Partie 2

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Sophie

Comme chaque année, l'arrivée des enfants ressemble à un mélange entre les soldes, Noël et la rentrée des classes. Traduction : ça pleure, crie, rit, court partout et donne des conseils dans tous les sens. Mon équipe est bien rodé, Lola et Antoine encadrent les animateurs qui prennent en charge les enfants et rassurent les parents. Ma mère se charge des dernières formalités : paiement du séjour, traitement médical des enfants, gestion de l'argent de poche et moi, en grand coordinateur je fais les trois à la fois en prenant garde que les voitures ne s'emboutissent pas sur le parking. C'est la folie mais elle me fait un bien fou. L'endroit devient si vivant quand tous ces enfants arrivent. C'est le premier week-end des vacances et le lancement de la grande saison. Chaque dimanche, des enfants arriveront et d'autres repartiront. Certains avec leurs parents, d'autres en car et cela pendant deux mois. Je sais que fin août, je pesterais en affirmant que je suis exténuée mais je serais quand même heureuse car j'aurais donné quelques jours de bonheur à des enfants qui, si le séjour se passe comme je l'espère, s'en souviendront toute leur vie. Une petite main vient se glisser dans ma main gauche, c'est Elisa, une petite habituée. Sa maman était l'une des cavalières de papa et quand elle a eu des enfants, elle les a inscrits ici mais il y a trois ans, elle nous a appris qu'elle avait un cancer en phase terminale mais qu'elle avait fait promettre à son mari que ces filles viendraient chaque été et il a tenu promesse. Sa grande sœur Clarisse est pleine de vie, c'est une adolescente charmante et très gentille qui semble avoir surmonté le traumatisme de la perte de sa maman mais pour Elisa alors âgée de cinq ans à l'époque c'est plus compliqué. C'est une enfant un peu solitaire, colérique et surtout très débrouillarde. Elle arrive souvent à faire le mur pour venir jusqu'à mon appartement alors je lui prépare un chocolat et la laisse regarder la télé avant de la ramener. J'avoue, j'ai un faible pour Elisa. Normalement, j'essaye de ne pas avoir de « chouchous » comme disent les enfants mais c'est dur, il y a des affinités qu'on n'explique pas. La petite blondinette me tire le bras jusqu'à ce que je sois à son niveau.

- Je veux être dans la chambre de Clarisse s'il te plaît ?

J'admire le s'il te plaît car la politesse et le tact ne sont pas le fort d'Elisa.

- Vous n'êtes plus dans la même tranche d'âge. Cette année, Clarisse est à cheval et plus à poney. Elle va donc dans les dortoirs du manège et toi dans ceux de la ferme.

Elisa réfléchit et braquant ses grands yeux bleus sur moi me demande :

- C'est dur non de partir des dortoirs du manège pour aller chez toi ?

Je hausse les épaules. Si j'évite un caprice d'Elisa dès le premier jour c'est mieux car c'est une vraie comédienne et elle peut hurler pendant plus d'une demi-heure sans s'arrêter.

- Effectivement, c'est beaucoup plus près et surtout le dortoir de la ferme n'a pas d'étages.

- Je comprends, me dit-elle en hochant la tête et en repartant jouer avec ses copines.

Intérieurement, je pousse un hourra. Avec Elisa, les caprices sont justes une question de temps et avant ce soir, je suis certaine qu'elle aura fait tourner en bourrique au moins deux animatrices.

Les arrivées avaient été planifiées entre treize et quinze heures et à l'heure du goûter, les derniers parents partent. Les animateurs s'occupent des enfants jusqu'à demain. Les cours d'équitation se succéderont mais en attendant, les chevaux au box ont besoin de foin et je vais faire un petit tour dans les prés. En déambulant dans les prés, je savoure la tranquillité car avec une colonie de 100 enfants, le calme est rare. Quelques poneys viennent voir si j'apporte à manger puis constatant que non, repartent brouter l'herbe normande. Arrivée, au pré des retraités, les chevaux et poneys qui ne font plus parti de ceux montés régulièrement à cause de leurs âges ou parfois de problèmes physiques sont tous en train de brouter. Apollon, mon ancien cheval, le champion qui m'a mené au firmament arrive vers moi d'un trot encore très souple malgré ses 25 printemps. Il est suivi de Gitane, l'ancienne ponette de Vincent. Etrangement, ses deux-là sont comme les doigts de la main. La ponette alezane le suit au pas avec beaucoup plus de raideur. Elle a désormais 29 ans mais son caractère ne s'est pas amélioré. Je les attends à la barrière, je viens souvent leur apporter des pommes car sinon Apollon déprime et arrête de se nourrir. Je le monte régulièrement aussi pour emmener des balades au pas, il a besoin viscéral de se sentir utile. Ils sont arrivés devant moi, Apollon est désormais tout blanc, sa robe grise pommelée s'est envolée avec ses jeunes années le recouvrant d'une cape blanche. La couleur marron brûlée de Gitane n'a pas bougé, seule la tête de la ponette s'est recouverte de gris. Je tends une pomme rouge à Apollon et une « granny smith » bien verte à Gitane. Cette dernière dédaigne ne manger que ce type de pomme. C'est Vincent qui s'en était aperçu et qui pour l'amadouer lui en ramener tous les jours de la cantine. Les autres retraités arrivent bientôt mais en tant que cheftaine, Gitane les repousse en couchant les oreilles.

Le pied à l'étrierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant