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Le soir-même, alors que tous les collégiens avaient quartier libre, Axel alla toquer à la porte d'Alexis. En effet, les deux adolescents avaient rapidement accroché. Principalement parce qu'ils pouvaient se lancer des insultes en riant, mais aussi, et, même si aucun ne voulait l'admettre, parce qu'ils se plaisaient bien.
Évidemment, trop fiers, ils n'oseraient jamais l'avouer à quiconque. Ni à eux-mêmes. Et puis, il fallait être honnête, ils n'avaient pas la moindre expérience sociale, ce qui réduisait considérablement leurs chances de parler de ça l'un avec l'autre.

Enfin bon. Que disais-je, moi, narratrice ? Oui, Axel toquait à la porte !  C'est vrai. Je reprends donc.

Sauf que ce ne fut pas Alexis qui lui ouvrit, mais une jeune fille plus jeune que lui.
Normalement, il se serait caché, mais pas cette fois. Non.
Il lui offrit un sourire aimable et lui demanda d'une voix légèrement chevrotante si elle savait où était celle qu'il cherchait.

-Elle... Elle m'a... m'a dit que... qu'elle allait... chercher des... des pizzas pour... pour un... un ami à elle.

-Oh. D'accord. Merci. Bonne soirée.

Étrangement -enfin pas tant que ça-, cette nouvelle ne le réjouit pas. Au contraire, même. Il était jaloux. Jaloux d'un garçon qu'il ne connaissait pas à cause d'une fille qu'il venait de rencontrer.
Axel se dit que ce voyage à Paris était véritablement plein de surprises. Et, sur cette pensée, il remercia silencieusement sa mère qui l'y avait envoyé. Plongé dans sa tête, il ne vit pas une jeune fille arriver et se cogna violemment contre elle.
Lorsqu'il tourna les yeux vers l'adolescente à terre, il comprit qu'il venait de percuter celle qu'il cherchait. Alexis était là, devant lui, projetée à terre par ses soins, deux cartons de pizza bien fermés éparpillés autour d'elle. Elle le regarda un court instant avant de sourire narquoisement.

-On regarde plus où on va, Moore ?

-Tu n'étais pas censée manger avec ton ami ?

Il n'avait pas pu s'empêcher de cracher le dernier mot, ce qui fit sourire Alexis de plus belle.

-Môsieur serait-il jaloux ?

-Pas du tout. Et puis, retourne voir ton ami tellement génial que tu manges avec lui.

-C'est toi, crétin.

-Tu rigoles, Corbyn ? Parce que je dois te dire que c'est pas drôle.

-J'ai l'air de rigoler ?

-Bah... Il faut dire que ton visage n'exprime que...

-Si tu dis le mot colère, je t'assomme.

-Mais pour qui me prenez-vous, Mademoiselle ?

-Haha. Hilarant. Bon, aide-moi à me relever, Moore.

-Et le mot magique ?

-Hum... Avada Kedavra ?

-OK, je t'aide, Voldemort.

Après quelques minutes passées à se chamailler, Axel lui tendit sa main, et Alexis la tira vers elle, l'envoyant, par la même occasion, à terre.
Il fit mine de s'indigner pour faire bonne figure, mais un éclat de rire brillait dans son regard d'obsidienne.

-Corbyn, je vais te tuer, prépare-toi à mourir, menaça-t-il alors qu'elle courait loin de lui.

Mais la jeune fille, remarquant qu'elle avait oublié ses pizzas, fit demi-tour pour récupérer les cartons, et recommença à courir.
Il ne la retrouva qu'une dizaine de minutes plus tard, confortablement assise dans leur coin. Elle le vit et lui fit le plus grand sourire possible, ce qui le fit se moquer d'elle.
Alexis se mit à grogner qu'il n'était qu'une "bouse de musique pop" et qu'il méritait "d'écouter du Justin Bieber jusqu'à ce que mort s'en suive" et d'autres choses totalement incompréhensibles.

-Alors, Corbyn, on veut jouer à qui sera le plus souvent à terre ?

-Tu n'aurais pas mangé un clown, par hasard ? On rapporte la disparition de l'un d'entre eux au Cirque du Soleil.

-Avec un humour pareil, je suis certain que tu es la coupable que les autorités recherchent.

-Bon, Moore, tu viens manger ou merde ?

-Je savais que tu ne pourrais pas résister plus longtemps à mon charme fou. Elles sont à quoi, tes pizzas ?

-L'une est au saumon, et l'autre, au fromage à raclette. T'en penses quoi ?

-J'en pense : on partage ?

-Avec plaisir.

Les deux adolescents se mirent à manger leur repas en riant à des blagues toutes plus vaseuses les unes que les autres.
Axel essayait de parler de rock, et Alexis, de boxe. Le résultat était désastreux, mais ils s'en moquaient royalement. Ils avaient un ami pour la première fois de leur vie, et c'était le plus important.

-Bon, Corbyn, dis-moi franchement ce que tu fais ici, dans cette rencontre nationale totalement stupide.

-Mon frère m'y a forcée. Et toi, Moore ?

-C'est ma mère.

Ils discutèrent encore beaucoup avant d'arriver au sujet "famille". Sujet qui gênait tant l'un que l'autre.
Pourquoi ? Il vivait seul avec sa mère, son père les ayant abandonnés avant sa naissance, et elle, avec son grand frère depuis le départ de leurs parents.
Voilà pourquoi aucun d'entre eux ne souhaitait parler de leurs familles respectives. Alors, ils détournaient la conversation sur celle de l'autre, qui faisait exactement la même chose. Leur manège dura un certain temps avant qu'ils ne se regardent d'un air entendu.
Ils s'étaient compris d'un simple coup d'œil. Première fois pour les deux adolescents.

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