Partie 19

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Sophie

Devant Vincent, je lui ai assuré de réussir à convaincre sa mère mais maintenant que je fais face à sa porte, mes doutes s'amplifient. Il y a quelques minutes, Vincent m'a confirmé qu'il débutait la réunion de conciliation avec son père et les avocats. Ce rendez-vous a lieu à l'autre bout de Paris pour qu'au cas où, nous ayons le temps de plier bagage avant l'arrivée de Monsieur Vandeberg Père. Vincent a serré les dents lorsqu'il l'a appelé pour fixer ce rendez-vous et j'espère qu'il arrivera à garder son calme. Je ne doute pas qu'il prenne sur lui car les enjeux sont trop importants et maintenant, c'est à moi de jouer. Pour me calmer, j'inspire et j'expire une bonne fois devant la porte en posant les mains sur mon ventre. Il a légèrement gonflé mais rien d'imposant. En tout cas, Vincent n'a rien remarqué.

Dans une semaine, on fête, le bébé et moi, nos trois mois ensemble. Pour l'instant, seule ma mère est au courant. Les jumelles absorbent tellement Antoine et Lola qu'ils ne verraient pas un éléphant au milieu de leur cuisine. Les nausées se sont calmées mais mes hormones sont toujours aussi imprévisibles mais j'essaye de les étouffer avant de finir en pleurs. Je ne m'en suis pas trop mal sorti cet été. Revoir Vincent est une épreuve mais je suis heureuse de lui venir en aide. Malgré tout, je ne perds pas de vue ma décision. Je ne lui dirais rien et je vais tout faire en sorte pour que plus aucune contrariété ne se mette entre lui et son rêve. Son père a toujours été un poids mort pour lui et il est temps qu'il s'en débarrasse.

Je toque enfin à la porte puis j'attends. Sans réponse, je toque une nouvelle fois plus longtemps et plus fort avant d'attendre de nouveau. Une puis deux minutes passent et alors que je m'apprête à recommencer la porte s'ouvre.

Je me souviens parfaitement de Madame Vanderberg car je la trouvais fabuleuse lorsque j'étais enfant. Elle ressemblait à une barbie grandeur nature : la peau pâle, de grands yeux bleus, un physique de danseuse étoile avec des jambes immenses et des cheveux blonds, tellement blonds qu'ils pouvaient paraître blancs. Désormais, ils sont totalement blancs, son visage est émacié et ses yeux semblent encore plus grands. Son tient est cadavérique et chaque geste semble lui demander un effort. La dernière fois que nous nous sommes vues, c'était à l'enterrement de mon père. Elle était le seul Vandeberg que j'y avais vu à l'époque. J'ignore encore pourquoi elle était venue et ce jour-là, je n'y avais pas vraiment pensé, écrasée par le chagrin. En tout cas, je ne m'attends pas à ce qu'elle me reconnaisse.

- Bonjour Madame Vanderberg, je suis ...

- Je sais parfaitement qui vous êtes Mademoiselle Bernard, m'interrompt-elle d'une voix presque inaudible. Entrez.

Pour le coup, j'en suis décontenancée et je mets plusieurs secondes à la suivre à l'intérieur du coquet appartement parisien. Des fauteuils Louis XVI y sont exposés ainsi que de magnifiques meubles anciens. Cet appartement est un musée, pas un endroit où vivre à mon avis. Lentement, elle rejoint une chaise comme si chaque pas lui demandait un effort presque impossible. Elle est si frêle, on voit pratiquement tous ses os sur la peau tendue de son corps. Elle semble si âgée alors qu'elle doit avoir pratiquement le même âge que ma mère. Une fois installée, elle me fait signe de prendre place en face d'elle et je m'exécute immédiatement. Son regard me déstabilise. Exactement les mêmes yeux que Vincent.

- Si mon mari vous trouve ici, commence-t'elle.

- Vincent s'est assuré que ça ne se produise pas. Il est en ce moment avec votre époux.

- C'est donc Vincent qui vous envoie ?

- Pas exactement. Vincent a besoin de vous.

Un rire lui échappe avant de se transformer en toux.

Le pied à l'étrierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant