ASCENSIO

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Des souvenirs se mêlaient dans sa tête ; il se voyait enfant, jeune jouvenceau puis un homme fait. Il revoyait les hommes et les femmes qu'il avait assassinés pour le compte des Compagnons. Les paysages défilaient devant lui, sans jamais lui énoncer quelque chose qu'il connaissait. Lorsqu'il se mouvait, tout se déplaçait plus rapidement encore. Il voyait des gens mais ne pouvait leur parler, il apercevait des collines inaccessibles, des animaux hors de portée et tout s'arrêta. Il ouvrit les yeux, tout était gris. Les notions de temps et d'espace avaient disparu, laissant place à une sorte de vide.

Il essayait de se rappeler, mais ne le pouvait pas. Aucune émotion, rien ne laissait transparaître quoique ce soit. Il était devenu un damné, son âme noircie par les longs méfaits de sa vie et son égoïsme à mettre fin à ses jours.


Finalement, Jehan fut transporté dans une étrange cour, recouverte de milles et une feuilles, empoussiérée et ravagée par les incontournables dégâts du temps. Il se releva et constata que tout était à la foie flou comme la vision d'un myope et clair comme de l'eau de roche. Il revivait avec une perception tout autre la terrible scène dont il avait été le malheureux témoin. Il était dans sa maison et voyait deux individus s'en prendre à sa famille. Au moment où il voulut intervenir, il fut ramené dans la cour pierreuse où se tenait un large contour de roches taillées, accueillant en son centre de petits bosquets. Intrigué, il en toucha un et ressentit de légères ondes. Il retira immédiatement son bras mais la sensation resta de longues minutes. Il ne parvenait pas à définir s'ils'agissait d'un bien ou d'un méfait.

Outres les défauts premiers de l'être humain tels que l'avarice, la colère, l'acédie, la luxure, l'orgueil, la gourmandise ou l'envie, il en découlait un directement de cette dernière : la curiosité. Aude disait souvent que la curiosité était la main tendue à l'inconnu et que l'inconnu promettait toujours deux choses ; de belles et de mauvaises et qu'il nous appartenait de les découvrir. À cette pensée, il eut un rire nerveux, et plongea sa main dans le bosquet.

Alors tout devint bleu. Pas un bleu vif ou coloré, mais terne, tendant au gris. De grands éclairs parsemaient le ciel et ni soleil ni lune ne venait éclairer la scène, plongée dans le noir. Puis, une lumière blanche commença à apparaître, démasquant d'étranges faits.

Jehan pouvait marcher et interagir avec les objets alentours. Lorsqu'il prenait en main quelque chose, des informations lui étaient comme révélées, sans qu'aucune voix ne s'élevât pourtant. Il reconnut alors sa propre maison. Il courut à son encontre, traversa la porte et fut alors immobilisé. Ses pieds étaient solidement fixés dans le bois et il ne put que constater qu'il revivait la scène de la mort de sa famille, dotée d'une perception autre. Il ne pouvait se mouvoir mais il était déplacé comme par magie à chaque instant afin de ne rien manquer. Le baron reconnut les visages des agresseurs. Il les connaissait très bien, bien que vingt–sept années aient passées, rien n'avait changé. C'était comme s'ils'enrichissait d'un type de pouvoir à chaque seconde qui passait. Le noble sentait couler dans ses veines comme une sorte de liquide non palpable, qui lui donnait vigueur, intelligence et perception. À la vue de son suicide, il se retrouva à nouveau téléporté dans cette cour et vit quelque chose briller.


Ils'approcha de cette étrange lueur et la chassa. Il pouvait maintenant nettement voir un fragment de dague, celui qu'il avait utilisé pour se suicider et invoquer le Serment de Sang. S'il avait réussi, il se trouverait dans les Cieux, et aurait une occasion unique de s'adresser à Aeneric, divinité de la Mort et de l'Au-delà. Un vent léger se mit à souffler et une voix rauque se fit entendre très faiblement, comme éloignée ou brouillée. Jehan sursauta et cria :

Les Âmes PerduesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant