Chapitre 12 : Pommier de la libération.

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   Le dixième jour, le jeune médecin m'a aidé à m'habiller et ensemble nous sommes allés chez la psychologue. Il m'avait assis dans un fauteuil roulant et j'ai pu voir combien pas mal de personnes étaient beaucoup plus amochées que moi. Je me suis senti chanceux quelques courtes minutes avant de replonger dans l'angoisse. Nous étions arrivés devant cette porte ouverte où derrière son bureau, une jeune femme rousse écrivait dans un cahier. Elle a relevé la tête et a souri, un magnifique sourire par ailleurs. Deux prunelles vertes mettaient en valeur ses tâches de rousseur.
Elle s'est levé assez machinalement et s'est avancé vers moi d'un pas assuré. D'une voix provençale, elle m'a dit : 《 Je suis Adèle, ta psychologue, Evan m'a dit que tu n'étais pas tellement ravi de me voir. Je ne suis pas méchante tu sais. Je vais simplement t'aider à sortir de là sans aller dans un institut psychiatrique. J'ai déjà rencontré tes parents, très charmants par ailleurs. Je t'invite à rentrer pour qu'on en parle. 》
Elle m'avait tendu sa main tout en donnant faim à ma curiosité. Je lui ai attrapé sa main, me relevant et marchant jusqu'à une chaise en face de son bureau. Le jeune médecin, dénommé Evan, ferma la porte du bureau, me laissant seul avec cette femme.
Soudain, je remarque une douce odeur de pommier, un parfum correspondant à cette jeune femme. Je la regarde s'assoir à son tour, et toujours de sa voix assuré :
《 Présente toi, je veux connaître la façon dont tu te vois. Tes parents n'avaient pas l'air de te connaître...》
Je lui montre ma gorge et lui fait signe que je ne peux pas parler.
《Ne t'inquiète pas, me répond-t-elle, tu peux parler, ta voix n'a pas disparu. Tu appréhendes juste d'entendre ton propre son  qui s'est mis en veille. N'aie pas peur de me parler. Parler nous aidera à tout les deux pour avancer.》
Je la regarde. Dans ma tête, c'est un vide complet, un néant absolu. Plus rien de ma vie d'avant n'y était. Seuls,quelques souvenirs vagabondaient encore.
《Je ne me souviens de rien.》
Je viens de parler. Ma voix est rauque, grave et fatiguée. Elle ne me ressemble guère. Certe j'avais muet bien plus tôt que les gens qui m'entouraient, mais elle était devenue vide. La jeune rousse me sourit comme si je lui avais offert l'une des sept merveilles de ce fichu monde. De mon côté, une peur m'envahit, la peur d'avoir volé le corps d'un autre et même sa voix. Les mots se bousculent dans ma tête, ils sont trop nombreux. Dès lors que ma voix a repris vie, c'est comme si le besoin de parler m'était vitale. Les mots s'entrechoquent dans ma tête, mes lèvres tremblent de ces sons qui ne veulent point sortir. Et soudain, retour à la réalité :
《Veux-tu que je lise ton dossier? 》
Bousculé par ses paroles, je n'ose pas ciller, pareil à un gosse de cinq ans qu'on a disputé.
Et pourtant, j'ai besoin de savoir c'qu'on a bien pu écrire sur une ordure comme moi.

Si je revis.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant