Sans issue de secours

Chapitre 1: Cette ville mord, ma chérie.

Ps: Pancok est une ville imaginaire.

Courelle avait beaucoup voyagé. C'était ce qui faisait d'elle une personne ouverte d'esprit. A dix ans, elle avait gagné un concours interscolaire qui l'avait amené au Maroc pour jouer une finale de dictée. Ça avait été son premier voyage. Rencontrer de nouvelles personnes, se faire des amis, embrasser différentes formes de croyances et d'attitude, voilà ce qui l'avait fasciné au tout début.

A son retour du Maroc, son carnet était rempli de contacts et de petits mots des amis qu'elle s'était faite. A cette époque, elle s'était promis qu'en grandissant, elle allait devenir une exploratrice comme son père.

Ce dernier avait été un membre de l'armée sénégalaise pendant cinq ans. Il avait donc eu à visiter plusieurs pays à travers le monde. Quand il revenait de ses voyages, il était souvent triste. Courelle croyait que c'était parce qu'il regrettait d'avoir quitté ses amis. En grandissant, elle avait fini par comprendre que la guerre n'était pas une partie de plaisir et que son père ne voyageait pas pour l'unique plaisir de découvrir le monde.

Il était mort quand elle avait 15 ans. Cancer.

Son rêve demeura le même, malgré tout. Travailler dur à l'école n'était pas un moyen pour elle de construire son avenir et de décrocher un bon boulot dans le futur. Elle le faisait pour les concours. En troisième, sa première place au « spell me » lui avait valu un séjour d'une semaine à New York, frais payés.

Bien sûr, elle ne se contentait pas d'aller à l'étranger. Les voyages dans différentes contrées de son propre pays étaient tout aussi enrichissants. Elle n'aimait pas lire mais Courelle dévorait chaque nouveau numéro de national geographic parce qu'elle n'en avait jamais assez d'apprendre de nouvelles choses sur le monde.

Pourtant, malgré toutes ses connaissances assimilées, elle n'avait jamais entendu parler d'une ville comme Pancok.

Elle avait été créée en 1940. C'était un endroit riche en acier et en cuivre, entre autres métaux précieux. Pendant un long temps, Pancok avait fait partie des villes les plus rentables au Sénégal. Puis, soudain, elle avait disparu.

Pas littéralement.

Pancok avait juste disparu dans l'esprit des sénégalais. Petit-à-petit, on n'en parlait plus à la télé, les échanges commerciaux se faisaient de manières discrètes et peu de gens avaient envie de s'y rendre. On racontait qu'un gang avait pris contrôle de la ville et qu'il était tellement puissant que la police et le gouvernement avaient du mal à le disloquer. On racontait que c'était le plus grand réseau criminel que le pays ait jamais connu.

« Foutaises ! S'écria Courelle. »

Jerry qui était en train de conduire faillit perdre le contrôle de son 4x4. Il fusilla Courelle des yeux à travers le rétroviseur. Cette dernière baissa aussitôt le magazine qu'elle feuilletait et lui offrit un sourire timide :

« Désolée, patron. »

A vingt-et-un ans, Courelle travaillait comme assistante de direction pour Sécurité-express, une boîte en expansion. Son patron, Jerry Ly, n'avait pas plus de trente-cinq ans. Il était proche de ses employés mais pas trop. Il se limitait à de banales discussions et à de petites plaisanteries pendant les heures de pause. Courelle l'accompagnait pour un voyage d'affaire, son premier depuis qu'elle avait trouvé ce boulot. L'excitation qui avait accompagné cette occasion l'avait empêché de s'inquiéter de leur destination. Jusqu'à cet instant, du moins.