" Lettre à ma fille "

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La femme n'avait plus qu'une infime chance de revoir sa fille. Et à mesure que la nuit tombait sur la ville, elle mourrait de plus en plus, dans une folie confuse. Que serait la vie sans son rayon de soleil, sans sa joie de chaque instant, sans cette petite fleur qu'elle avait créée avec l'homme de sa vie ? N'y aurait-il pas de mot pour décrire son malheur et sa haine ?

Une jeune femme aussi douce et attendrissante qu'elle, se perdant dans des tourments si terribles que son visage en changea du tout au tout, était un horrible spectacle. Déjà, le sourire qui naguère plissait ses joues enfantines disparu, et plus jamais à n'en pas douter il semblait que ses yeux ne brilleraient de la même intensité. C'était sa fille. Sa fille. Quand la revoir ?quand lui parler ? Quand la rassurer ? Quand lui dire et redire à quel point elle l'aime et l'aurait aimé ? Si, il y a bien des mots pour exprimer cette souffrance humaine, la douleur de perdre une personne à jamais. Mais ce ne sont pas là des mots choisis par l'auteur, mais avec bien plus de hauteur, comme si l'on décrivait là un paysage de tempête, il s'agissait d'imaginer ce que nous même dirions si nous devions perdre, peu à peu, l'image de notre cher enfant. Ou li'mage de quelqu'un que nous aimions tant. Nous crierions sûrement. Comme au bord de la falaise, quoique une falaise puisse être agréable, avec une belle vallée fleurie et un ruisseau tintant, donc plutôt un gouffre, synonyme de noirceur profonde, ou de profonde noirceur. Synonyme aussi de « c'est la fin, et nous n'y pouvons plus rien. ».


Ce fut aussi, et comme une évidence, cette idée d'impuissance qui monta en elle, la submergeant de vagues terriblement glaciales, et de bourrasques atrocement brûlantes. Un orage intérieur. L'idée qui envahissait son esprit était la suivante : laisser les choses aller, en divagant le long de la vie, et traverser les épreuves, les injustices, puis voir l'ampleur des dégâts, et se dire que : « la vie est ainsi, nous n'avons rien à y changer. » était inconcevable. Elle refusait de glisser dans la barque du destin, si facile finalement... Il lui aurait suffit de se voir comme un pion dans un jeu de dame. 

Or, elle ne pouvait se soustraire à cela. Elle ne pouvait non plus sombrer, elle devait vivre malgré tout. 

Or, lorsque le malheur touche d'un peu trop près la personne à qui l'on à offert l'amour, la passion, notre temps, beaucoup d'attention, et en quelque sorte un bout de notre cœur, il est très dur de se dire de ne rien faire. Ou de se dire de ne pas pleurer. Ou de se dire que la vie continue. C'est cela qu'on pourrait appeler avoir du courage. Le courage d' un cœur désespéré. On en a besoin parfois comme arme pour s'en sortir.

Elle revoyait tout de sa chère enfant, inutile de la décrire, c'est à ses yeux la plus belle et la plus merveilleuse des créatures de cette vie. C'était un chef-d'œuvre inégalable qu'elle seule avait crée. Elle, et son cher amour. 

Puis tout devint étrange, mouvant, intouchable, comme de la brume. Un mirage, des sons épars, un appel inaudible, mais qu'elle ressentait tout de même. Et puis plus rien.

La jeune femme se réveilla au petit matin, dans les bras de celui qui la regardait d'un air attendri.

" Encore ce rêve ? " Demanda-t-il doucement. Elle acquiesça en recouvrant ses prunelles des paupières lourdes de tristesse, avant de se retirer des bras chauds et réconfortants.

Arrivée dans la petite chambre, elle se rua vers le berceau. Un ange, sa petite fille, un ange gaie, une perle d'espoir, souriante, rieuse, et ses petites mains agrippant l'air réclamaient les bras de ses parents. Sa main effleura la minuscule joue du bébé, et une mélodie s'échappa de cet infime trésor. 

" Le rire guéri tout. "
 " Oui, mais j'imagine la détresse de ma maman lorsqu'elle a perdu son premier enfant... mon frère. Et je voudrais remercier mon père d'avoir pleuré avec elle, d'avoir rit avec elle, et d'avoir vécu avec elle. Car l'amour est à la vie ce que le rire est à l'humain : une sécurité et un bonheur simple et réel. "
" C'est vrai ma chérie. Qu'est-ce que c'est, dans ta main ? "
La jeune femme déplia soigneusement un bout de papier qu'elle tenait tout contre sa poitrine, les mains tremblantes sous l'émotion, et lut à voix haute ce que jamais auparavant elle n'avait partagé.
-Ce que ma mère m'a léguée avant tout, un témoignage, une leçon de morale, vivre pour ceux qui sont partis. Et elle lut :

" Lettre à ma fille : 

Je t'aime, mon enfant.
Toi qui là haut t'es égarée,
Reviens dans mes bras
Reviens dans nos bras
Nous venons en ce jour te chercher.
Au soleil et à la neige
J'aimerai demander une faveur :
Si ils pouvaient te retrouver
Qu'ils puissent te démontrer
A quel point la vie fut belle
Lorsque ensemble nous croyions en l'éternel.
Nous ne sommes plus des enfants,
Et la vie à arracher à nos passe-temps
A nos jours vides de ta présence
A nos jours dénués de couleur
L'enfant du bonheur.
La vie nous a arraché
Un ami et un amour si cher.
A une maman, à un papa,
A des amis ici bas,
A des frères et à des sœurs,
De sang ou de cœur,
Tu as été un ange éphémère.
Le mirage dont on s'impatientait
Les jours où tu t'enfuyais.
Tu n'allais pas bien loin,
Tu crapahutais dans la cour du voisin !
Mais elle est arrivée,
Elle a choisi ta fine peau dorée,
Ne préférant pas une maman,
Qui aurait tant aimé être choisie avant.
La maladie t'as enlevée,
Elle nous a volé
Celui qui ne voulait
Que vivre en paix
A nos côtés.
Il n'y aura qu'un seul mot que j'aurais à te dire,
C'est qu'à moi, à eux, à elles, à nous,
Tu nous manques à tous comme des fous.
En espérant retrouver ta joie et tes rires
Un jour, en une terre nouvelle
Nous souhaitons d'un hardant désir
Que ta courte vie nous apprenne cette chose :
Notre amour, mon amour, la vie est belle.
Merci d'avoir éclairé ces quelques journées
Bon voyage mon ange, un jour je serais à tes côtés.
Ta maman qui t'aime. "

Mots mêlésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant