2 : Message par la flèche

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Jól, la grande fête du solstice d'hiver, aurait lieu dans quelques semaines. Les préparatifs commençaient déjà. La bête qui serait sacrifiée lors du blót avait été choisie et engraissée.

La neige soufflait par bourrasques glacées, engourdissant les doigts d'Eldrid qui tenaient fermement des seaux d'eau. Le courant de la rivière qu'elle longeait charriait par instant des fragments de glaces.

La thraell s'approcha de l'enclos qui entourait les animaux du clan. Son arrivée fut accueillie par un concert de bêlements qui la fit sourire. S'occuper des moutons et brebis était une tâche légère, qui l'apaisait étonnamment. Eldrid avait vite compris que la compagnie des hommes lui apportait bien des inconvénients. Même au sein des autres esclaves, elle était mise à l'écart depuis quelques temps. Les gens s'éloignaient d'elle, sans qu'elle ne sache si cela était dû au regard sombre qu'elle posait sur eux, ou au fait qu'elle était anglaise. La jeune femme n'avait aucun souvenir tangible de son pays natal, elle n'était capable de se rémora que de quelques bribes seulement de son ancienne vie. Ce qui n'empêchait pas les autres membres du clan de la fixer comme si elle était elle-même responsable du fléau qui les accablait. L'attitude du Konungr à son endroit lorsqu'il était revenu de raid jouait sans doute beaucoup.

Elle avait à peine commencé à approvisionner les auges des bêtes en foin et en eau lorsque des exclamations se firent entendre. Elle courut à l'extérieur, s'enfonçant dans l'épaisse couche de neige. Lorsqu'elle atteignit la skáli, un vacarme assourdissant régnait dans la pièce.

Elle s'approcha de Sigrún, qui avait arrêté de cuire le pain au-dessus du feu pour se concentrer sur l'agitation ambiante.

— Que se passe-t-il ?

— Un message par la flèche, du clan de Hakon Ketilson, lui apprit-elle.

— Que dit-il ?

Sigrún pinça les lèvres, retournant les petits pains sur la plaque de fer qui chauffait dans l'âtre, sans lui répondre.

— Sigrún, que dit-il ?

Un pas lourd retentit derrière elles.

— Ils arrivent, maugréa une voix maussade. Les anglais.

Eldrid sentit son cœur chavirer. Elle dû se dévisser le cou pour observer Erling Bjarnason.

— Ils nous massacreront jusqu'au dernier pour prendre nos terres, laissa-t-il tomber.

Elle crut qu'il allait faire une remarque sur ses origines, mais contre toute attente, le chef du clan se détourna d'elle pour s'adresser à ses hommes d'une voix forte, qui apaisa aussitôt le chaos.

— Nous sommes ici chez nous. Ces terres, nous les avons conquis en y versant notre sang. Il ne sera pas dit que les fils du Nord faiblirent face aux envahisseurs du Sud !

Des acclamations s'élevèrent dans la salle, mais le Konungr les fit taire d'un geste de la main. Dissimulée dans son dos, Eldrid admira la prestance de l'homme. À peine plus âgé qu'elle de quelques années, on eut dit qu'il avait mené son clan depuis cent ans déjà tant il le faisait avec allure.

— Vous êtes des hommes libres. L'ennemi est à nos portes, et il ne laissera aucun survivant sur son passage. Que ceux qui veulent partir, partent : sachez que je ne vous retiendrai pas.

Il leva le poing, étouffant les murmures qui se propageaient.

— Pour les autres, je ne puis vous promettre que nous vaincrons. Mais soyez assurés que nous nous défendrons avec dignité. Et si nous venions à périr, ce sera avec la certitude que nous nous tiendrons ensemble sous l'étendard d'Odin, en Ásgard, lorsque sonnera l'ultime combat !

Thraell : jusqu'à ce que le monde s'effondre [SOUS CONTRAT D'ÉDITION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant