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Chapitre 17 - Pepette

- Mon numéro de téléphone ?

Je fixe, surprise, le jeune homme qui me fait face. Tout sourire, des traces d'acné encore visibles sur ses joues imberbes et rouge comme une pivoine, qui attend ma réponse en essayant tant bien que mal de masquer son impatience.

- C'est envisageable... ?

Et il insiste en plus...

Que dois-je faire dans ces cas-là ? Deux solutions : Donner, sans aucun scrupule, un faux numéro (ou celui de Lily, rien que pour lui faire les pieds) et me ronger les sangs pendant trois semaines de ne pas avoir été franche et directe ou refuser catégoriquement (et en public) et ainsi passer pour une auteure hautaine, loin de ses fans et la tête grosse comme une pastèque bien mûre.

J'hésite encore, quand l'adolescent retardé renifle et m'encourage de ses grands yeux globuleux à donner une suite favorable à son questionnement hasardeux.

- Euh...

Voilà que je me mets à bafouiller. Mon cerveau mouline. J'imagine ce gentil jeune homme s'entraînant devant son miroir à me demander mon numéro de téléphone. J'imagine sa tension artérielle à ce moment précis, et l'adrénaline qu'il doit ressentir d'être face àmoi...

Mon Dieu, Sofia, non, imagine-le en serial-killer, pervers et douteux, fana de jeunes auteures plantureuses...

- Ecoutez...

- Non.

Je pivote sur moi-même, aussi surprise que mon chevalier servant enherbe. Léo, adossé à son siège en cuir, mâchouillant son stylo Bic, nous regarde amusé.

- Non, ce n'est pas envisageable.

Mais qu'est-ce qu'ils ont tous à insister lourdement aujourd'hui ?

Avec une gêne extrême, je prends délicatement le bouquin que me tend une main tremblante et y inscrit un Love accompagné de ma signature aussi machinalement qu'un chien qui trouve toujours un bon lampadaire pour uriner.

C'est avec un sourire crispé que je laisse le jeune geek s'évaporer de façon aussi maladroite qu'il est arrivé.

- La prochaine fois, tu voudras bien me laisser répondre. Je suis une grande fille...

Sans un regard pour Léo, je souris de toutes mes dents à la jeune fille qui me regarde et qui m'épelle son prénom.

- Tu n'aurais pas dit non...

Laura. Je me concentre sur le prénom de la demoiselle. Le "L"en premier...

- Tu été en train de craquer...

...puis le "A"...

- Tu en es au point de filer ton numéro.

...le "U"...

- Tu...

Cette fois, je ne le laisse pas finir sa phrase et me retourne aussi vite que mon siège me le permet. Les quatre roulettes en plastique couinent bruyamment quand je roule jusqu'à lui. Nous nous retrouvons nez à nez en trois grands coups de talons aiguilles. L'image n'est pas glorieuse et je dois ressembler à un crabe sur un skate-board,mais peu importe, je dois lui faire fermer son clapet !

- Ne me dis plus ce que je dois faire Léo. Plus jamais. Ok ?

C'est vrai quoi ? Depuis quand on parle pour moi ? Son baiser sulfureux devient un lointain souvenir et son attitude horripilante me hérisse le poil.