Partie 20

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Sophie

Lorsque je me réveille, je constate qu'il n'est que 5 heures du matin mais en ce moment impossible de mieux faire. Ma vessie est pleine et ma fille appuie dessus comme si c'était une pédale de vélo. Sacrée coquine mais je ne lui en veux absolument pas. Je marche, ou plutôt m dandine jusqu'à la salle de bain. Je suis dans la dernière ligne droite, l'accouchement est prévu pour le 16 mars mais elle peut débarquer à tout moment depuis le 1er mars. Aujourd'hui nous sommes le 5 mars. Je dois avouer que je vis une grossesse idyllique. Dès la fin du troisième mois, plus aucune nausée même si les sautes d'humeur ont continué. Quand j'ai appris le sexe du bébé, j'en ai été toute retournée. Une petite fille. Elle n'aura même pas un an de différence avec les jumelles. Lola dit qu'après les naissances on pourra parler des triplettes. Quant à l'ambiance à Plesne, disons que depuis Noël et la visite surprise de Vincent, elle n'est pas vraiment au beau fixe. Devoir garder un secret c'est une chose mais mentir en face à face en est une autre.

Tout le monde m'en a voulu, sauf Hélène. Seule la mère de Vincent m'a soutenu après ce désastre sûrement parce qu'elle se sentait un peu coupable. Elle n'avait pas pris son téléphone avec elle et c'est seulement cinq minutes avant l'arrivée de Vincent qu'elle m'a prévenu. J'ai immédiatement couru chez moi en éteignant absolument toutes les lumières avant de passer mon réveillon dans ma chambre avec uniquement une lampe de poche. Evidemment j'ai évité de parler de mon réveillon puisque pour les autres, ils ont eu à regarder Vincent dans les yeux et à lui mentir pendant toute la soirée. J'ai acheté de plus gros jouets à Max et Tom. Ce sont encore des enfants, ils n'ont pas vraiment compris pourquoi on les avait empêché de voir Vincent. Quant aux adultes, c'est une toute autre histoire. Antoine n'est pas rancunier et pourtant il m'a fait les gros yeux fréquemment mais finalement la vue de mon gros ventre l'a adouci. Ma mère et Lola... Lola est coriace, actuellement elle boude encore mais je ne pensais pas que ma mère m'en voudrait autant. Elle m'a ordonné de l'appeler au nouvel an et de tout lui avouer mais j'ai refusé de céder ce qui a entraîné la plus grosse dispute que j'ai jamais eu avec ma mère. J'en ai pris pour mon grade : égoïste, manipulatrice, méchante, ... Je refuse de mentir chaque mot m'a profondément blessé. Tout simplement parce qu'il y avait un fond de vérité mais Vincent était pré-sélectionné pour l'équipe olympique. Ils ne sont que six en course : l'un d'entre eux est déjà éliminé et les cinq autres partiront mais l'un d'entre eux ne sera que remplaçant. Pour l'instant, le cœur du sélectionneur hésite entre Vincent et un autre cavalier pour la quatrième place de l'équipe. Je refuse donc de lâcher prise, même si je suis mal à l'aise avec cette situation, il est maintenant trop tard. En plus de ma famille, je me suis aussi mise à dos Patrick. Après le fiasco de Noël, j'ai dû l'appeler et lui dire la vérité. Il m'a fallu plus d'une heure pour le convaincre de ne rien dire à Vincent, je crois que j'avais minimisé les liens qui s'étaient tissés entre Patrick et son protégé. Finalement, Patrick a cédé en avouant que si Vincent apprenait la vérité, il lâcherait sûrement la compétition et abandonnerait même les JO. Cependant, si je n'avouais pas à Vincent après les jeux, qu'il soit sélectionné ou pas, il s'en chargerait à ma place car il refusait de mentir plus longtemps à son ami. De plus, il m'a bien fait comprendre qu'il était très déçu de mon comportement. Encore une personne de moins sur qui compter. A Plesne, j'ai l'impression que seul Hélène et les enfants se comportent comme avant avec moi.

Depuis quelques semaines, je suis en congé maternité. Grâce à la présence d'Hélène qui gère les enfants, ma mère, Lola et Antoine se sont simplement répartis ma charge de travail. Tout le monde est occupé autour de moi et surtout la plupart ne me tiennent pas en haute estime alors je garde le cap et refuse de m'apitoyer sur mon sort. Je me suis fait une petite routine et jusqu'à la naissance de ma fille, je compte m'y tenir. Je paresse un peu le matin, car je sais que bientôt je ne dormirais pas beaucoup avant de déjeuner avec Hélène et les jumelles. Elles sont trop drôles. A six mois, elles sont très éveillées, voir un peu trop. Elles dorment peu et sont très gourmandes. Zoé n'a pas encore rattrapé son retard de poids face à Mia et pourtant elle mange bien. Même si Lola me fait la tête, elle me laisse m'occuper des jumelles ainsi je peux m'entraîner à tous ces gestes du quotidien qui vont bientôt rythmer ma vie. En début d'après-midi, je fais une petite sieste avant de faire une balade. Je profite de ce moment pour passer du temps avec Apollon. Depuis que mon ventre a grossi, il fait encore plus attention à moi comme s'il savait parfaitement ce qui m'arrive. Il marche doucement à mes côtés et vient parfois souffler avec ses naseaux sur mon ventre comme s'il discutait avec ma fille. Impossible de le monter en ce moment donc je lui rends chaque jour visite et on fait une balade ensemble en main. Ca me permet de marcher tout en ayant un but car je déteste me promener sans objectif mais mon gynécologue a insisté pour que j'effectue cette promenade quotidienne. Mais aujourd'hui après ce réveil aux aurores, je ne tiens plus en place. C'est étrange car normalement j'adore paressée dans mon lit mais pas ce matin. Le jour est en train de se lever et il n'a pas l'air de faire trop froid pour un matin de mars donc je décide d'avancer l'heure de ma promenade avec mon ancien destrier. Il est à peine six heures mais j'enfile mes bottes et me glisse dehors. Mon ventre me tiraille mais c'est une sensation qui me semble normale à ce stade de ma grossesse. Je ne m'inquiète absolument pas et me dirige d'un pas décidé mais lent vers le pré des retraités. A cette heure, personne n'est encore levé à Plesne maintenant que les jumelles font leurs nuits. Le calme de la campagne m'envahit. Dès qu'il m'aperçoit, Apollon rejoint au grand trot l'entrée du pré. Chaque fois, j'ai un pincement au cœur. Il me rend au centuple l'amour que je peux lui donner. Les chevaux sont des animaux merveilleux et Apollon est le plus exceptionnel qui est croisé ma route pratiquement 20 ans après notre rencontre, il me fait toujours autant confiance. Et c'est réciproque. Tranquillement, en effectuant des gestes mesurés, j'ouvre la clôture avant d'enfiler le licol sur la tête d'Apollon. A un moment je me crispe un peu car une soudaine mais fulgurante douleur me vrille les reins. La seconde d'après plus rien, je pense immédiatement à un faux mouvement. Je reste immobile mais plus aucune douleur alors j'ouvre la barrière avant de faire sortir Apollon avant de bien la refermer pour éviter que les autres retraités s'éparpillent dans la nature. Tranquillement, le cheval gris se tient à côté de moi sa tête à ma hauteur, il marche d'un pas lent pour rester à mes côtés. Je glisse une main dans sa crinière.

Le pied à l'étrierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant