IX - Onde de choc

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IX

Ça y est, j'ai sauté. L'air qui tente de me soulever est inutile et ses efforts vains, j'ai sauté, j'entame ma chute. Je tombe vers l'eau profonde avec ce spectre noir accroché au pied, je sombre vers le bleu foncé, l'obscurité, vers les Enfer et la torpeur d'un saut achevé et choisi. Un saut de l'Ange parfait, même si j'ai du mal à croire que l'Ange, c'était moi. Je sombre, je tombe, je chute, je descends et ma peau rentre en contact avec l'eau glacée, lentement mais sûrement j'entre dans le marécage d'une existence sans vie où tout doit s'arrêter pour enfin trouver la paix.

J'ai les yeux humides, les joues cramoisies, j'ai le nez rouge et un nœud dans le ventre, quelques larmes coulent sur mes joues tandis que l'eau atteint mes jambes, j'ai fait du mieux que je pouvais, mais à priori ce n'était pas assez. Le démon m'entraîne au fond et semble heureux d'y aller, plein de joie et de vie il rejoint le fond avec une vitesse et une lourdeur conséquente. Mon pied y est accroché, ma jambe se fait entraîner et mes gesticulations ne changent rien, aujourd'hui je sombre. J'ai peur du vide, j'ai peur de la mort, j'ai peur de la vie, mais j'espère trouver la paix et l'harmonie. Mon bateau n'a pas tenu le coup et la coque est fêlée, plutôt que de couler avec le navire j'ai préféré disparaître de mon côté.

L'espoir est mort et le silence se fait roi, il n'y a plus rien. Je tombe dans les nuances de bleu et chute vers le grand fond. Je n'ai plus d'air je commence à suffoquer. On m'avait promis un avenir et une belle page blanche sans mots sur laquelle j'aurais pu écrire mon chemin, mais je n'ai eu droit qu'à des feuilles de brouillon sales et déchirées, je n'ai eu le droit qu'à des heurts, des coups, des larmes, des blessures, quelque part, peut-être que comme ce papier usé, j'ai déjà passé la date d'expiration.

Ma chute semble durer des heures, seul et inutile, j'observe ma vie qui défile devant mon regard embrumé et triste. J'y vois des bons comme des mauvais moments, mais maintenant c'est trop tard, le mal est fait et j'ai sauté. Je n'ai plus la force de me battre pour remonter à la surface, les mouvements me font mal et je décide d'accepter ma défaite. Je me demande ce que sera mon leg à l'humanité, l'image de quelqu'un de trop faible pour affronter la vie ? L'image d'encore une victime de la société ? Un fait divers ? Une fatalité ? Le temps s'accélère tandis que j'approche du fond. Mon âme brouillardeuse s'élève quant à elle vers la lumière et m'oublie pour vivre quelque chose d'autre, à mes côtés j'aperçois la roche, le sol, et l'obscurité. Le boulet qui me coulait heurte le fond avec fracas et une onde de choc se produit autour de moi, comme seul bruit dans un océan de calme et d'harmonie, je pose mon témoignage sur une roche qui en a déjà vu d'autre.

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