III
Je frappe de toutes mes forces, j'envoie mon poing dans son visage, et je remets ça. Je frappe de toutes mes forces, comme si ma vie en dépendait, je frappe, je sens mon pied dans ces côtes, je sens mon poing qui continue sa trajectoire fatale, je sens la douleur, la peine, la souffrance. Tout est noir autour de nous, les pavés sont crasseux et la lumière froide du réverbère éclaire les démons qui s'emparent de moi. Je frappe à nouveau, je continue encore et encore, je lui crache dessus, je l'insulte, au fond je le déteste et je le hais. Je frappe encore et toujours, comme si je touchais un sac de frappe, je continue d'enfoncer ma main dans son visage. Les voitures fantomatiques défilent et ne semblent pas nous voir, peut-être qu'au fond, ils ne veulent pas nous voir. Les passants ne nous jettent pas un regard et je continue mon crime.
Il pleure, il agonise, il est vide, il n'est plus rien, et pourtant je continue à le frapper, comme si aucune alternative n'était possible. Ces minutes durent des heures et je m'épuise. Il ne réagit plus, ses yeux sont clos et son corps s'éteint, pourtant, épris d'une rage destructrice, je frappe encore et toujours. Le sang coule et en découle, un filet rouge s'échappe de son nez, sa tempe est ouverte, sa lèvre est gonflée, ses côtes sont cassées, et pourtant je continue à frapper, je sais que si personne ne m'arrête il ne restera plus que l'un d'entre nous ce soir.
Pourtant, je ressens toute cette douleur, cette colère, cette rage, tous les coups que j'assène me font souffrir, comme s'ils me renvoyaient la douleur que j'inflige, mais inhibée par la peur et la colère, j'ignore ma douleur et je continue de frapper, les coups pleuvent et j'ignore la pluie qui tombe. Je continue encore et encore. Je ne vois plus rien, je n'entends plus rien, même pas mon téléphone qui sonne, il n'y a plus que lui et moi. Pourtant je commence vraiment à m'épuiser et alors la douleur entre en scène.
J'ai mal aux jambes, aux bras, j'ai mal au ventre, j'ai mal au cœur. Je le sens qui pleure cette scène comme un frère qui pleurerait la mort de son partenaire, et la souffrance me prend, le sang commence à couler de mon nez, ma tempe saigne, et ma vie en dépend. Ma lèvre est ouverte et je m'affaisse. Je tombe d'un coup, une chute vertigineuse vers la douleur du sol, et je sens mes côtes brisées, je me retrouve en face de lui, à terre, gesticulant sous la douleur, les muscles me font mal, mon cœur me fait mal, mon âme se détruit et j'ai l'impression de partir. A ce moment je le reconnais enfin et comprends pourquoi j'avais toute cette haine. Il a mes yeux, mon visage, mes lèvres et mon corps, peut-être qu'en fait, si j'ai autant mal, c'est parce que c'était moi.
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Contrastes
Short StoryQuelque part, c'est peut-être comme ça la vie, c'est pas blanc, c'est pas noir, c'est juste une nuance de tout.