V
Je marche sous les lumières de la ville, je marche sous le regard orangé des réverbères, j'aperçois ici et là des fragments de vie aux fenêtres, je vois au loin une avenue pleine de sens ou le trafic est dense, et ça semble être à des années-lumière de chez moi.
Je marche dans la rue humide et je déteste la sensation de mes pieds mouillés. Je marche à pas désabusés et regarde autour de moi, personne, rien. La vie semble morte dans cette rue déserte et je continue ma traversée. Je déloge mon téléphone et l'allume, rien, désert tout comme cette rue. Ces pixels vident me rappelle le gouffre profond qui règne en moi. Les écouteurs vissés dans mes oreilles il n'y a que cette douce musique qui me parle. Cette harmonie criante qui maintient mes journées éveillées et me permet de m'envelopper dans un monde factice qui me fait oublier ma réalité.
10 mètres, 20 mètres, c'est toujours noir. Je dépasse un carrefour, je dépasse un bar fermé, toujours personne. J'ouvre mon téléphone et ne voit toujours aucun message, mon cœur se vide de son amour tandis que je sombre dans mon propre gouffre. Je me sens seul, horriblement seul, comme si le vide m'oppressait et que je n'avais personne à qui me raccrocher. En fait, je crois qu'il essaye de me noyer, tant mieux pour lui, je n'ai pas envie de nager.
Le vent frais qui percute mon nez, mes joues me rappelle que j'aurais bien envie de serrer quelqu'un dans mes bras, la musique dans mes oreilles me rappelle que je n'ai personne à qui parler et je me sens comme un astronaute perdu sur une planète étrangère, dans une autre réalité. La lumière froide des réverbères me rappelle que j'aimerais passer du temps avec elle, à regarder des films dans une ambiance cosy. Le métal froid des barrières me rappelle que je n'ai personne à embrasser, personne qui ne pourrait me réchauffer. Les publicités sur les abribus et dans la rue me rappellent mes défauts et complexes qui font que je déteste mon propre corps. Je regarde mon téléphone, toujours aucun message, mon humeur dégringole de plusieurs étages comme un crachat qu'on jette d'un pont pour se marrer.
Les oiseaux se taisent, le monde nocturne, lui, est éveillé. Je vois toujours cette avenue peuplée qui semble si loin et inatteignable pour moi. A chaque pas que je fais elle s'éloigne de plus en plus. Toutes ces voitures au loin me rappellent que j'aurais aimé avoir la force de sortir au bar un soir, mais je préfère toujours rester terré chez moi, dans mon cocon ou je me sens toujours plus en sécurité, même si finalement, les questions et les douleurs dans mon crâne me suivent quoi que je fasse. Je regarde mon téléphone, toujours rien. Cette lumière bleuâtre et ces pixels vides me rappellent que moi aussi, j'aurais eu envie de passer la soirée à envoyer des sms ou à discuter.
Je marche et je ne sais pas trop où je vais ni pourquoi j'y vais, je me contente de suivre mon instinct, et bizarrement, je ne vois toujours personne. La rue continue et semble identique, j'ai l'impression de refaire quinze fois le même chemin, peut-être que toutes les rues se ressemblent, je n'ai pas fait attention à où j'allais, et quelque part, je crois que je me suis perdu. Je ne sais pas trop où aller, j'ai peur, j'ai froid, j'ai la déception au ventre, et quelque part au fond de moi, je me hais. Maintenant tout ce qu'il me reste à faire c'est suivre les lumières jusqu'à peut-être, trouver un peu de vie au détour d'un trottoir et estomper mon envie de rejoindre le vide.
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Contrastes
Historia CortaQuelque part, c'est peut-être comme ça la vie, c'est pas blanc, c'est pas noir, c'est juste une nuance de tout.