Ça a longtemps continué comme ça. Je partais me battre chaque jour auprès de mes hommes, contrairement à mon ennemie. Après tout, pourquoi se battre et risquer sa vie quand on pouvait être tranquille dans son château ? Susan était lâche.
Le soir, après le dîner, je rejoignais Anaël dans son appartement. Rester dans le mien ravivait mes souvenirs, et rouvrait de vieilles plaies. Alors je me réfugiais à ses côtés, et nous oubliions ensemble, avec peut-être un peu d'aide venant de l'alcool. Parce qu'il valait mieux que nous soyons à deux dans notre douleur plutôt que seuls, bien que j'aie l'impression qu'il ne la partageait pas autant que moi.
Souvent, nous allions voir Teresa. Après désormais sept ans à ses côtés, la voir dans cet état me brisait le cœur. Elle était toujours plus faible. Elle toussait, tombait malade souvent et bien plus facilement. Elle ne sortait que très peu.
- J'en ai marre de voir les regards de pitié sur moi, me confia-t-elle. En plus, j'ai beaucoup de mal à marcher. Je crois que Sebastian va devoir me fournir un fauteuil roulant, ou quelque chose comme ça, riait-elle tristement.
Je regrettais de ne pas pouvoir l'aider et la guérir. Si elle était dans cet état, c'était de ma faute. C'était mon plan qui avait mal tourné.
Mais je ne restais pas longtemps auprès d'elle, à notre grand regret. On avait toutes les deux besoin de repos. Elle à cause de sa "vieillesse", moi à cause de la guerre et de la fatigue qu'elle me causait, sans parler de la surcharge de travail.
Anaël ne semblait pas aussi fatigué que moi : je le voyais souvent accoster de jeunes femmes dans les couloirs. Il ne semblait pas se rendre compte de ma présence, et je m'empressais d'oublier ce que je voyais, ou de trouver des explications plausibles à ses comportements. Il me semblait impossible qu'il m trompe.
Nous espérions tous que ça se finirait vite. Très vite. Je ne pouvais plus supporter cette situation, et je crois qu'aucun de nous ne le pouvais.
Et nos espoirs se sont un jour réalisés. Ce jour-là, je m'étais rendu compte que je laissais trop traîner mes dossiers en longueur, et que je ne pouvais pas laisser une pile haute d'une trentaine de centimètres de dossiers à la prochaine Suprême. Pas de bataille pour moi ce jour-là, et je ne m'en plaignais pas.
Samantha avait débarqué dans mon bureau, perchée sur ses talons hauts, comme à son habitude. Elle était paniquée, se mordait les lèvres. Elle me semblait presque au bord des larmes. Elle m'a dit, d'une voix tremblante:
-Susan appelle.
Sa voix était étranglée. Elle était au bord de la crise de nerfs.
-Samantha, il ne peut rien m'arriver à travers un écran, souris-je, néanmoins inquiète. Passe-la-moi.
Elle a hoché la tête et est retournée dans la pièce adjacente. Quelques secondes plus tard, le visage de Susan apparaissait devant moi.
Je me suis laissée allée dans mon fauteuil, et ai rajusté la couronne dans mes cheveux mal coiffés. Pour une fois, le sourire de Susan n'était pas narquois. Il était inexistant.
- Annabella, m'a-t-elle saluée.
-Susan.
Nous avons longtemps gardé le silence. Il m'est passé par la tête de lui demander comment elle allait. Mais ç'aurait été juste purement hypocrite. Je me foutais de comment elle allait. De toute évidence, c'était mieux que moi. Elle n'avait pas combattu pendant des semaines, et des mois.
Elle a soupiré, et a pris la parole :
- Puisque tu es si décidée à garder ce silence pesant, je vais le briser par moi-même. D'un autre côté, c'est moi qui doit te proposer quelque chose.
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[TOME 2]Le Pouvoir du Temps
Fanfiction"J'ai tout perdu. Pour moi, c'était un nouveau départ. Mais on ne peut pas tout reconstruire sans bases. Et je n'avais pas de bases." J'ai disparu. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, je n'ai pas fait exprès. C'était un véritable accident. Il...