Chapitre 28:

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« Cher Sasha, j'aimerai te dire que je suis fière, pas de moi mais de nous, de nous toutes, j'ai pris plaisir ce matin à recopier notre discourt sur tes pages vierges, et j'espère de tout mon cœur que tu en prendras autant à voir que je suis guérie. »



Jeudi matin, 8 heures. Agnan va parler pour nous. Nous avons passé la journée d'hier à préparer ce fichu discourt, Agnan a dit que nous devions le rendre public, que c'était important pour elle. Alors, c'est ce que nous ferons.

« -Aujourd'hui, ce n'est pas la fin d'un parcours. Aujourd'hui, nous n'avons pas seulement prouvé la culpabilité d'un homme dans un crime. Aujourd'hui, nous sommes là pour commencer une lutte, un combat pour lequel nous sommes toutes prêtes à nous battre.

Notre histoire raconte les dangers du silence. Nous étions convaincues que ce qui se passait était notre faute.

Lorsque vous enseignez à un élève, à un enfant à haïr et à avoir peur.

Lorsque vous lui apprenez qu'il est un sous-homme à cause de sa couleur de peau, de ses croyances ou de sa façon de penser.

Lorsque vous lui enseignez aussi qu'il est seul, et que personne ne pourra jamais l'aimer.

Alors rien n'effacera jamais ce mal dévastateur qui nous brûle et nous brûlera pour toujours.

Nous avons survécu à cet abus et nous avons dénoncé un coupable, mais cela ne fait pas de nous des héroïnes ni des victimes. Nous ne sommes que sept parmi une centaine.

Nous sommes l'un de ces élèves forcé de vivre avec la violence comme partie de son histoire.

Nous sommes l'un de ces élèves qui, le reste de sa vie, se battra contre une petite voix dans sa tête qui culpabilise de cet abus et qui est à l'opposé de l'estime de soi et du bonheur.

Cette statistique doit changer et nous crierons jusqu'à ce qu'elle change, jusqu'à ce que ces élèves se sentent moins seuls et en sécurité pour trouver le courage de parler. Tant que la violence fera partie de la vie de l'un de ces élèves, le silence ne fera pas partie de la nôtre.

Ces violences sont indignes d'un grand pays de liberté et d'égalité.

Au nom de nos principes, par respect pour le courage des élèves qui se battent chaque jour contre la lâcheté de la violence, nous devons faire front.

Et vous devez être à nos côtés.

Votre refus des violences ne doit pas être une posture, il doit être un projet, une politique publique à part entière, autour de laquelle j'appelle tous nos concitoyens à se mobiliser.

Merci à vous.

Agnan cesse de parler. Un froid glacial tombe sur le tribunal. Puis des applaudissements s'élèvent, nous nous regardons, Agnan laisse une larme couler sur sa joue, je la prends dans mes bras. Nous retournons nous assoir.

-Monsieur Gorges-Rostand, le policier qui a reçu la caméra, s'il vous plaît.

-Messieurs les jurées, il s'incline, la caméra qui nous a été apporté contient des images qui n'auraient jamais du pouvoir être filmées. La violence qu'on y trouve est sans appel, et la lâcheté de l'assaillant ne trompe pas. Il s'agit là de faits graves et personne ne pourrait oser affirmer le contraire. Et je crois, que si les amies de Maya n'étaient pas intervenues, monsieur Lewis aurait pu aller jusqu'au terme comme il le précise très distinctement au début du rendez-vous.

-J'appelle madame Arrial à témoigner, professeure référente d'Amélie et Maya.

Ses talons claquent et traversent la salle.

-Bonjours à tous, elle se tient droite et sa fierté m'inquiète, ah... Maya... sacrée Maya... Même si ton plan était parfait, je dois dire que j'avais deviné ton objectif dès le début, je n'ai rien dit car il fallait que tu y arrives seule, il n'y avait pas d'autres moyens pour faire tomber monsieur Lewis... Je lève les yeux aux ciel, sachez que j'ai toujours cru en Maya, et que je ne cesserai jamais de croire en elle. Sur ce elle se lève et retourne à sa place. Même les juges semblent exaspérés par sa mauvaise foi.

-Monsieur K s'il vous plaît, le chef d'établissement.

-En ce qui concerne cette affaire, messieurs les jurés, je dois dire que je me le plus fautif d'entre tous, monsieur Lewis me semblait être un homme bien. J'ai fait un choix, j'ai fait une erreur. Sans Maya et ses amies, je ne peux dire combien d'autres élèves auraient dû payer le prix de ma bêtise.

-Monsieur Lewis, s'il vous plaît ? Demande la petite femme

-Objection ! S'écrit son avocat en se levant, mon client ne souhaite pas faire de déclaration.

-Bien, nous allons délibérer. »

Comme lors de la fois précédente nous attendons, longtemps, puis les juges reviennent.

« En vertus des pouvoir qui nous sont conférés, nous condamnons Monsieur Jean-François-Paul Lewis ici présent pour tentative d'homicide, coup et blessures, actes de violences sur plusieurs mineurs, à 20 ans de réclusion criminelle avec une amande de 150 000 euros. Merci à tous. »

MAYAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant