Fort de son nouveau pouvoir, Jehan inspecta les lieux autour de l'entrée du repère. Il récupéra des crochets et quelques écus ; ils'agissait de pièces de cuivre frappées au monastère de Tanaria, ne servant pas dans les hauts milieux de la royauté. Elles étaient principalement utilisées par le tiers-états ainsi que les gredins et autres manants composants les clans.
Le baron pénétra dans la grotte, marchant silencieusement et courbé afin de ne pas se faire repérer. Son but était de fouiller et de récupérer tout objet utile à son passage. Il suivit le long couloirr et vit une pièce circulaire aménagée d'une table et de deux chaises dont l'une était occupée par une femme d'âge moyen, aux courts cheveux bruns. Elle portait une tenue en peau, par-dessous une cape. La femme jouait avec une dague en fer et quelques pièces en cuivre. Elle semblait monter la garde. Jehan se plaqua contre le mur de droite et le longea, pouce par pouce sans bruit. Arrivé à sa hauteur, il lui trancha silencieusement la gorge.
Il obliqua à droite, suivant le chemin et arriva à une intersection. Afin d'accéder au chemin de droite bloqué par le pont-levis relevé, il devait le faire descendre au moyen d'une manivelle. Il emprunta donc l'autre voie et arriva dans une sorte de chambre. Des couches étaient disposées ça et là sur le sol, à côté d'un grand feu sur lequel tournaient des broches d'animaux. Deux hommes lui tournaient le dos, dévorant du regard la nourriture entrain de cuire. Jehan s'avança discrètement en espérant que l'un n'ait pas la mauvaise idée de se retourner à ce moment précis. Il parvint à leur hauteur. Il ne lui restait que quelques coudées à parcourir, c'était faisable. Après cet intense instant, il prit à gauche et vit la petite manivelle qu'il recherchait. Il la tourna en la retenant, faisant lentement descendre le pont-levis. Alors il rebroussa chemin. Malheureusement pour lui, les deux s'étaientdéplacés dans leur discussion et montés sur le chemin. À deux coudées l'un des autres, il se toisèrent du regard. Puis, tous deux sortirent leur dague et tentèrent de le taillader. Jehan esquiva le premier coup et para le second. Comme il était maintenant derrière le premier homme, il lui asséna un coup de hache dans le crâne et la retira avec un bruit de succion. Le second voulut le tailler mais sa lame se planta dans son bouclier. Désemparé, il tenta de la reprendre. À ce moment, Jehan pivota et lui enfonça l'écu en bois dans la gorge. Avec un craquement sinistre, il fit couler la marre rougeoyante dans la petite fosse située sous leurs pieds.
Jehan reprit ses armes et les nettoya rapidement. Il remit sa tenue en place et fouilla les bandits. Ils ne possédaient rien d'intéressant. Il arriva au pont-levis qu'il traversa. À trois coudées devant lui, un bandit montait la garde dans le sens opposé. Jehan se faufila derrière lui et à l'aide de sa dague, la lui planta dans le dos tout en lui obstruant la bouche de sa main gantée.
Le bandit s'affala sans bruit, retenu par le baron. Sur son cadavre, une bourse contenant une lettre. À sa vue, son cœur s'affola. Il y était mention d'une caverne de bandit dans les Hauts de Callas. Jehan savait que ce lieu abritait un repère de compagnon ; ce ne pouvait être une simple coïncidence, ces lieux était en fait les mêmes !
Le damné poursuivit le tracé de la route qui dérivait à droite dans un léger arc de cercle. À son bout, une cage en fer contenant un renard mort. Sur la droite, des barreaux délimitant une petite salle contenant des vivres et un grand coffre. Devant la porte, une femme était assise, dotée d'une armure complète en fer ; heaume, gorgeret, spalières, canons d'avant-bras et coudières, gantelets, cuissards, genouillères, protection de jambes et grèves. Un large ceinturon en cuir retenait une grosse bourse et une dague en fer. Fixé à son dos par un grand fourreau, un estramaçon en acier y reposait. La femme s'appelait Ingonde la Brutale et était un sous-chef du clan des Aventuriers.
Ils constituaient un fléau pour les marchands et voyageurs entre les Hauts de Callas et les Roches. Forts des paysans et autres rebelles lassés de la pauvre vie que le système féodal leur imposait, ils avaient décidé de modifier leur destin en s'unissant et en vivant de brigandages.
–Qui va là ? C'est toi, Éliette ? Pierre ? s'écria-t-elle d'une voix puissante.
–Ils sont morts ! Nous nous retrouvons, Ingonde ! répondit d'un ton ferme Jehan. Ce dernier s'avança, sortant de l'ombre. À la vue de son visage découvert, elle dit :
–Par les Huit ! Si ce n'est Monseigneur Jehan de Prunellier ! Elle se courba ironiquement devant lui, sans se douter de la nouvelle force de son opposant. « À notre dernière rencontre, vous avez failli périr sous les coups d'estocs de ma chère lame. En sera-t-il autrement aujourd'hui ? »
–Hélas, je ne puis le prédire. Je suis toutefois flatté que vous ayez daigné vous souvenir de moi. Je ne souhaite pas votre mort, simplement le passage et les vivres de cette salle. Je ferai preuve de clémence ! s'écria le baron.
–Je n'en ai cure ! Cessez-là vos somptueuses paroles et affrontez-moi, je vous attends ! Ingonde sortit de son fourreau son épée longue à double tranchant qu'elle tenait à deux mains, la lame pointant le sol. Comme toujours avec les bandits, ils n'avaient jamais reçu le moindre entraînement de la part d'un maître d'armes. Aussi, ne savaient-ils pas en général manier une arme. Il eût été plus judicieux de la tenir au-dessus de sa tête, pouvant ainsi parer et attaquer plus aisément.
Jehan attendait en posture défensive. Il avait levé son écu de sa main gauche et tenait à mi-hauteur sa hache en fer. Sa stratégie était d'épuiser physiquement son adversaire car aussi forte soit-elle, les vingt-cinq kilo de métal et la huitaine de son épée jouaient en sa défaveur. Ingonde le savait et elle ne perdit pas de temps. Elle pourfendit l'air dans un mouvement de bas en haut et le baron recula afin de l'éviter. Profitant de son élan, elle abattit ensuite son épée sur le crâne de Jehan qui recula encore de quelques pas.
–Battez-vous, lâche ! cracha-t-elle. « Avez-vous peur de moi ? »
–Peur ? Ce n'es tpas de la peur, mais de l'intelligence. Lorsque vous serez épuisée de vos futiles actions, j'en profiterai pour vous pourfendre !
–Cela n'arrivera pas ! tonna-t-elle en frappant d'estoc. Jehan avait mal calculé la longueur de son arme et reçut la pointe de l'épée en plein bouclier qui fut brisé sous la force du choc. Tout en riant, Ingonde s'en débarrassa et marcha à l'encontre de son adversaire.
–Que comptez-vous faire, maintenant ? s'écria-t-elle plein de fougue.
–User de magie !
–De... Magie ? Ce ne sont que des fables destinés aux pécores ! La magie n'existe pas, vieil homme ! Seuls les Hauts-Elfes en étaient capable il y a des milliers d'années.
Jehan ferma les yeux et se concentra sur l'épée de son ennemi. Il la voyait s'élever et atterrir à ses pieds et sut qu'il avait réussi à ses borborygmes d'incompréhension. Désemparée, elle tira sa dague de son ceinturon et la lança au visage du noble qui, à nouveau par son esprit, ralentit le temps afin de se déplacer.
Avec un bruit sourd, elle s'enficha dans une poutre en bois derrière eux. Atterrée par son incroyable pouvoir, Ingonde tomba et genoux et implora :
–Je me rends ! Il est clair que je ne suis plus de taille face à la nouveauté dévastatrice qui vous habite. Aussi, j'implore la clémence dont vous avez parlée précédemment. Puissiez-vous vous en rappeler !
–Je m'en rappelle ! Toutefois, j'ai un marché à vous proposer, en échange de votre liberté. Je requiers de l'aide afin d'arriver par l'autre route de Callas. Accompagnez-moi et allez ensuite où bon vous semblera !
–Qu'il en soit ainsi ! La bandit récupéra ses armes. Son plan était de se défaire du baron dans un moment d'inattention. Pour ce faire, elle jouerait le jeu de la coopération jusqu'à un certain point. Il était hors de question qu'elle se dirige vers cette cabane.
L'espritde Jehan lui permettait de se soigner de tout type de blessure physique, de ralentir et de stopper le temps et de percevoir la présence d'autrui. Maintenant qu'il prenait de l'expérience, il était également capable de lire les pensées des gens obscures. Il savait donc qu'il serait trahi.
Alors qu'il marchait aux côtés d'Ingonde, il avait sortit sa dague et la lui avait plantée dans l'œil gauche. L'ayant retirée, il en fit de même pour l'autre. Son esprit s'excitait, impatient de recevoir de la nourriture, car il se développait des âmes récoltées par son maître. Bien que Jehan n'eût jamais effectué pareille action,il s'agenouilla et coucha sa tête sur le cœur de la défunte et laissa faire son esprit qui absorba alors son âme.
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Les Âmes Perdues
FantasiLorsqu' Aude et sa fille ramènent un étrange poignard d'un voyage marchand et sont retrouvées mortes la semaine d'après, Jehan de Prunellier - Baron de Brenaïs - comprend que son passé de Compagnons l'a rattrapé. Invoquant le mythe du Serment de San...