Chapitre 6 - L'enfoiré !

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Je suis vidée !

Moralement, psychiquement...et bien sûr, en grande sportive que je suis, physiquement aussi. Ma première matinée de dédicaces est belle et bien terminée, et m'a laissé dans une joie que j'ai du mal à dissimuler.

Une vraie réussite ! Plusieurs centaines de lecteurs fidèles sont venus me rencontrer emportant avec eux leurs lots de compliments en tout genre.

Certains même douteux...comme celui d'un grand gaillard, un peu biker, barbe blanche et foulard noir, qui m'a gentiment expliqué,après avoir récupéré mon bouquin dédicacé, que selon lui j'étais la plus belle des Harley à chevaucher.

Plaît-il ! Il m'a même avoué n'avoir jamais lu une seule de mes lignes.

Pas grave ! J'ai pris ce compliment comme les autres...et puis on ne sait jamais, un tour en moto ça peut être sympa, non ?

Bref, de mon côté, toute la matinée, j'ai souri, dit merci mille fois, serré des mains à tout va et même pris la pose sur des selfies. Et bien sûr, j'ai signé, signé signé et signé. Ma main en est encore toute endolorie !

Mais l'extase ! Toute cette fidélité et cette reconnaissance...

M'ouai...je suis plutôt fière de moi sur ce coup-là.

La team copines est passée me voir et même si elles sont passées pour des folles absolues, avec leurs pouces levés et leur sourire niais, leur présence m'a vraiment émue.

Oui, vous avez bien entendu !

Pour résumé, cette matinée m'a toute retournée.

Assise en terrasse, il est treize heures et j'attends patiemment Al qui m'a demandé de "ne pas bouger". Ce sont ses propres mots. Comme je commençais, petit à petit, à étouffer dans la librairie de mon ami Papy Ralf, j'ai décidé d'attendre Al au café du coin de la rue.

Je profite ainsi des premiers rayons de soleil qui réchauffent mon visage, même si je sais pertinemment qu'il ressemblera dans quelques minutes à une grosse pomme bien rouge et bien ronde.

Basta ! C'est MON jour, j'ai dit ! Et merde pour les apparences !

J'ouvre les yeux, et même s'ils sont encore mi-clos, je vois Al qui arrive à petits pas, faisant claquer ses talons sur le bitume. Avec ses petites jambes menues perchées sur ses talons de dix centimètres elle n'avance pas...elle piétine ! Elle me fait penser à ces petits chiens - Chihuahuas peut-être -qui sautillent sur place au lieu de marcher et qui n'alignent pas trois centimètres en dix pas.

Je souris à cette évocation et me blâme intérieurement.

J'exagère. Al est un super agent. Malgré son exigence permanente et son manque totale de lâcher prise, elle est d'une efficacité redoutable. Avec son carré blond, lissé à la perfection et son teint de porcelaine, elle est dotée d'une beauté froide à en faire pâlir plus d'une. Mais je ne la connais pas assez personnellement pour savoir si c'est sa vraie personnalité ou si cette armure peut se briser.

J'ai un doute. C'est vrai que j'ai du mal à imaginer Al, danser une rumba endiablée au bras d'un Dieu Grec, affublée d'une robe à sequins et de plumes dans les cheveux.

Quoique ! Avec de la vodka tout se négocie, non ?

Je sursaute, quand une large main vient caresser mes cheveux. Et je suis contente de découvrir Jonas, me souriant de toutes ses dents.

Qu'il est beau ! Et très prévenant aujourd'hui... Aurait-il décidé de passer la seconde ?

Non pas que je sois fille facile ou entreprenante, mais entre "aller boire un verre" et "aller boire un verre", il s'est passé quasiment six mois. J'aime me faire désirer, mais là, c'est lui qui est resté en première et je peux vous dire que ça fume noir ! On a même grillé le moteur à cette allure-là !

Abandonnant mes pensées incohérentes de levier de vitesse, je lève des yeux enamourés sur son doux visage. Grand, blond, athlétique,musclé, teint hâlé...OK, vous avez compris c'est un vrai mannequin et je le trouve canon !

Un autre canon, d'un genre tout à fait différent surgi également devant mes yeux. Léonard. Je grogne. Encore lui.

Qui dit MON jour, dit profiter de cette journée. A fond. Et il faut dire que je ne m'imaginais pas le faire entourée de ce charmant glaçon.

Pour faire court, il est resté toute la matinée, assis derrière moi, à m'épier (oui, oui m'épier !). C'est le sentiment que ça m'a donné. Il n'a pris aucune note, posé aucune question...donc soit c'est un pervers de premier ordre et il a trouvé le job de rêve pour coller aux basques d'une jeune fille sans défense, soit il fait du zèle et son article bidon sur les Success Story ne vaudra pas un clou à sa sortie.

Tous s'assoient à mes côtés. Tandis que Léo et Al discutent boulot, je fais signe à Jonas que je pars me rafraîchir aux toilettes.

Oui, me rafraîchir. C'est toujours mieux que de préciser que j'ai une envie de pisser phénoménale, et que mon chino à cent euro me compresse la vessie depuis dix minutes.

Je suis franche et décomplexée, mais je sais aussi faire des manières.

A mon retour, je vois avec bonheur qu'ils ont passé commande. Alors que je cherche discrètement sur la table un bon verre de vin blanc bien sucré m'étant destiné, je m'aperçois que j'ai le droit à....un Perrier Citron !

J'ai une tête à boire un Perrier Citron moi ?

Et Jonas insiste :

- J'ai pris l'initiative de te commander un verre ma belle...

Sans blague ?!

Je le remercie avec tact, mais mon cerveau hurle tout autre chose.

" Non, non et non Jonas. Ça démarrait si bien entre nous !Pourquoi ? "

Personne n'ayant pris la peine de m'observer - même pas Léo - ma gêne passe inaperçue, et je me mets à siroter mon eau pétillante.Quel gâchis !

J'écoute avec attention Al, qui ne cesse de bavasser. Elle me débriefe sur la matinée, me donne sa vision des choses, argumente sur les prochaines dates et bla-bla-bla. Léo et Jonas, en gentleman bien élevés, ponctuent la conversation de répliques automatiques et banales. Et tandis que le repas se déroule dans une ambiance teintée de neutralité et de retenues - ce que je fuis à tout prix! - Jonas enchaîne les maladresses malgré lui, et je sens mes limites atteindre leur apogée.

" Après tout ce que tu t'es empiffrée, je pense que la Salade Caesar est un excellent choix en effet, ma Sofia "

ou encore :

" Tu as pensé à demander à Ralf d'où venaient ces superbes petits pains briochés ? Il m'a semblé que tu les trouvais succulents ! "

Tout ça avec son sourire façon play-boy de papier glacé...

Comment vous dire ? Oui, d'accord, j'ai forcé sur les chouquettes avant mon entrée dans l'arène, mais en quoi cette précision est-elle indispensable ?

Le visage rouge de colère et de honte - merci au soleil de me servir de prétexte - je fulmine intérieurement.

Décidément, mon avenir radieux avec Jonas, n'aura pas dépassé le démarrage ! Je cherche tant bien que mal à dissimuler mon embarras.

Et devinez quoi ? Je vois que Léo m'observe du coin de l'œil.

Et il sourit. Oui, il sourit ! Un sourire imperceptible, mais que,moi, je vois comme un building en plein désert.

Il se fout de moi.

Je suis cernée.

L'enfoiré !

Une taille 42...et du succès !  [auto-publication / Ebook dispo sur les stores]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant