photo posée sur le bureau. Pas vraiment une photo, plutôt un portrait. La fille représentée... c'était moi. Du moins, elle me ressemblait comme deux gouttes d'eau, à un détail près : elle portait un pendentif en forme de serrure. Instinctivement, je portai la main à mon cou. J'y trouvai ma clé, un bijou que je n'avais jamais quitté depuis mes douze ans.
Mes pensées s'entrechoquaient.
(Grace ? Impossible... Elle est morte-née. Mais si elle est vivante ici, pourquoi est-ce que je n'existe pas dans ce monde ?)Je n'eus pas le temps d'aller plus loin dans mes réflexions. Un bruit derrière moi. Quelqu'un venait. Je fis un bond, juste avant de me faire bousculer par un homme en livrée noire, avec des gants blancs immaculés. Ses traits sévères, presque sculptés dans le marbre, me firent penser à un majordome. Il se figea en me voyant, avant de s'incliner légèrement.
— Mes salutations, Grace. Comment vous portez-vous aujourd'hui ?
Je restai muette, tétanisée. Pourquoi m'appelait-il Grace ? Je finis par balbutier :
— Désolée, monsieur, mais... vous faites erreur. Je ne suis pas Grace. Je m'appelle Alice.
Il fronça les sourcils, avant de se redresser avec une gravité inhabituelle.
— Votre Majesté Grace, vous devez être souffrante. Dois-je prévenir l'infirmerie ?Majesté ? Mon esprit vacillait. Affolée, je bredouillai une excuse.
— Non, non, ce n'est rien. Peut-être... un mauvais repas. Rien de grave.Il sembla soulagé et s'inclina à nouveau avant de quitter la pièce. Je restai seule, tremblante. Une vérité accablante s'imposait à moi : dans ce monde, je n'étais pas Alice. J'étais Grace.
Les jours suivants furent un tourbillon. Plus j'explorais ce monde, plus la confusion grandissait. Les habitants me saluaient comme une souveraine, me traitaient avec une révérence qui me mettait mal à l'aise. Mais ce n'était pas mon monde. Ce n'étaient pas mes souvenirs.
Je décidai d'agir. Si je n'étais pas Alice ici, je devais comprendre pourquoi. Une nuit, je me faufilai hors du palais – car oui, ma maison était ici un palais – et me rendis à la mairie, là où étaient conservées les archives sur les habitants. Grâce à mes talents d'arts martiaux – et à une chance insolente – je parvins à pénétrer dans la salle des registres.
Je cherchai mon nom, celui de mes parents. Rien. Juste une mention de « Grace ». Mon cœur se serra. Pourquoi n'existais-je pas ici alors que ma sœur, supposément morte-née, vivait ? Et mes parents ? S'étaient-ils souvenus de moi dans ce monde ?
Une voix derrière moi interrompit mes pensées.
— Que faites-vous ici ?
Je me retournai d'un bond, mais c'était trop tard. Une femme, sans doute une employée, me dévisageait.Je dus fuir. De retour au palais, je trouvai mes parents. Ils étaient assis dans le salon, jouant aux échecs, comme autrefois. Mon cœur manqua un battement. Ils étaient vivants. Ils étaient là.
— Papa... Maman... ! dis-je d'une voix tremblante.
Ils levèrent les yeux, surpris, puis sourirent avant de m'enlacer.
— Ma chère Grace, qu'as-tu ? Pourquoi es-tu si bouleversée ?Je voulus leur répondre, mais ma gorge se noua. Avant que je puisse dire quoi que ce soit, une autre voix s'éleva derrière moi.
— Qui es-tu ?
Je me retournai, elle était là. Grace, mon double. Elle me regardait avec une intensité froide.
— Tu n'es pas moi, dit-elle. Et pourtant, tu es là. Pourquoi ?
Avant que je ne puisse répondre, elle se tourna vers nos parents, le visage durci.
— Vous vous souvenez ? Vous aviez promis. Elle ne devait pas revenir ici.Le sol sembla se dérober sous mes pieds. Je balbutiai :
— Je ne suis pas d'ici. Je viens d'un autre monde. Dans mon monde, vous... vous êtes morts.Grace fronça les sourcils, puis son expression s'adoucit étrangement. Elle posa une main sur mon épaule.
— C'est vrai. Tu viens d'un autre monde. J'y ai vu ton existence. Ton monde est réel. Moi, je suis restée ici, dans ce royaume que j'ai façonné. Mais tout cela... tout cela est lié à nous deux.Elle désigna son pendentif en forme de serrure.
— Ce bijou appartenait à Papa. Et toi, tu as la clé. C'est notre lien, le pont entre nos deux mondes. C'est moi qui, parfois, murmure à ton esprit, quand tu es triste ou perdue.Je l'écoutai, bouleversée. Nos parents, eux, semblaient comprendre ce que je peinais à accepter. Ils examinèrent nos pendentifs avant de nous enlacer toutes les deux.
— Vous êtes nos filles, dit mon père. Peu importe le monde.
Grace me tendit alors son pendentif.
— Prends-le. Avec, tu pourras revenir ici si tu as besoin d'aide... ou juste de me parler.Les larmes aux yeux, je l'acceptai. Une porte s'ouvrit alors, comme par magie, dans le bureau. En la franchissant, je fus propulsée dans un nouvel endroit. Était-ce le futur, ou un autre monde encore ?
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Alice et le Pays des Mensonges.
FantasyInspiré du jeu vidéo " Alice Retour au Pays de la Folie" À 21 ans, Alice Liddell reçoit un cadeau inattendu : un vieux coffret scellé, datant de son enfance. Ce coffret appartenait à son père, et il devait lui être remis à sa majorité, mais un drame...